Voici un texte qui analyse les violences sexistes renforcées par la culture de l’Ordre institutionnel et de l’uniforme.
Suivi de questionnements sur la campagne de communication de gendarmes "R-mess" qui se développe en France, et aussi dans la Drôme (via des emballages pour pharmacies, boulangeries...).
CULTE DE L’ORDRE ET CULTURE DU VIOL : ÉTAT DES LIEUX SUR LE SEXISME SYSTÉMIQUE
Un dossier du du collectif « Désarmons-les
À l’heure où certaines féministes en appellent à une police « mieux formée », il est bon de rappeler différents exemples qui démontrent combien les forces de l’ordre profitent de leur fonction pour soumettre définitivement celles qu’ils considèrent, dans leur for intérieur, comme inférieures.
Les violences du corps policier à l’encontre des femmes sont avant tout autoritaires, alliage entre un pouvoir universel et socialement admis de contrôle et de punition de la part des hommes, qui les amène à s’arroger le droit de jugement, mais également de vie ou de mort sur la victime, moyen de contrôle absolu et définitif démontrant la toute puissance de la sauvagerie masculine. Les femmes doivent être à la disposition des hommes et doivent être soumises à leurs injonctions, à leurs désirs, et ce qu’elles refusent de donner, les hommes peuvent le prendre par la violence. Ce qui est vrai pour les hommes en général l’est vrai pour les hommes de l’Ordre en particulier.
Il est nécessaire de rappeler que les violences policières sexistes sont interdépendantes de la structure et de l’histoire de l’institution policière, mais aussi du système judiciaire et carcéral. Pour analyser cette domination, nous proposons de partir des violences individuelles des hommes de l’Ordre, puis de l’affirmation de leur toute puissance au sein de l’appareil d’État, pour aboutir sur les violences dans les lieux de privation de liberté et élargir sur cette question éminemment contemporaine : comment s’affranchir des forces de l’ordre dans nos luttes ?
La suite ici : Culte de l’Ordre, culture du viol : état des lieux
- Un dossier sur le sexisme et les violences du corps policier
extraits :
Sans surprise, la presse régionale relate régulièrement les affaires de violences conjugales impliquant des policiers ou des gendarmes avec un légèreté déconcertante, s’employant le plus souvent à relativiser la gravité des faits, à mettre en avant l’exemplarité professionnelle de l’agresseur, voire à le présenter comme vulnérable ou sur la voie de la repentance [1, 2]. On est bien loin des gros titres piétinant la présomption d’innocence quand il s’agit de “personnes connues des services de police”. Pourtant, qui peut être mieux connu des services de police qu’un policier lui-même…
La récurence de ces violences, qui ne sont que la transposition dans la sphère privée d’une violence légale et légitimée au nom de l’ordre et de la sécurité publique, remet fondamentalement en question la probité d’une institution à laquelle est confié le sort des victimes de violences conjugales, des victimes de viols, d’agression sexuelle, sexiste, homophobe et/ou raciste.
Habillez un homme d’un uniforme bleu et vous produirez les conditions de cette impunité qui permet à certains hommes de se réaliser en tant qu’agresseurs, tandis que d’autres se feront leurs complices en les couvrant ou en déniant aux victimes leur droit d’être prises en considération : la mysoginie à l’état pur, couvert par le sceau du serment.
Être craint ou respecté (la nuance est subtile) ou mettre au pas la population et ses corps indociles, tel est l’objectif premier de la police, de l’administration pénitentiaire et de l’armée, toutes ces administrations régaliennes qui incarnent l’autorité de l’État. Ces métiers sont majoritairement masculins et le recrutement se fonde sur les codes de la “masculinité” : virilité, protection (sic), force, courage, bravoure, etc.
Récemment, la société française a semblé découvrir avec effroi les groupes Facebook ou Whatsapp réservés aux flics, dans lesquels un déchainement de violence verbale et d’insultes ouvertement racistes voire suprémacistes se superposent avec des MEMES glorifiant des homicides policiers.
