Révolte d’agriculteurs laminés : nouvelle phase de blocages/actions suspendue aux promesses du régime Macron ?

ou possible début de cristallisation d’un mouvement de fond général et radical

lundi 29 janvier 2024

Le gouvernement macroniste mise sur l’épuisement, sur de nouvelles annonces mardi, et sur l’espérance d’un lâchage de l’opinion publique et des transporteurs.
Davantage d’agriculteurs vont-ils déborder franchement les syndicats type FNSEA pour peser ensemble vers des changements importants et salvateurs au lieu de réformettes qui ne changent rien au modèle en place ?
Les graves problèmes des agriculteurs (anciens, connus et documentés) concernent en fait tout le monde, et les résoudre vraiment impliquerait de vastes changements structurels qui dépassent le secteur agricole (salaires, logement, immobilier, distribution, prises de décisions, concurrence..., bref le capitalisme et le techno-productivisme, la démocratie et le modèle de société). Les paysans vont-ils vouloir élargir au lieu de « s’enfermer »dans un certain corporatisme ? D’autres secteurs vont-ils (vouloir) s’ajouter à eux ? Pour aller vers où ?

2024 va-t-il voir enfin le début d’une « alliance » des luttes et révoltes pour attaquer conjointement les coeurs de la mégamachine au lieu se plaindre de manière récurrente de certaines de ses conséquences en demandant à une de ses composantes néfastes majeures, l’Etat, de rapiécer en urgence un système irréformable qui enchaîne tout le monde à la ruine et aux désastres ?
Partout, tous les motifs d’une révolte d’ampleur incontrôlable sont là, y aura-t-il la volonté, l’élan, ou tout simplement un ras le bol qui monte et qui déborde tout ?

En Drôme

- Autoroute A7 toujours bloquée lundi 29 janvier au niveau de Loriol (6e jour d’affilé de fermeture de l’autoroute pour toute la traversée de la Drôme), et le barrage a-syndical de Saint-Rambert-d’Albon reste en place aussi.
D’autres barrages restent en place sur la Lacra à Bourg-de-Péage, sur la N7 au rond-point de Gournier à Montélimar (et parfois à l’échangeur de Montélimar-Sud), sur la N7 au rond-point dit des éoliennes à Donzère, et à Malataverne.
La plateforme logistique Intermarché de Donzère est bloquée par les agriculteurs.
D’ailleurs, des grandes surfaces commencent à connaître de grosses ruptures de stock aux rayons frais.

« Entre Lyon et Marseille y a que la Drôme qui bloque » ! Le préfet de la Drôme a joué les professeurs à Albon dimanche. En tout cas le blocage de l’A7 a de vraies conséquences économiques, et c’est bien ça qui dérange les gouvernements, donc c’est efficace.
D’ailleurs, Jean-Luc Bres, le président des transporteurs routiers Fédération en Drôme-Ardèche (FNTR) s’inquiète sévère. La mobilité des marchandises et du pognon est affectée, bonne nouvelle !

- Dimanche soir, plusieurs grandes surfaces ont été visées (pneus, oignons, bottes de paille, fumier...) : Montélimar, Chabeuil, Die, Montélier... Samedi soir c’était devant le Leclerc Montélimar.
Dans la nuit de dimanche à lundi, cuves, foin et planches ont été déposés devant la sous-préfecture de Die, avec écrit « non au libre échange »...

Révolte d’agriculteurs laminés : nouvelle phase de blocages/actions suspendue aux promesses du régime Macron ?

Communiqué du 26 janvier de la Confédération Paysanne

- Communiqué du 26 janvier de la Confédération Paysanne - La Confédération paysanne ne peut se satisfaire des annonces du gouvernement et poursuit la mobilisation.
(...)
Parce que nos revenus ne sont pas sécurisés par une interdiction d’achat de nos produits sous nos coûts de revient, ce sont des mesures structurelles que nous attendions avec des prix minimums garantis, de la régulation des marchés (y compris en Europe) et de la maîtrise des volumes. Au-delà du respect (enfin !) de la loi Egalim, aucune annonce aujourd’hui pour garantir des prix rémunérateurs pour nos produits agricoles, qui constituent pourtant l’enjeu principal.
(...)
La surcharge administrative doit être allégée sans que cela ne remette en cause les normes protectrices pour notre santé, nos droits sociaux et notre planète.
(...)
Nous poursuivons donc les mobilisations pour rassembler le plus largement possible et offrir enfin un avenir désirable, sécurisé et durable pour des paysannes et paysans nombreux et rémunérés, fiers de produire une alimentation de qualité.

