Sainte-Soline : fuite en avant autoritaire et liberticide du gouvernement Macron soumis à l’agro-industrie

+ retour tactique pour perspective stratégique, diversité des pratiques

mercredi 7 juin 2023

IAATA publie deux textes d’analyse sur la bataille de Ste Soline.
La guerre de l’eau a commencé il y a au moins 10 ans en France.

Hommage aux enfants de la terre habillés de noir - Manifestation à Sainte-Soline
Grosse manifestation le 29 octobre 2022

1. No Bassaran : comment la bataille de Sainte-Soline révèle la fuite en avant autoritaire et liberticide du gouvernement Macron et sa soumission à la toute-puissance agro-industrielle

- No Bassaran : comment la bataille de Sainte-Soline révèle la fuite en avant autoritaire et liberticide du gouvernement Macron et sa soumission à la toute-puissance agro-industrielle
1. Ultra-violence policière
2. Défense de l’agriculture industrielle et productiviste
3. Organiser la destruction et le pillage des campagnes : la FNSEA et les chambres d’agriculture
4. Guerre de l’eau : le cas de Sivens et la para-répression
5. Menace de dissolution des Soulèvements de la Terr
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La défense par les FDO du site était symbolique : il s’agit pour le pouvoir de rappeler que l’État règne en maître, qu’il est partout chez lui et que nul sujet n’est censé lui opposer une résistance telle qu’une partie du territoire lui échappe. Cette loi du bâton, l’État l’applique dans les quartiers populaires, mais aussi dans les stades, dans les cortèges de tête et sur les ZADs ou luttes du territoire.
Sauf qu’il ne s’agit plus de bâtons, mais de grenades, de lanceurs de grenade, de LBD, et autres armes classés « armes de guerre » selon le Code de Sécurité Intérieure
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les flics n’étaient pas là pour mener des arrestations, mais bien là pour faire un maximum de dégâts physiques et créer un effroi, un choc psychologique collectif
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Basé sur le productivisme, la mécanisation, l’ouverture aux marchés internationaux, les délocalisations des productions agricoles, le recours massif aux pesticides (dits « produits phyto-sanitaires »), les mono-cultures (notamment irriguées), ce modèle agricole industriel aura réussi en moins d’un siècle à flinguer les campagnes et détruire ce qu’ils appellent aujourd’hui « ruralité ».
L’agro-industrie est une entreprise de démolition des métiers, des coutumes et des savoir-faires paysans. Elle ruine les sols, les réserves et cours d’eau, la biodiversité. Pour devenir hégémonique, il a fallu commencer par détruire la « classe des paysan.ne.s », s’attaquer à tout ce qui faisait « classe » chez les paysan.ne.s. C’est d’ailleurs ce processus de sape des structures et modes d’organisation communs qui existaient auparavant qui est à l’origine du capitalisme. Ce que nombre d’historien.ne.s du capitalisme nomment le mouvement des enclosures et la fin des communs, dans l’Angleterre du XVIe siècle et pointent comme la première affirmation du capitalisme : ce qui été commun (terres communales, chasse, pratiques agricoles, de subsistance et d’organisation communes) est alors divisé (enclos) et des propriétaires terriens privatisent ces surfaces pour leur bénéfice individuel.
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Au XXe siècle, l’émergence de la figure de l’exploitant agricole (agri-manager, patron des champs) à la place de celle du paysan (travailleur de la terre, habitant du pays), la mise sous tutelle des agriculteurs par le subventionnement massif et l’encouragement à la croissance des fermes et des volumes produits (PAC, primes à l’hectare), la commercialisation des pesticides et autres poisons, mais aussi l’accaparement des terres par l’urbanisation (artificialisation des sols) ou par les industries (biocarburants, élevage, exportations,…) ont été un mouvement de fond qui ont radicalement changé le monde agricole.
Cette démolition des biens/pratiques communs et de la paysannerie, au profit d’une agriculture industrielle empoisonnée et nocive (dite « moderne »), a été orchestrée, mise en œuvre par des institutions et des acteurs politiques : les chambres d’agriculture et les syndicats agricoles majoritaires.