Ces groupes ont été dénoncés depuis des années aux instances de contrôle des pratiques policières (IGPN/IGGN), évidemment sans suites. Récemment, un acharnement terrible s’était retourné contre une femme qui avait mis en lumière ces groupes, Amélie. Rappelons qu’Amélie a subi plus de deux ans de harcèlement policier, des violences sexistes, physiques, des menaces de viols et de mort : notre article à ce propos.
L’existence d’un nombre incalculable de policiers s’illustrant par leur zèle brutal est un fait établi. On ne parle pas d’un phénomène rare ou de “dérive”, encore moins de “bavures”, ces hommes de l’Ordre ne représentent pas quelques “brebis galeuses” qu’il s’agirait de sortir du troupeau pour préserver les autres.
L’uniforme incarne la domination de toutes et tous tout le temps, pour quelque motif que ce soit, il assoie la normalité du contrôle éventuel, et surtout la peur : peur de l’escalade possible, peur des conséquences, peur des violences et peur de la mort. Cet uniforme est le symbole de la toute puissance affirmée par l’État, qui octroie à ses hommes de l’Ordre toute liberté d’action au détriment de la liberté des autres.
Cette toute puissance s’exercera forcément en premier lieu sur les premières victimes du système patriarcal : les femmes, les enfants, les personnes homosexuelles, transgenres, intersexes, travailleu.se.s du sexe… Violence qui s’abat avec plus de force dès que les victimes sont des personnes racisées, car cette toute puissance revêt forcément une dimension raciste et suprémaciste.
Les cas sont nombreux et symptômatiques de la culture du viol régnant dans les institutions, qui ne sont rien de moins que le reflet de celle régnant dans la société, à la seule différence près que les agresseurs bénéficient dans la police d’un statut leur permettant de se penser légitimes ou impunis. Ce qui frappe notamment, c’est le recours à des pratiques de viol collectif, qui rappellent le viol comme arme de guerre ou les “tournantes”, tant médiatisées lors du règne de Nicolas Sarkozy et attribuées alors à une catégorie de population que l’opportunisme de droite de l’époque prétendait “karcheriser”.
Il y a dans cette forme de “viol punitif” une dimension émeutière (au sens étymologique du terme) qui interroge à la fois cette masculinité ensauvagée qui peut régner dans les groupes d’hommes en général, mais également les groupes d’hommes de l’Ordre en particulier.
Le corporatisme syndical et le sentiment d’impunité amènent des policiers à être témoins silencieux et finalement complices, sans avoir à participer activement aux violences en tant que telles.
Tout ce qui apparaît comme contraire à la force virile incarnée par les hommes de l’Ordre est alors soumis à des formes de rituels d’humiliation et de “dévirilisation”, qui passent notamment par le viol à proprement parler, souvent à l’aide d’objet contondants tels que leur matraque.
Quand on se plonge dans les très nombreux témoignages de “contrôles ordinaires”, qui sont tout autant de contrôles au faciès, l’évocation de “palpations génitales” apparaît régulièrement. Le collectif Stop Le Contrôle Au Faciès a ainsi effectué un relevé statistique du nombre d’attouchements sexuels dans le cadre de contrôle, établissant ce chiffre à plus de 9% des témoignages recueillis.
Il y a dans ces violences sexuelles le révélateur d’un besoin compulsif chez le mâle policier, qui se manifeste par le désir d’atteindre ou de violer l’intimité des personnes placées sous son contrôle, et notamment lorsqu’il s’agit de personnes que celui-ci perçoit comme “non viriles”.
Dans sa toute puissance virile, l’homme de l’Ordre est incité par le législateur à se penser comme le garant privilégié d’une certaine moralité et de certaines libertés, qu’il est par ailleurs libre d’interpréter comme il lui convient. Autant dire que, laissé à l’appréciation d’une institution gangrénée par le virilisme, la misogynie et les préjugés racistes, le droit devient alors une arme formidable pour dominer les catégories sociales qui cochent le plus de cases sur le barême policier de l’asocialité et de l’incivilité : les femmes et les personnes queer et les personnes racisées.
Il n’est pas indispensable de dresser une liste exhaustive de femmes racisées non voilées faisant l’objet de violences de la part des forces de l’ordre, dans la mesure où l’analyse du racisme systémique (traité dans nombre d’autres études approfondies) combinée à celle du sexisme systémique décrit dans le présent article suffisent à se représenter la violence spécifique que peuvent subir des femmes non-blanches lors de leurs interactions avec les hommes de l’Ordre.