Révolte d’agriculteurs laminés : nouvelle phase de blocages/actions suspendue aux promesses du régime Macron ?

👩‍🌾👨‍🌾🚜🚜🐏🐏La Confédération paysanne poursuit ses mobilisations pour le #revenupaysan et pour mettre fin aux accords de libre échange.

Deux leviers incontournables pour changer de direction.
Qu’en dira demain @GabrielAttal ?
Le malaise et la colère sont trop profonds pour des mesures qui ne feront que préserver la rente des dirigeants de la FNSEA et de l’agro-industrie depuis plus de 40 ans. Il faut changer de DIRECTION ➡➡ Agriculture paysanne
✅ Demain, vendredi 26 janvier :
📍 en Bretagne à partir de 13h30 à Rennes : rdv sur le rond point MSA de Bruz (rond-point de la route du Space). En présence notamment de la porte-parole nationale de la Confédération paysanne, Laurence Marandola qui réagira sur place aux annonces du Premier ministre.
📍 dans la Vienne, à Poitiers rassemblement à partir de 11h à avec le soutien et la présence de la CGT.
📍 dans les Deux-Sèvres, deux actions demain : au marché de Melle
de 9h-12h30 et à Bressuire au rond-point de Faye-l’Abbesse de 12h-15h.
✅Samedi 27 janvier :
📍 dans le Limousin, les Confédérations paysannes de la Haute-Vienne, de la Creuse et de la Corrèze se mobilisent à 12h à Limoges. Rdv sur le parking de Carrefour Boisseuil.
📍 dans le Finistère, à 14h à Plougastel-Daoulas, mobilisation des maraîchers sinistrés des dernières tempêtes.
✅ Dimanche 28 janvier :
📍 dans le Calvados : rassemblement/forum sur le marché de Caen à partir de 11h.
✊📢📷 Et retour en images sur les mobilisations d’aujourd’hui... 600 brebis à #Draguignan, des moutons et de la laine devant le Mc Do de Rodez, avec le soutien de la CGT, blocage de rond-point à Nantes et dans le Rhône à Saint-Laurent-d’Agny 👇📷📷

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Champignons polonais, haricots de Madagascar... Des paysans vident les rayons d’un Carrefour

- Champignons polonais, haricots de Madagascar... Des paysans vident les rayons d’un Carrefour -Le 27 janvier, la Confédération paysanne du Limousin manifestait dans un hypermarché de Haute-Vienne. Au lendemain des annonces de Gabriel Attal, le syndicat a plaidé pour un changement profond du modèle agricole.
(...)
« On est gênés de voir les collègues brûler des pneus. Nous, on fait une action calme et de salubrité publique : on assainit les rayons ! » lance un homme, drapeau syndical sous le bras. Un chariot, puis deux et, très vite, une quinzaine débordent de denrées sélectionnées sur les étals. Des champignons de Paris récoltés en Pologne, des haricots verts ramassés à Madagascar, de la terrine de canard d’origine Union européenne ou encore du « miel de montagne » issu d’un mélange entre des productions ukrainienne, roumaine et chinoise.
« Les grandes surfaces sont pleines de produits importés. Les accords de libre-échange nous mettent en concurrence avec des agriculteurs du monde entier, à qui l’on n’impose pas les mêmes exigences. C’est ça qui nous fait du mal et que l’on dénonce aujourd’hui », insiste Philippe Babaudou, l’un des porte-parole de la Confédération paysanne de Haute-Vienne, dont l’action vise aussi à alerter les consommateurs, souvent trompés par les étiquettes.
(...)
« On attend de voir la suite... Même si l’on a parfois une vision aux antipodes, tous les agriculteurs partagent cette passion pour leur métier, dit Julien Roujolle. Maintenant, la question est : comment on s’organise collectivement pour que ceux qui bossent avec la terre puissent enfin en vivre ? »

