Un article qui parle de Paris, mais qui peut être utile aussi pour alimenter la réflexion dans d’autres contrées, moyennant des adaptations et changements d’échelle ad hoc.
Suivi d’un nouveau communiqué "des camarades du S", qui revient sur Ste Soline, sur la lutte et ce monde de merde.
S’organiser, maintenant - L’organisation autonome ouverte permet un dépassement des dynamiques qui prédominent actuellement dans les espaces ouverts et les actions rejoignables à Paris. Parce qu’on ne construit pas un rapport de force en « montrant sa force », mais bien en s’en servant, les espaces qui nous manquent sont des lieux tournés vers l’organisation collective, et non des caisses d’enregistrement de stratégies décidées ailleurs ou des relais d’appels. Nous voulons des lieux de discussion politique de fond et de construction collective de nos cibles, ainsi que des moyens à se donner pour les atteindre. Cela implique de se doter d’outils pour prendre des décisions : être efficaces malgré le nombre et les divergences internes, c’est faire reposer sur le cadre de l’organisation même la possibilité de réaliser nos objectifs.
Rompre avec la passivité, recommencer à s’organiser
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Mais malgré notre nombre, nous ne parvenons que rarement à obtenir de véritable victoire tactique contre le dispositif policier. Les formes que prennent les affrontements sont largement déterminées par la stratégie policière qui nous impose sa logique, ce qui diminue nos chances de l’emporter et tend à contenir la portée de nos initiatives. Aucune réponse tactique collective n’a été en mesure de briser cet enfermement.
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Outre la question immédiate de l’affrontement, cette atomisation nous nuit sur le plan stratégique. L’absence d’espaces communs où échanger et prendre le temps de nous organiser ensemble nous empêche de constituer une force capable d’imposer ses propres mots d’ordre. De ce fait nous restons soumis.e.s à l’agenda des syndicats et des partis, qui parviennent à nous imposer leurs perspectives et leurs discours. Nous tendons alors à nous constituer en bras armés des appareils politiques institutionnels.
Notre faiblesse tactique et notre faiblesse politique s’alimentent mutuellement. En effet, en l’absence de cadre organisationnel, la pratique et la théorie restent déconnectées. D’une part, quand nos réflexions ne s’articulent pas à des pratiques, elles tendent à l’abstraction, et perdent de vue leurs objectifs. D’autre part, nos pratiques, si elles ne s’inscrivent pas dans une stratégie plus large, tendent à se ritualiser et à nous enfermer dans un folklore militant sans perspective politique.
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Pour prendre en charge les questions politiques de fond et les impasses tactiques que nous rencontrons, il faut en passer par des cadres organisationnels larges et sur une base non affinitaire. Notre nombre doit constituer un moteur pour atteindre des objectifs tactiques ambitieux et prendre des décisions impossibles à trancher en restant éparpillé.e.s. Enfin, ces espaces doivent être pensés comme des moyens d’impliquer n’importe qui dans les questions organisationnelles, tactiques et politiques, plutôt que comme des chambres d’enregistrement de décisions prises ailleurs.
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Si nous voulons aller plus loin que les affrontements ritualisés avec les flics et les fafs, alors nous ne pouvons pas nous contenter de coups d’éclat ponctuels, mais chercher plutôt à accroître notre force, en faisant en sorte que différents groupes affinitaires puissent composer dans des cadres organisationnels plus larges.
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Par ailleurs, le fait de conspirer en petit groupe conduit à des attitudes paranoïaques et emplies de suspicion : on en vient à se méfier et à se défendre non seulement des flics ou des fafs, mais aussi de toustes celleux qui ne font pas partie du groupe. Les autres groupes sont regardés avec mépris et beaucoup critiqués. Ces dynamiques entravent toute forme de composition, notamment dans des séquences contestataires où celle-ci doit être particulièrement recherchée. Entre des groupes affinitaires, des clivages politiques peuvent se confondre en embrouilles interpersonnelles insolubles, empêchant toute forme de résolution politique. Évidemment, ces embrouilles et les rumeurs qui circulent au sein du milieu militant peuvent dissuader des personnes extérieures de s’investir dans des luttes ou de participer à des actions. Certes, les cadres ouverts semblent nous exposer plus à la surveillance. Mais leur ouverture permet aussi de diluer la responsabilité pénale. Et, paradoxalement, la recherche du secret et de la discrétion peut aussi exposer davantage à la répression, puisqu’elle rend plus facile une surveillance sur un groupe restreint.
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s’organiser en forme ouverte permet alors aux groupes fermés de composer les uns avec les autres, de manière à mener des actions plus conséquentes sur le long terme.
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D’un autre côté, les actions rejoignables comme les grandes manifestations portées par les partis et les syndicats qui veulent « faire pression sur le gouvernement » et se bornent à attendre qu’il cède enfin à leurs revendications, ainsi que les actions vouées à être reproduites (lancers de soupe, campagnes de collages...) sont tout aussi inoffensives. Elles ne visent jamais au-delà de l’effet symbolique : « gagner dans l’opinion », « faire progresser ses idées », sans poser la question de l’usage réel de la force du nombre. Ce qui se perd dans ces grands moments de représentation, c’est le sens de l’antagonisme : contre quoi se battre pour atteindre l’ennemi et comment user de notre force collective pour le faire ?
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Contre cette logique de l’efficacité à tout prix, nous pensons que c’est l’implication du plus de personnes possible qui permet d’amender nos perspectives tactiques et stratégiques et de progresser collectivement. Le maintien d’une division entre des cerveaux et un public passif, s’il suscite les obstacles que nous avons déjà cités, constitue en soi un problème. Si nous voulons abolir toute forme de division du travail, quel sens peut-il y avoir à en accepter le principe dans nos propres espaces de lutte ? Certes, la discussion collective n’a rien de facile. Mais pour toutes les raisons que nous venons de citer, elle nous semble la seule voie praticable pour dépasser notre impuissance actuelle.
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Article complet : https://paris-luttes.info/s-organiser-maintenant-18060?lang=fr
(aussi dispo en pdf)
Communiqué des camarades du S n°7 : Un an après - Le 25 mars à Sainte-Soline ne sera jamais un anniversaire que l’on célèbre. Loin d’une victoire politique, cette date rappelle plutôt le carnage que l’Etat français a perpétré à l’encontre de celles et ceux qui avaient fait le choix de lutter.
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Voilà le sale boulot des Etats : ils savent que, par leurs ravages et leurs carnages, ils produisent des traumatismes et s’en frottent les mains. Ils nous veulent saisis d’effroi et savent profiter de ce moment pour avancer encore, toujours plus, pour leur profit et vers notre écrasement.
Mais ce monde n’est pas réductible à leurs calculs glacés. Nous qui sommes des milliards, nous les exploités, avons aussi un langage qui nous est propre et s’invente au gré des luttes. Il parle de solidarité, de force collective et de victoires, y compris dans les moments les plus sombres de leur Histoire comme aujourd’hui. Il permet aussi de désigner un horizon : celui d’une révolution mondiale, seule visée suffisamment ambitieuse pour gagner la puissance de libération nécessaire à la mise en PLS de ce monde de merde !
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Voir aussi mes autres articles sur la stratégie et la tactique : https://ricochets.cc/_Strategie-co_.html
Car c’est dans les moments de « calme » relatif qu’on peut sans doute plus facilement penser/revoir les questions stratégiques et tactiques de la lutte.