Avec la crise énergétique et l’augmentation vertigineuse du prix des stères de bois, le rush sur les forêts européennes s’accélère. Et la violence. De nombreux vols de bois ont déjà été répertoriés. La crise provoque un afflux de pratiques illégales sur les forêts, hautement préjudiciables à notre patrimoine naturel, au climat et à la survie humaine, animale et végétale. La déforestation sauvage touche autant les forêts privées que publiques. Partout, des camions entiers de grumes sortent illégalement des forêts pour être revendus au prix fort. Ça concerne autant des grosses entreprises rasant des hectares de chênes centenaires en une nuit, que des magouilles des personnels d’organismes forestiers, que des raids de bûcherons non déclarés qui abandonnent en grand fouillis branches et rémanents, multipliant les risques d’incendie.
- Violences et carnage écologique en Cevennes
- image illustrative d’une coupe, Bastamag
Dans ce contexte de tensions, l’écoféministe Sylvie Barbe, pionnière des yourtes en France, rédactrice du site Yurtao et auteur du livre « Vivre en yourte, un choix de liberté » (Éditions Yves Michel 2013), électrohypersensible ( EHS) réfugiée en forêt Cévenole, s’est faite agressée sur la voie publique par des bûcherons qui n’ont pu prouver leur légalité.
Elle a été jetée à terre, molestée et insultée par une dizaine de personnes se disant ouvertement autorisées et protégées par le maire à ouvrir une piste et déforester le bois communal, dont l’accès et les ressources sont normalement soumis à procédures démocratiques légales.
Le Collectif Citoyen Cévennes Cèze (4C) s’est immédiatement mobilisé contre la violence et l’usurpation des voleurs de bois. Il a demandé la communication des autorisations administratives publiques. La mairie a opposé un refus catégorique.
Le maire de Besseges n’a manifestement pas pu prouver avoir satisfait aux obligations réglementaires de consultation et de vote du conseil municipal et de toutes démarches administratives prescrites par la loi, concernant l’abattage des feuillus du domaine communal.
Il a affirmé à un membre du Collectif Citoyen avoir donner autorisation de pratiquer des travaux d’ouverture d’une piste anti-incendie non pas à une entreprise mais à un particulier qu’il paye en nature avec le bois coupé. Or il s’avère sur le terrain que ce particulier assisté d’une dizaine de personnes non déclarées, équipées de tractopelle, camions et plusieurs tronçonneuses, œuvrent en dehors de toutes mesures de sécurité publique, et massacrent les arbres bien loin de la soi-disant piste anti-feu ouverte en plein milieu d’un terril instable. Des camions pleins sortent régulièrement livrer ce bois, à qui ?
Selon la réglementation très précise en la matière, la seule possibilité légale de couper du bois en forêt communale pour un particulier, c’est l’affouage, qui bénéficie d’une réglementation codifiée encadrant le droit des habitants de couper du bois pour leur besoin de chauffage. Ce droit d’affouage qui interdit strictement de revendre le bois doit être spécifié dans le Plan de Gestion de l’ONF et voté et organisé par le conseil municipal, selon des modalités fixées par le Code Forestier en son article L 145-1 et suivants. En l’absence de toute organisation réglementaire, l’attribution de toute coupe de bois à un « particulier » est illégale. Il s’agit d’un droit ancien de résurgence coutumière, très social, réservé aux foyers des familles résidant sur une commune forestière. Un ultime résidu, avec le droit de glanage, du droit d’accès au bois de sa forêt de proximité, du temps où les rois et la noblesse puis les ingénieurs et les aménageurs n’avaient pas encore confisqué bois et gibier à la population.
A ce jour, le maire n’a pas fourni les documents prouvant que l’abattage des arbres a été réalisé dans le respect de la loi et, après premier comptage effectué par les membres du Collectif Citoyen, nous avons constaté que des centaines d’arbres ont été abattus et débités en bûches sur place pour usage et destination inconnus. La forêt mutilée pleure en vain. Il ne reste qu’un terril dénudé que les prochains épisodes cévenols précipiteront sur le village, comme cela est arrivé lors d’un automne très arrosé au village voisin de Molières-sur-Cèze.
En conséquence, le Collectif Citoyen Cévennes Cèze ( 4C) a envoyé un appel au Préfet, et plusieurs membres du Collectif ont déposé plainte pour vol de bois et déforestation illégale. Sylvie Barbe a, quant à elle, porté plainte pour agression physique. Une procédure administrative est en cours, car non seulement le Maire mais aussi l’ONF ne fournissent pas les documents légaux sollicités. La CADA, Commission d’Accès aux Documents Administratifs, a du être saisie avec l’assistance d’un avocat.