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Tout ce week-end la Confédération paysanne a multiplié les mobilisations sur le terrain

Arras, Caen, Rodez, Eyguians dans les Hautes Alpes, La Rochelle, Périgueux, Angoulême, Châteauroux, Vesoul, Limoges, Pau, Mûrs-Erigné en Maine-et-Loire, Saint-Berthevin dans la Mayenne, Epinal, Puy-Saint-Martin dans la Drôme, Nevers-Marzy, Aix d’Angillon dans le Cher... sur des rond-point, dans des supermarchés, sur des marchés, devant des préfectures... A chaque fois les paysannes et paysans de la @Confédération paysanne pointent du doigt l’urgence de garantir le revenu paysan, dénominateur commun de cette colère agricole.
➡➡➡ Nous proposons pour y parvenir :
👉 La suspension immédiate de toutes les négociations d’accord de libre-échange, dont celui avec le #Mercosur. « Ne pas signer » le #Mercosur ne veut rien dire, ce qu’il faut c’est stopper immédiatement les négociations en cours. ⛔
👉 La rupture avec le libre-échange en mettant en place des outils de protection économique et sociale des agriculteurs et agricultrices. Réinstaurons une régulation des marchés agricoles pour stabiliser et sécuriser nos prix agricoles !
👉 L’instauration de prix planchers au niveau de notre prix de revient pour tous nos produits agricoles, via une loi contraignante et efficace pour le revenu paysan. Cette mesure est totalement absente de la loi EGALIM
👉 L’instauration de prix minimum d’entrée sur le territoire national, fixés au niveau de nos prix de revient, pour nous protéger des importations déloyales tant sur le plan social qu’environnemental.

👉👉👉 Afin de porter ces propositions en faveur du #revenupaysan nous continuons donc la mobilisation ✊👩‍🌾🚜👨‍🌾

LUNDI 29 JANVIER
📍Gironde : à 8h à Langon avec le collectif VITI33.
📍 Orne : mobilisation à 14h à Alençon devant la préfecture.
📍 Seine-Maritime : rdv à 12h à Yvetôt, au rond-point du centre commercial de Ste Marie des Champs.
MARDI 30 JANVIER
📍 AURA : grande mobilisation régionale dans la matinée dans l’est lyonnais.
📍 Morbihan : deux mobilisations
12h, à Ploermel, rdv au rond-point Francis Rousseau
12h, à Vannes, rdv au rond-point chapeau rouge
📍 Vendée : 17h rassemblement devant la préfecture de la Roche-sur-Yon.
📍 Bas-Rhin : à 16h, la Confédération paysanne d’Alsace organise un rassemblement paysan et citoyen à la gare de Sélestat.
📍 Alpes de Haute Provence : 10h, petit déjeuner de presse sur la ferme des Mées, le Gaec le Champ des ânes, quartier saint Michel nord.
MERCREDI 31 JANVIER
📍 Charente : 11h à Angoulême aux Halles d’Angoulême : prises de parole, casserolade, avec la CGT, les syndicats de profs, les Amis de la Conf’.
JEUDI 1erVRIER
Mobilisation européenne à Bruxelles. La Confédération paysanne sera présente à l’appel du syndicat belge FUGEA à destination de toutes les organisations membres de ECVC - European Coordination Via Campesina la branche européenne de la Via Campesina.

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Incendies, blocages, dégradations, vols, destructions... : Coup de sang légitime ? :-)

- Vidéo « coup de sang légitime ? » : https://www.facebook.com/reel/1428575718074517

- À la veille du #BlocusDeParis, le pouvoir barricade le marché de Rungis pour éviter toute action des agriculteurs ! #AgriculteursEnColere
- Vidéo : https://fb.watch/pSj10jQgub/

(posts de CND)

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🚜 LES MEILLEURS SLOGANS APERÇUS SUR LES TRACTEURS

Pour couvrir la révolte des agriculteurs, comme toujours, les médias dominants ont choisi de ne donner la parole qu’à leurs alliés de classe : les grands patrons de l’agro-industrie et représentants de la FNSEA, le lobby pollueur et productiviste lié au Macronisme.