Il ne se passe pas six mois désormais sans que nous ayons vent d’une mort suspecte en prison ou entre les murs d’une cellule de garde-à-vue. On le sait, ces espaces de relégation ne sont pas exemptés de la violence institutionnelle. Au contraire, elle s’y abat avec un silence d’autant plus féroce qu’il empêche souvent tout témoin de se manifester. Dans la liste ci-dessus, un certain nombre d’exemple d’agressions et de viols commis entre les murs d’une cellule, ou dans des espaces perçus comme privatifs de liberté par les personnes qui y sont enfermées à leur corps défendants, participent à penser que nombre de violences y sont commises sans même que la société ne le sâche ou ne s’y intéresse.
Comme dans l’intimité du domicile familial, la violence subie dans l’espace carcéral ne sortira souvent jamais des murs où elle a été commise. C’est à l’abri du regard de la société que le contrôle social et la violence hégémonique des hommes de l’Ordre se font les plus assourdissants.
Autonomie et abolitionnisme : s’affranchir des forces de l’Ordre face aux agressions sexistes
La police viole, c’est un fait, et les viols sont considérés comme l’un des outils punitifs de la gamme mise à disposition des forces de l’ordre, mais aussi comme le moment ultime de l’assise d’un pouvoir d’une personne sur une autre. La violence passe par le corps, le pénètre pour le détruire.Il n’est pas question de porter un jugement à l’encontre des personnes pour qui la reconnaissance du statut de victime est un préalable nécessaire au dépassement de l’acte subit, néanmoins il est indispensable de réfléchir à d’autres formes d’autonomisation de nos luttes, afin de s’affranchir du système pénal et carcéral dans le traitement de ces affaires.
À l’heure où les féministes institutionnelles en appellent à une meilleure formation du corps policier dans le traitement des violences faites aux femmes, nous affirmons que les femmes présentes dans ces institutions sont complices (celles qui ne le sont pas les quittent) et qu’il est vital de construire nos rapports sur la confiance mutuelle, de garder en ligne de mire l’abolition de la police et de la prison comme objectifs politiques, tout en élaborant les possibilités et moyens de s’organiser sans elles, de construire des alternatives concrètes.
Les flics et les matons sont majoritairement des hommes
À ce titre, ils ne peuvent être exempts des rapports de domination, du sexisme et de la violence. Au contraire, elle est exacerbée par l’uniforme, l’effet de groupe et l’impunité.
Cette violence patriarcale est systémique et les violences policières le sont tout autant.
Alors pourquoi nous demande t’on d’accorder notre récit et notre confiance à une institution qui, intrinsèquement, nous oppresse ?
Nota Bene : Un article à venir traitera de la question de l’abolition de la police et du système carcéral.
Infokiosques féministe du 8 mars
La bibliothèque est fermée, les potes sont occupées avec le couvre-feu, le travail, les courses, les problèmes, la déprime, on n’a plus le temps de réfléchir, de penser à ce qui nous opprime... En ces temps pourris de pandémie et de couvre-feu, quelques propositions pour s’armer politiquement !
des docs à télécharger sur Infokiosques féministe du 8 mars
- Un dossier sur le sexisme et les violences du corps policier
- Culte de l’Ordre, culture du viol : état des lieux + remarques sur le dispositif des gendarmes R-mess en Drôme, ici Crest
Drôme et ailleurs : campagne de communication des gendarmes
Des gendarmes, sans doute très soucieux de tenter de rattraper leur image, ont accentué en France une campagne de communication nommée « R-mess » sur les violences sexistes et intra-familiales via des emballages imprimés pour certains commerces.