Mais le temps judiciaire n’est pas le temps des tronçonneuses. Les arbres continuent à tomber dans la forêt communale. Pour avoir oser demander sur quelle décision légalement votée se fonde ce massacre et pour se trouver aux premières loges avec vue panoramique sur la dévastation, Sylvie a été menacée par les bûcherons d’incendie de son camp. Ils ont déclaré que des drones espions ont survolé sa propriété et qu’elle allait être virée de chez elle manu militari. Ils orchestrent une campagne de dénigrement et de diffamation dans tout le village en arguant être protégés par le maire, des élus locaux, du Préfet, des gendarmes et de l’ONF. Et l’incendie a bon dos.
Car c’est justement l’incendie qui sert de couverture au maire : celui-ci allègue le grand incendie de Besseges, d’origine criminelle, de Juillet 2022, pour de son propre chef et sans en référer aux lois afférentes à tous projets d’utilité publique, ouvrir en face des collines brûlées, dans les bois du coté épargné du bourg, une piste de débardage en plein milieu d’un crassier. Et de faire abattre un bois de feuillus reconnu pourtant très peu inflammable, sans toucher aux pins. Ces robiniers en fond de vallée constituent une barrière naturelle anti-incendie, mais les prédateurs font beaucoup plus de bénéfices en s’attaquant à une forêt de feuillus bien vivante qu’à une forêt de pins maritimes incendiés. Il s’agit tout bonnement de se servir du prétexte de l’incendie pour ouvrir en grand la forêt communale encore debout à tous les véhicules de bûcheronnage des extracteurs de bois. Les cent dix hectares de cette forêt antérieurement dévastée pendant la période industrielle, trouée de galeries de mines, constituent un jeune biotope en train de se reconstruire. Il nécessite d’être protégé pour repousser librement dans toute sa diversité. Sur l’ancien crassier et le fond de vallée humide et fertile, de nouvelles essences poussent spontanément, enrichissant la biodiversité si précieuse : paulownias, micocouliers, érables, chênes, frênes, arbousiers, fruitiers sauvages, merisiers, bouleaux, robiniers etc, sans compter une multitudes d’arbustes et de lierres qui font la joie d’une riche faune aviaire et animale.
Des dizaines de nids ont disparus, les lierres déchiquetés. Anéantis par des bûcherons agressifs s’ appropriant la forêt sans discernement et s’en prenant à toute personne osant questionner la responsabilité de cette catastrophe biologique.
Le prétexte de l’ouverture d’une nouvelle piste contre l’incendie en forêt communale, pourtant déjà largement desservie par une DFCI carrossable qui traverse tout le massif forestier, est en fait une manœuvre pour assurer un accès direct et facilitant à une mine d’or vert à ciel ouvert, la plus grande réserve de bois d’acacias, de châtaigniers et de chênes de la commune, bois très convoité pour usages multiples.
Peu importe que cette forêt stabilise le terril sur lequel elle s’enracine et que sa dévastation entraîne de sérieux risques d’éboulements et de glissements de terrain. Les tronçonneuses avancent et rasent sans rendre de compte à quiconque. En particulier le Dimanche, quand les contrôles administratifs ne sont pas mobilisables.
Sylvie est connue pour ses convictions écologiques et son mode de vie frugal. Elle est une des dernières habitantes de la forêt en France car le pouvoir ne veut pas que les gens sortent des villes et des écrans pour découvrir la réalité tangible de l’appropriation de nos ressources communes dilapidées au profit de quelques uns. Ceux qui sur place se mobilisent sont poursuivis et chassés. La forêt appartient aux chasseurs, aux bûcherons, aux ingénieurs aménageurs, à l’industrie de la biomasse et aux forestiers de l’ONF aux abois. Le savoir vernaculaire développé par les ruraux est méprisé, en particulier celui des femmes, expertes en soins par plantes médicinales et en forêt jardinée. L’être humain non enrégimenté dans le totalitarisme de la destruction généralisée devient une cible, et surtout les femmes, plus vulnérables, bien souvent en première ligne pour sauvegarder la subsistance domestique et l’avenir de leurs enfants.
Acculée, par la prolifération toxique des ondes électromagnétiques qui rendent malade, à survivre dans des conditions de vie extrêmement précaires, Sylvie gène ce trafic illégal, mais surtout, son style de vie holistique et sobre semble constituer une insolence insupportable pour les représentants d’un patriarcat en faillite. A l’instar de plus en plus de citoyens saturés de pollution environnementale, elle défend les dernières enclaves de respiration et de contact avec la réalité, là où les arbres résistent en silence. Mais plus le productivisme technocratique étend ses tentacules, plus la course au profit accélère, plus la prédation sur la forêt s’aggrave, et plus les lanceurs d’alerte gênent au point d’être diffamés, attaqués et criminalisés. Sylvie subit d’intenses pressions depuis des années, intrusions, menaces, voies de fait, exactions. La liste incroyable des méfaits contre lesquels elle a du porter plainte est longue car il semble que l’imagination des machos locaux contre une femme libre et engagée soit sans limites. Ainsi que les cécités et surdités volontaires des représentants des forces publiques censées prévenir, empêcher et punir ces diverses exactions. Petit aperçu non exhaustif :
Insultes, médisance et calomnies, menaces et agressions verbales. Encerclements de l’écolieu avec chiens, sécateurs et couteaux, saccage des arbustes et végétaux à coups de bâtons furieux. Intrusion de nuit pour voler des objets et introduire des produits toxiques : empoisonnement des arbres et des haies ; empoisonnement des réserves d’eau par huile de vidange, crottes humaines et animales ; épandage de produits toxiques sur le bois de chauffage. Destruction des sculptures, portillons, terrasses, murettes, restanques et murs de soutènement à l’aide de burins, marteaux et barres de fer, parfois oubliés sur place et retrouvés, déposés en vain en gendarmerie. Obstruction des accès par des branches, des poubelles, des gros tas de pierres. Crevaison des pneus etc...