Mais la colère des agriculteurs va bien au-delà de simples revendications sur le gasoil ou les normes écologiques, comme aimerait le faire croire la FNSEA. Pour beaucoup, c’est une colère pour la dignité, pour des rémunérations justes et la fin du néolibéralisme. La preuve avec les slogans affichés sur les tracteurs à Nantes et à Angers ces derniers jours, qui allient humour et anticapitalisme, et dénoncent ouvertement la FNSEA et les pesticides.

Contrairement à l’idée martelée dans les médias, ces agriculteurs n’opposent pas l’écologie à leur métier, au contraire. Ils souhaitent une agriculture respectueuse de la terre et du vivant et non soumise aux intérêts financiers. Ils ne méritent pas le mépris, trop répandu à gauche, vis-à-vis du monde rural. On ne peut pas penser la société du futur sans prendre en compte la question cruciale de l’agriculture qui nous nourrit toutes et tous.

Rappelons que les paysan-nes de la Confédération Paysanne étaient présent-es dans de nombreux cortèges pour défendre les retraites en 2023, mais aussi contre les mégabassines ou régulièrement dans les manifestations nantaises depuis des années. Une partie du monde paysan est partie prenante du combat social, et doit être soutenue ! Ne les laissons pas seul-es.

(post de Contre Attaque)

Révolte d’agriculteurs laminés : nouvelle phase de blocages/actions suspendue aux promesses du régime Macron ?
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✊ Contestation des agriculteurs et récupération 🧐

"L’hypothèse est que la société industrielle, en tant que société de masse, n’est pas réformable. La voie d’une réhabilitation du politique se trouve donc en partie dans une détermination à vivre autrement qu’en suivant les injonctions de la puissance dominante, et dans le renoncement aux anciennes formes de l’engagement. Ce qui suppose d’inventer de nouvelles modalités de vie, sans attendre un changement social généralisé.
Une vie humaine désirable a besoin de s’ancrer dans des territoires habitables. Ce n’est qu’à partir de là qu’il devient possible de formuler les questions existentielles fondamentales. " (Manifeste pour l’invention d’une nouvelle condition paysanne)

🧐Loin de rester indifférent à la colère actuelle des agriculteurs, voici quelques éléments pour alimenter les réflexions sur le sujet de l’agriculture et de la conception de la paysannerie. Quelques propositions de lecture.

👉 L’article de Contre Attaque : 🚜 SABOTAGES, BLOCAGES, EXPLOSIONS : QUE SE PASSE-T-IL CHEZ LES AGRICULTEURS ?
https://www.facebook.com/contre.attaque.media/posts/785357516968073?ref=embed_post

👀 « Manifeste pour l’invention d’une nouvelle condition paysanne » del’observatoire de l’évolution, aux éditions l’Échappée.
https://www.lechappee.org/collections/hors-collection/manifeste-pour-invention-une-nouvelle-condition-paysanne

👁 « Le sacrifice des paysans » de Pierre Bitoun et Yves Dupont, aux éditions l’Échappée.
https://www.lechappee.org/collections/pour-en-finir-avec/le-sacrifice-des-paysans

(post de DGR)

Révolte d’agriculteurs laminés : nouvelle phase de blocages/actions suspendue aux promesses du régime Macron ?
livre « le sacrifice des paysans »

"Le sacrifice des paysans"

Une catastrophe sociale et anthropologique
Livre de Pierre Bitoun & Yves Dupont

Pourquoi les sociétés modernes ont-elles décidé de sacrifier les paysans ? Qui est responsable de ce processus qui semble irréversible ? Pour tenter de répondre à ces questions fondamentales, ce livre montre comment, depuis des décennies, en France comme ailleurs, le productivisme s’est étendu à l’ensemble des activités humaines. Avec pour conséquences : déracinement et marchandisation, exploitation du travail et des ressources naturelles, artificialisation et numérisation de la vie. L’époque est aujourd’hui aux fermes-usines et aux usines que l’on ferme ou délocalise, tandis que dominent, partout, finance et technoscience.
Le sacrifice des paysans est l’un des éléments du processus global de transformation sociale dont il faut, au préalable, comprendre les causes. Ainsi, les auteurs analysent le mouvement historique au sein duquel s’est déployé le projet productiviste au cours des 70 dernières années, des « Trente Glorieuses aux Quarante Honteuses ». Puis ils expliquent comment le long travail d’« ensauvagement des paysans » a mené à la destruction des sociétés paysannes et des cultures rurales.
De ce véritable ethnocide, qui a empêché l’alternative au capitalisme dont une partie des paysans était porteuse, nous n’avons pas fini, tous, de payer le prix.