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La puissante FNSEA (Fédération nationale des Sociétés et Exploitants Agricoles) règne en maître sur quasi l’ensemble des chambres d’agriculture depuis les années 50. Puissant lobby industriel, elle réussit le pari fou d’à la fois servir la soupe aux grands groupes agro-industriels (comme Nestlé, Bayer Monsanto, etc) en accompagnant les politiques ultra-libérales au niveau des chambres d’agriculture (politique d’attribution des terres agricoles via la SAFER, législation, etc) tout en faisant croire aux agriculteur.rice.s qu’elle est leur syndicat et leur outil de représentation dans le monde politique. En réalité, la seule chose que représente vraiment la FNSEA, ce sont les lobbys et groupes industriels qui constituent l’envers du décor de notre alimentation, de notre agriculture, et qui spéculent et s’enrichissent sur l’endettement et la vie de labeur acharné des agriculteur.rice.s.
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La lutte contre le barrage de Sivens (d’octobre 2013 à mars 2015) est un des actes fondateurs de cette « guerre de l’eau ». Et déjà là l’État n’a pas hésité à tuer un humain pour sauver le modèle agro-productiviste. La destruction de la zone humide du Testet a été justifié par les besoins d’irrigation des cultures céréalières gourmandes en eau, envers et contre tout bon sens paysan.
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En proposant un espace politique pour faire la répression de la lutte à Sivens, la FNSEA a alors réussi à liguer contre les défenseur.euse.s du territoire toute une partie du monde rural : sociétés de chasse locales, membres de clubs de rugby ou rally, membres de partis d’extrême-droite (FN), patrons et notables locaux intéressés économiquement par la construction du barrage, riverain.e.s, etc.
Avec le soutien des politiques (le préfet Carcenac en premier lieu) et des médias bougeois (coucou la Dépêche), la FNSEA et Maryline Lherm (mairesse de Lisle-sur-Tarn) ont alors réussi le coup de force de faire évoluer le débat local public de la question de « pour ou contre le barrage/une agriculture respectueuse des milieux naturels/la préservation de la zone humide » à la question de « pour ou contre la ZAD/les zadistes/les pelluts ». En reformulant ce débat et en polarisant les tensions non pas sur l’État et les saccageurs de la FNSEA, mais bien sur les zadistes « étrangers », « n’habitant pas le Tarn », (à qui l’ont a alors fait porté tous les maux du monde) ils ont ainsi justifié les violences des milices (on parle d’une cinquantaine d’agressions) : chasses à l’homme, agressions physiques et menaces contre les agriculteur.rice.s anti-barrage et leur famille, barrages « citoyens » où étaient violentés devant les flics les habitant.e.s du coin anti-barrage, dégradations de véhicules des habitant.e.s locaux anti-barrages, affrontements armés avec les résistant.e.s de Sivens,...
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FNSEA et Coordination Rurale marchent main dans la main en Deux-Sèvres et en Poitou pour alimenter une tension auprès des paysan.ne.s et écologistes et contrer le discours de la Confédération Paysanne. Des actions d’intimidation et des violences contre des personnes, des véhicules ou des évènements militants contre les méga-bassines ont déjà eu lieu
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Dans ce contexte, il nous semble important de penser et organiser aujourd’hui des stratégies d’autodéfense face à la violence organisée par des milices liées aux syndicats agro-productivistes. Ce serait, en plus, une perspective concrète de lutte et de convergence entre paysan.ne.s, militant.e.s antifascistes et écologistes.
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Darmanin, acculé par ses mensonges sur la gestion du maintien de l’ordre et des secours, dégaine une énième dissolution visant le mouvement écologiste les Soulèvements de la Terre. Comme ce fut le cas pour les camarades du Groupe Antifasciste Lyon et Environs ou du Collectif Palestine Vaincra, la dissolution vise à diaboliser l’opposant en le présentant comme un danger public qui menacerait l’ordre établi
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Pour l’État et ses représentant.e.s, cette lutte menace les intérêts et l’hégémonie de l’agro-industrie, qui construit sa mainmise privée sur l’eau en étant financée par de l’argent public. Ça remets tout un système en cause, qui, pour nombre d’entreprises, chambres d’agriculture et politiques, est habituel, normal, car en place depuis des décennies. Basé sur un verrouillage des institutions et des secteurs économiques (filière, chambres d’agriculture, centres de formation, organismes, entreprises, banques, pouvoirs publics ..), une stratégie de communication dans les médias et des législations facilitantes, ce système priorise l’agriculture industrielle sur toute autre forme. Ça fait plus de 60 ans que tout ce petit monde s’enrichit sur le dos des agriculteur.rice.s et des territoires ruraux. Ils ont construit des industries et le business est juteux : ils ne vont pas le lâcher comme ça !