Certes, il est plus facile de signer une pétition pour sauver la forêt amazonienne que de dresser une barrière humaine contre une forêt illégalement massacrée à coté de chez soi. Pourtant, c’est bien ici que s’amorce une nouvelle ruée vers l’or vert par des brigands de tous acabits .
Les écoféministes de terrain qui sont les gardiennes du Vivant souffrent partout sur la planète face aux assauts contre les femmes et la nature. L’Occident n’est pas épargné. Ce n’est plus seulement sous les tropiques que la forêt est en danger, c’est partout. Contre la privatisation, contre l’industrialisation, contre l’enrésinement de nos forêts, contre la razzia sous prétexte économique, contre la prévarication des élus, d’autres gestions douces de nos forêts sont possibles. Et surtout, la forêt est capable de se régénérer seule, si seulement on lui en laisse le temps. Car non, ce ne sont pas nos compteurs qui sont intelligents, ce sont les écosystèmes fournissant l’oxygène à des centaines d’espèces animales (dont l’être humain) et végétales, depuis des milliers d’années, avant que démesure et orgueil civilisationnels sonnent le glas annonçant l’effondrement de la biodiversité.
Le droit d’affouage pourrait être une opportunité pour la population locale non seulement de se chauffer avec une ressource de proximité, mais surtout de reprendre contact avec la nature, de comprendre son rôle primordial dans les écosystèmes et pour l’ensemble du Vivant. Aussi les femmes et les hommes conscients du danger mortel que représente l’abattage inconsidéré des arbres et la disparition galopante des espèces animales et végétales qui y vivent en intime cohabitation, au lieu d’être attaqués, devraient être protégés par la loi. Les peuples premiers ont su nous transmettre une planète en bonne santé mais, par la colonisation des chiffres, la rationalisation du profit concomitants à l’invention de l’électricité et l’extractivisme énergétique qu’elle a inauguré, les casseurs au pouvoir n’ont de cesse de tout bousiller, d’exterminer les derniers protecteurs de notre patrimoine vital. Aujourd’hui s’ajoute à cette constante systémique une sorte de panique des consommateurs largement entretenue par les gouvernants qui négocient encore à la Coop 27 avec des centaines de lobbies dont le seul objectif est de s’approprier le plus possible d’argent et de territoires.
Cependant, il ne serait pas adéquat de traiter cette affaire comme un conflit d’intérêts sur l’usage de la forêt. De même que lorsqu’un conjoint violent frappe sa femme, il ne s’agit pas d’un conflit entre deux parties développant des intérêts divergents, mais bien d’une agression pure sur une victime qui subit un véritable état de guerre. Entre la forêt qui se défend et les abatteurs qui la violent en la réduisant à l’état d’objet industriel à consommer, le rapport de force est clair : celui de la domination prédatrice sur des victimes vulnérables qui n’ont rien fait d’autre qu’exister pour focaliser tant de haine. La forêt est en état de siège, celles et ceux qui prennent cause pour elle sont traqués. La forêt est harcelée sans aucune possibilité de défenses, de même que la femme décrétée sorcière qui y vit. Il n’y a donc pas de médiation possible pour une quelconque entente afin de prolonger une relation perverse. Il faut que la loi tranche en protégeant le bien public, afin de garantir l’avenir de notre Terre dont femmes et forêts sont les âmes vives.
Le Collectif 4C demande que les violences contre la forêt et celles et ceux qui y vivent soient stoppées et jugées, qu’un débat démocratique sur les droits d’accès aux ressources de la forêt soit programmé, car la mobilisation pour la forêt offre un formidable terrain pour (re-)faire société. Nous voulons que la forêt soit reconnue non comme une biomasse à exploiter, mais comme un être vivant ayant droit à son intégrité singulière et inviolable.
Dans cette attente, le Collectif Citoyen Cévennes Cèze appelle à occuper pacifiquement la forêt communale de Besseges tous les Dimanche.
Venez promener et pique-niquer dans notre belle forêt !
Consulter le site YURTAO pour des dates de mobilisation plus précises.
Forum de l’article