Révolte d’agriculteurs laminés : nouvelle phase de blocages/actions suspendue aux promesses du régime Macron ?

Manifeste pour l’invention d’une nouvelle condition paysanne

Ce que notre actualité finit par révéler c’est qu’il ne saurait exister de civilisation sans qu’existe en son sein une société paysanne respectée. L’âme des communautés humaines était – sans que ce soit généralement reconnu – constituée par un lien fécond entre la société englobante et la paysannerie. Le sacrifice de la vie paysanne avait été celui de la civilisation.

Ce travail, amorcé en 2008 par l’Observatoire de l’évolution, est une contribution à la refondation du politique à laquelle les humains sont nécessairement tenus pour préserver une vie sur Terre non machinale et éviter de se retrouver ensevelis sous un champ de ruines sociales. En premier lieu, il s’agit de comprendre la raison et la force de ce qui arrive, puis le moyen d’y faire face.
L’hypothèse est que la société industrielle, en tant que société de masse, n’est pas réformable. La voie d’une réhabilitation du politique se trouve donc en partie dans une détermination à vivre autrement qu’en suivant les injonctions de la puissance dominante, et dans le renoncement aux anciennes formes de l’engagement. Ce qui suppose d’inventer de nouvelles modalités de vie, sans attendre un changement social généralisé.
Une vie humaine désirable a besoin de s’ancrer dans des territoires habitables. Ce n’est qu’à partir de là qu’il devient possible de formuler les questions existentielles fondamentales. C’est par l’invention d’une nouvelle condition paysanne que l’humain sera en mesure d’œuvrer à satisfaire ses besoins essentiels et pourra tenter de rétablir un tissu de relations harmonieuses avec ce qui l’entoure.

Agriculteurs et écolos : nous refusons d’être catalogués comme ennemis

- Agriculteurs et écolos : nous refusons d’être catalogués comme ennemis
Avec cette tribune nous nous adressons à tous les agriculteurs et agricultrices ayant manifesté leur colère ces derniers jours, mais aussi à toutes celles et ceux qui hésiteraient encore à les rejoindre. Nous, organisations écologistes, paysan-nes et militant-e-s pour un autre modèle agricole depuis des décennies partageons cette colère, et refusons le discours dominant qui voudrait faire de nous vos ennemis.
Nous sommes en colère parce que nous savons que la destruction des conditions de vie des paysan-ne-s comme la destruction des écosystèmes profitent aux mêmes personnes, et que ce ne sont ni vous ni nous.
Depuis les tout débuts des mouvements écologistes, nous nous sommes toujours mobilisés avec détermination sur la question du modèle agricole et des conditions de travail et de vie des agriculteurs. Parce que nous savons l’importance considérable de l’agriculture sur l’environnement : ainsi la qualité de la terre, de l’air, de l’eau, de ce que nous mangeons, et bien sûr le climat, dépendent de ce que nous cultivons et élevons et de la manière dont nous le faisons.
(...)

Révolte d’agriculteurs laminés : nouvelle phase de blocages/actions suspendue aux promesses du régime Macron ?