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Macron a précipité ses annonces concernant le plan d’orientation/gestion de l’eau, le nouveau président de la FNSEA a été reçu en grandes pompes à l’Élysée, et l’État a fait marche arrière sur les interdictions de certains pesticides, tout en demandant une mise en pause des « réglementations écologiques » afin de pouvoir ré-industrialiser le pays. Pour eux, on ne fonce pas assez vite dans le mur, il faut y aller plus vite encore !
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La lutte contre les méga-bassines, mais aussi les autres luttes écologistes ou du territoire dans lesquelles sont engagés, entre autre, les Soulèvements de la Terre sont un danger pour les capitalistes et leurs représentants politiques. Le ministre de l’intérieur se fait aujourd’hui le pantin de l’agro-industrie, il répond en s’enfonçant dans une spirale autoritaire et liberticide, en attaquant un mouvement politique après avoir mis dans le coma deux personnes et mutilé beaucoup d’autres.
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2. No Bassaran : retour tactique pour perspective stratégique, gagner grâce à la diversité des pratiques

- No Bassaran : retour tactique pour perspective stratégique, gagner grâce à la diversité des pratiques - Ce texte fait suite à un premier texte d’analyse politique (No Bassaran : comment la bataille de Sainte-Soline révèle la fuite en avant autoritaire et liberticide du gouvernement Macron et sa soumission à la toute-puissance agro-industrielle).
Beaucoup à dire évidemment et beaucoup de choses ont déjà été posées, avec plus ou moins de clairvoyance, plus ou moins d’expérience (donc de retour analytique critique de sa pratique), nous allons tâcher de faire court :
Nous avons été mauvais collectivement, tactiquement, à Sainte-Soline. Si nous avons su enfoncé, littéralement, le dispositif policier et militaire très conséquent déployé ce jour là (et il faut le souligner car ce n’était pas non plus une tâche aisée), nous en avons payé un lourd tribut physique. Tout cela a déjà été dit par maintes personnes et courants.
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nous sommes, comme des milliers d’autres personnes présentes en ce jour, totalement déterminé.e.s à lutter de toutes nos forces et par tous les moyens pour protéger et défendre la ressource en eau, l’un de nos communs essentiels, voir l’un des plus importants/central pour la survie de l’humanité et du vivant. Nous sommes prêt.e.s à engager nos corps dans cette bataille et serons encore prêt.e.s à le faire. En cela la mobilisation du 25 et 26 Mars 2023 à Sainte-Soline a été un message clair envoyé à nos ennemis : que l’État, les capitalistes et lobbyistes de la FNSEA, ceux qui spéculent, s’accaparent et privatisent l’eau et les communs ne doutent pas un instant des ruines qui les attendent.
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Non ce qu’il faut noter, c’est que la multitude et la diversité des personnes présentes ne s’est pas traduit par une diversité des pratiques dans l’action. Il y a eu plusieurs processus : du figeage (la situation s’est figée), du spectacle (la situation était spectaculaire, une petite partie des gens étant acteurs, les autres spectateurs), et évidemment de l’effroi.
Des années d’entraînement aux méthodes de désobéissance civile, aux méthodes d’action non-violence, pour les nombreux.ses militant.e.s écologistes présent.e.s, n’auront pas trouvé à Sainte-Soline de terrain d’expérience pratique. Nous le trouvons dommage, et nous expliquons la « défaite tactique » de ce week-end par ce fait : l’unique modalité d’action qui s’est déroulé sur le site immédiat du chantier de la bassine a été la « nôtre », celle de la confrontation directe et de l’affrontement. Nous aurions vraiment eu besoin et voir d’autres modalités d’action prendre place et vivre dans ce moment de lutte.
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D’autres questions tactiques se posent aussi maintenant : comment on affronte un blindé ? Les pierres ça ne marche pas. Comment rendre les tourelles lance-grenades de ces blindés inopérantes ? Qu’est-ce qu’on fait une fois passée la première ligne du dispositif ? Comment on prévoit le matériel pour couper les barbelés, monter le talus, franchir le fossé,… ?
Au delà de ces interrogations propres à la stratégie d’action confrontationnelle, comment on fait pour que les prochaines fois ne soient pas reproduits ces erreurs tactiques ? Comment on fait pour défiger et dé-spectaculariser la situation ? Comment on fait pour que tout le monde trouve une place dans une palette de moyens d’action large et variée, bien au-delà de tenir les banderoles, lancer des cailloux, s’occuper des blessé.e.s ?
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On notera, pour finir sur une note positive, qu’un esprit collectif de bienveillance et de respect entre les différentes formes et modalités d’action a largement dominé l’ensemble des temps de lutte, d’échanges et de fête lors de cette grande mobilisation contre les méga-bassines. L’ère du temps change, le capitalisme réduit nos vies et nos espoirs d’une planète vivable à néant. Il est temps, depuis longtemps et plus que jamais, de trouver les formes à la fois unitaires et plurielles pour lier et faire converger des idées et des pratiques permettant de remporter de nouvelles victoires politiques. Parce que ces victoires politiques constituront les fondations d’une autre société, pour enfin briser le joug du capitalisme et de l’exploitation.
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