L’énergie musculaire , l’énergie la moins chère « ! Nous appliquions le slogan, autant par conviction que manque de moyens.
Nos affiches nous les faisions nous-mêmes , procédé sérigraphie : tamis, raclette, encre. Notre minusgroupe excellait en polyvalence. Floflo, le manuel, pour le châssis, George pour le coup de patte et le dessin , et le bidochon (moi) avec son imagination et sa maîtrise des concepts, pour le mot d ordre.
Nous avions eu une réunion, en camarades, pour le définir : un slogan ça doit être efficace : court, mémorisable et percutant. Il le fallait radical également bien sûr. Après quinze heures de réunion, autant de litres de rouge et de saucissons et de picodons , JE suis tombé d ‘accord ! Voilà : sous un dessin représentant une fleur de pissenlit poussant dans un pot en forme de tour de refroidissement, nous écririons : NON ! Ça c’est bien lancé !
Allez , au boulot ! Préparation du tamis, découpe des feuilles, et encre. Hop ! ATTENTION , ne jamais utiliser uniquement du blanc et noir – réservé à l’Etat- de même que du bleu / blanc / rouge ; idem. Ne pas oublier de mentionner l’imprimerie,… facile, on marque imprimerie clandestine et on est dans les clous de la loi . On s’y met.
Feuilles , encrage, raclette , et une affiche à sécher , une !
Feuilles , encrage, raclette , et une affiche à sécher , une !
Feuilles , encrage, raclette , et une affiche à sécher , une !
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Feuilles , encrage, raclette , etc. etc. Etc. etc. et, une de plus ! Ouf, soirée productive, ça devrait suffire pour inonder le hameau.
La colle c’est facile , un seau, de l’eau et de la colle à tapisserie ; on la passe au pinceau large recto verso et à la suivante.
Le hic c’est qu’on était qu’une équipe opérationnelle , on a compensé en pratiquant la division du travail.
On a commencé dans les endroits reculés mais visibles ( la connaissance du terrain est toujours un atout contre l’ennemi) et on a convergé au centre. Là il restait encore beaucoup d ‘affiches. Ne pas gaspiller c’est aussi un principe écolo, on a décidé de tout coller, chemin faisant , en rentrant au camp de base ( T 6 communautaire ). On n’en voyait pas le bout, alors on a affiché de plus en plus serré – la répétition c’est didactique aussi- jusqu’au devant de notre porte… Cinq heure du mat , nuit productive, allez au pieu.
Sept heure du mat , les gendarmes sonnent à la porte ! Mince, deux plombes de sommeil ça fait peu , mais c’est les contraintes du militantisme. Vous voyez le tableau : nous la trogne ensommeillée-farinée, en calbards face a des gendarmes proprets et hilares.
Comment ont ils fait pour nous repérer et localiser si vite ? L’annonce de leur future réussite dans le canard local les faisait rayonner. Allez , audition au poste , habillez vous !
Pendant l’interrogatoire chacun a furieusement nié toute connivence avec les attardés de la croissance qui avaient tapissé le village. Moi, ils ont voulu me faire préciser : NON , d’accord, mais à quoi ? Comme je n’étais pas clair et que je ne pouvait pas vraiment répondre parce que j avais pas tout compris du pourquoi de notre action ( en fait j’étais amoureux de la belle militante) , j’ai rien dit.
De quelle force d ‘âme étais- je en train de faire preuve a cette heure si matutinale ! Je me suis pris pour Lénine, presque.
Une chose me tarabustait, comment , comment ,comment diable nous ont ils trouvés ? Après j’ai su , il y avait un des membres de cette brigade subpériurbaine qui avait fait des études, et il avait même lu « Le petit poucet » et il s’était rappelé du coup des cailloux. Pas de bol !