En Drôme : La gendarmerie de la Drôme lance à son tour le dispositif R-Mess
Voir posts Facebook :
- https://www.facebook.com/Gendarmeriedeladrome/posts/3723859204373518
- https://www.facebook.com/Gendarmeriedeladrome/posts/3731333230292782
- Un dossier sur le sexisme et les violences du corps policier
- Dispositif gendarmes R-Mess Drôme, ici dans la région de la Galaure
De prime abord, on pourrait se dire que c’est bien : « enfin les gendarmes prennent conscience du problème des violences faites aux femmes, peut-être vont-ils enfin améliorer l’accueil des plaignantes et des plaintes - C’est bien qu’il y ait davantage de communication sur ces violences sexistes et sur les numéros de secours - etc. »
Mais comme l’indique l’article plus haut de Desarmons-les.net, il est plutôt paradoxal de compter sur les institutions de l’Etat pour aider vraiment : « pourquoi nous demande t’on d’accorder notre récit et notre confiance à une institution qui, intrinsèquement, nous oppresse ? »
Comme il n’existe pas vraiment d’autres organisations que l’Etat et ses polices, la plupart des personnes en détresse se tournent vers ça.
Ce qui légitime ces institutions oppressives, cercle vicieux.
Est-ce vraiment le rôle des forces de l’ordre de propager des messages de prévention et des numéros d’aide, en profitant de cette com pour mettre leurs logos partout sur les supports ? Ca devrait être plutôt porté par des organismes sociaux, des associations indépendantes, ou par le ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes ou par celui chargé de l’enfance et des familles.
Mais de nos jours tout passe par les flics, le système policier est au centre de tout, ses effectifs, ses missions et ses moyens ne cessent d’enfler.
On voit aussi que cette communication des flics renforce l’idée des réponses de répression après coup, ce qui occulte d’autant les nécessaires transformations sociales et politiques pouvant réduire et mettre fin au sexisme.
Le système en place préfère traquer les pauvres, les drogués, les petits dealers, les petits voleurs, les actes de violences privés, plutôt que de remettre en cause les fonctionnements socio-économico-politiques qui sont la cause ou un facteur d’aggravation de ces phénomènes. De même, la flicaille est systématiquement envoyée au front pour toute sorte de missions qui pourraient être assurées par d’autres catégories sociales (éducateurs, médiateurs, collectifs d’habitants...). D’ailleurs, des flics eux-mêmes s’en plaignent parfois.
C’est sûr que faire une campagne de communication sur un grave sujet de société comme les violences sexistes qui émeut tout le monde est plus porteur que l’extension de la surveillance illégale par drones ou hélicoptères, les amendes à tout va, l’intimidation, la répression acharnée envers les gilets jaunes, les images de mutilations causées par la police ou des personnes mortes entre les mains des fdo, les effets dans les révoltes sous des dictatures étrangères des armes de maintien de l’ordre vendues par la France et ses entreprises d’armement, etc.
L’Etat et ses forces de l’ordre ont toujours essayé de mettre en avant leurs missions d’aide et de protection des victimes et des français plutôt que de communiquer sur les multiples moyens de surveillance et de répression de toute forme de contestatation. C’est logique, il s’agit de faire accepter le système policier à la population et de lui faire croire qu’il est indispensable et prioritairement à son service.
Au passage, tout le monde oublie que les problèmes sont souvent le résultat d’un système meurtrier et destructeur soutenu et même souvent créé par l’Etat.
L’Etat et le capitalisme viennent, très mal, panser les plaies qu’ils contribuent très fortement à créer, génial, mais on préférerait que ces plaies disparaissent, ou soient bien moindre.
Au final, au sait bien, comme pour les parrains de la mafia qui disent « offrir une protection », que les prétendus avantages, aides et compensations fournis par le système étatico-capitalistes sont bien moindre que tous leurs inconvénients structurels et conjoncturels.
Les flics essaient même, cyniquement et ironiquement, de faire croire que leur répression systématique vise à nous protéger : « Quittez ce péage occupé, cette manif ou cette route bloquée svp, c’est pour votre sécurité », « Dispersez-vous de cette place, sécurité, vous allez propager le coronavirus en plein air ». La bonne blague
Tant que règneront l’Etat et le capitalisme, il n’y aura ni paix ni sécurité, ni liberté ni démocratie, que ce soit pour les femmes ou pour n’importe qui.
PS
Une autre institution fondamentalement oppressive et destructrice, les hypermarchés, ici avec Carrefour, relaie la campagne de com gendarmesque : Carrefour s’associe à la gendarmerie pour lutter contre les violences conjugales