C’était le 8 décembre 2018, ils étaient 4 à s’être fait arrêté·es violemment, au cours d’une des grandes journées de mobilisation des Gilets Jaunes : Dylan, Maria, Stéphane et Tom. Comme de nombreux Gilets Jaunes, ils ont été envoyé·es en prison préventive avant même le procès et ils ont été lourdement condamnés (10 mois dont 4 fermes, 9 mois dont 3 fermes, 18 mois dont 12 fermes, 12 mois dont 6 fermes, plus 3 ans d’interdiction de manifester).
Stéphane et Tom ont fait appel car ils contestent le verdict du premier procès et la sévérité de la peine prononcée. Ils seront de nouveau devant la justice le 6 février prochain, à 14h, à la Cour d’appel de Grenoble.
Leur histoire, c’est l’histoire d’une petite vallée tranquille qui a ouvert les yeux, avec ce procès, sur la violence policière et judiciaire que connaissent d’autres depuis toujours. Cette violence, dont on entend parler mais qu’on ne voit pas, habituellement confinée dans les quartiers, les banlieues, aux frontières, là où il lui est routinier de s’exercer. Cette violence est venue s’imposer et se rendre visible sous nos propres yeux, sous nos propres fenêtres de blanc·hes privilégié·es et peu habitué·es. Loin de nous abasourdir, comme l’Etat l’aurait sûrement souhaité, cette violence a engendré une solidarité et une prise de conscience spontanée et massive.
Elle a aussi consolidé notre colère, notre détermination, notre joie de se sentir plusieurs et ensemble, notre élan commun pour la liberté d’agir, de penser, quelles que soient notre classe sociale, notre genre, nos origines, nos aspirations ; notre élan commun pour réinventer collectivement des lendemains plus justes, pour dénoncer et combattre les dominations, les injustices sociales, les violences étatiques, policières et judiciaires.
Depuis un an, il s’en est passé des choses ! Le mouvement des Gilets Jaunes a tenu, avec ses rendez-vous réguliers et son ardeur, avec une politisation de plus en plus aiguë, à mesure que le pouvoir protégeait fermement les sien·es.
D’autres mouvements sont venus affluer, la lutte des travailleurs-euses hospitaliers, celle des enseignant·es, de la jeunesse (collégien·nes, lycéen·es, étudiant·es), mais aussi la lutte des sans-papiers, les mouvements écologistes, les mouvements féministes... et depuis décembre dernier, la lutte contre la réforme néolibérale des retraites. Nous sommes aujourd’hui à plus de 50 jours de grèves et mobilisations.
Le président Macron, lors de ses vœux du 1er janvier, nous dit avoir su instaurer un dialogue respectueux et républicain : Que dire des plus de 13 000 tirs de LBD, des 315 blessures à la tête, des 24 éborgné·es, des 5 mains arrachées, des 2 mort·es ? Que dire des plus de 10 000 gardes à vue, des plus de 2000 condamnations, des plus de 250 enquêtes visant les forces de l’ordre (pour lesquelles seulement 2 peines avec sursis ont été prononcées) ?
Que dire des arrestations de manifestant·es, de militant·es, de journalistes, pour intimidation — il y a quelques jours à peine, à Valence, des lycéen·es qui manifestaient se sont fait gazés et matraqués, deux d’entre eux ont été arrêté·es, il y a quelques jours à peine, à Valence, un Gilet Jaune a été arrêté pour une publication sur un réseau social — que dire de cette violence devenue quotidienne ? Le pouvoir cherche à faire peur, à faire taire en matraquant, en arrêtant, en emprisonnant nombre de citoyen·nes qui osent aller manifester, qui osent le remettre en question, qui osent rêver d’un monde où la solidarité prime...
Dire que nous avons un gouvernement qui aime jouer avec les mots ? Dire que les officiers de police judiciaire qui rédigent des comptes-rendus d’opération, ont peut-être oublié le sens du mot « arrestation ». On arrête une machine à laver, on lève la main pour arrêter un bus, on arrête de fumer. Là, dans les manifestations, les forces de l’ordre sont nombreuses et elles n’arrêtent pas, elles répriment. Faut-il rappeler que tout récemment encore lors d’un simple contrôle routier, un homme de 42 ans a été tué par la police ?
Dire aussi qu’il s’agit d’un projet politique. Que la violence n’arrive pas de nulle part, qu’elle est présente dès les textes de loi (loi du 30 septembre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, loi travail, loi asile et immigration, loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, projet de réformes des retraites...), qu’elle est présente, cette violence, dès les allocutions du président et de ses ministres. Présente en permanence.
Dire encore que ce monde on y est attaché. On est arrivé là plus ou moins par hasard et maintenant que ça fait 20, 30 ou 40 ans et plus, on s’y est attaché. On a rencontré d’incroyables personnes, d’incroyables forces collectives, des élans fous et spontanés de solidarité, cela, ils ne nous l’enlèveront pas ! Nous travaillons à imaginer, construire, rendre possible d’autres mondes, loin de leurs normes, de leurs cadres, loin de leur système, de leurs prisons, loin de leur capitalisme, ce travail est quotidien et collectif. Cela non plus ils ne nous l’enlèveront pas.
Dire encore que nous allons continuer à combattre leurs oppressions, continuer à dénoncer leurs violences institutionnelles, économiques, policières et judiciaires, continuer à lutter contre leurs injustices de classes, d’origines, de genres.
Dire alors que notre projet politique, s’il est aussi multiple et hétérogène qu’un nous, peut se retrouver dans se battre pour que ce monde soit vivable, dignement, pour toutes et tous et donc étendre notre solidarité à toutes celles et ceux qui luttent pour ce même monde.
C’est pour toutes ces raisons et parce que lutter c’est aussi et toujours mettre en germe un autre monde, que nous appelons à un rassemblement, pour soutenir Stéphane et Tom et pour continuer nos luttes.
RASSEMBLEMENT LE JEUDI 6 FÉVRIER 2020
11h00 devant le Palais de Justice de Grenoble
Prises de paroles, musique, repas partagé
(arrêt de tram B : Palais de Justice)
18h30 conférence de Raphaël Kempf « les lois scélérates d’hier et d’aujourd’hui »
à la Maison du Tourisme de Grenoble
(arrêt de tram A et B : Hubert-Dubedout)
Co-voiturages au départ de
Die (8h00) - Saillans Point I (8h30) - Crest Gare (8h45)
Comité de soutien de Stéphane et Tom
contact : alice.roger chez protonmail.com