📺 COLÈRE DES AGRICULTEURS SUR BFM : FASCISME EN CONTINU

À chaque événement, fait divers ou mouvement social, les chaînes des milliardaires ne donnent la parole qu’à la droite et à l’extrême droite. Alors que des milliers d’agriculteurs réclament des rémunérations dignes et l’arrêt des accords de libre échange, BFM continue sur sa lancée. Trois exemples ces deux derniers jours :

🔴 BFM offre une interview à un certain « Thibault » présenté comme « artisan et soutien des agriculteurs » sur un blocage autoroutier. Le jeune homme arbore un curieux logo sur son polo : une rune nordique, qui est en fait le logo d’une marque néo-nazie, Thor Steinar, interdite en Allemagne, et prisée uniquement par les militants les plus radicaux de l’extrême droite. Ce gentil « soutien » se nomme Thibault Monteux, un individu ayant notamment milité dans le groupuscule fasciste dissout « Bastion Social » à Lyon, ou encore aperçu à la marche néo-nazie organisée en mai dernier à Paris, qui avait créé la polémique. Déjà interviewé précédemment par France TV, il expliquait : « Ce qui nous dérange, ce sont les extra-Européens qui viennent et qui quittent leurs terres. Ça, ça nous dérange ».

🔴 Interrogé sur BFM comme sur France Info et présenté comme « céréalier » : Thierry Seneclauze. Celui-ci est responsable dirigeant du Rassemblement National, ancien Conseiller Régional du FN, mais aussi grand propriétaire puisqu’il possède, en plus de ses activités en France, une société agricole en Roumanie. Cet homme contribue littéralement à la concurrence néolibérale avec des pays plus pauvres, une concurrence qui tue les paysans français. Lors du blocage de l’A7, il a posé avec des élus RN.

🔴 Invité en direct lors d’un débat en plateau sur BFM, Emmanuel Ferrand, présenté comme un simple « agriculteur ». Il y déclare que « 50% de pesticides en moins c’est comme enlever une touche sur deux sur un clavier » pour écrire. En réalité, Emmanuel Ferrand est à la fois un gros exploitant, membre de la FNSEA, et lobbyiste des pesticides. Il est aussi un politicien de droite extrême, proche de Laurent Wauquiez. En tant que maire de sa commune, Emmanuel Ferrand avait décidé de mettre les enfants pauvres dont la famille n’avait pas les moyens de payer la cantine au pain sec et à l’eau, c’est vous dire l’humanisme de cet homme. Viscéralement anti-écologiste, Emmanuel Ferrand est un patron de l’agro-industrie, certainement pas un petit paysan en difficulté.

Une fois, c’est peut-être une erreur. Deux fois, c’est une ligne éditoriale. Trois fois, c’est du militantisme visant à manipuler l’opinion. Il y a en France, de véritables paysans engagés contre le productivisme, engagés à gauche, qui eux n’ont jamais la parole.

(post de CND)

Révolte d’agriculteurs laminés : nouvelle phase de blocages/actions suspendue aux promesses du régime Macron ?
Révolte d’agriculteurs laminés : nouvelle phase de blocages/actions suspendue aux promesses du régime Macron ?

AU MONDE : LA GRANDE FAMILLE DU POUVOIR

Différentes études révèlent qu’à peine 30% de la population déclare encore « faire confiance aux médias ». Un taux comparable à celui de la Slovaquie et la Hongrie. Dans notre pays, la quasi-totalité des journaux et chaines de télévision sont possédés par une poignée de milliardaires ou subventionnés par l’Etat.

Ces derniers jours, lire la presse ou regarder la télé nous replonge presque en Union Soviétique ou sous l’Ancien Régime, tellement le contenu est outrageusement favorable au nouveau Premier Ministre, glorifiant jusqu’au ridicule des dirigeants pourtant largement détestés par les français.
Dans un article du journal Le Monde à propos de la révolte agricole, c’est un éloge gluant de Gabriel Attal qui s’étale dans les colonnes. Le Premier Ministre est décrit comme étant « réputé pour son art oratoire et ses nuits sans sommeil ». Notre jeune guide ne dort jamais, peut-être même marche-t-il sur l’eau et se nourrit de lumière !
Attal, tel le héros d’une grande épopée, doit selon Le Monde « apaiser en quelques heures le malaise paysan » par la seule force de sa persuasion. Pourquoi pas régler le problème en quelques minutes !
Probablement dans une transe confuse, la journaliste écrit : « ses équipes espèrent un Hémicycle debout, pour applaudir le plus jeune premier ministre de l’histoire de la Ve République ». Sans préciser que ce gouvernement n’a même pas la majorité et ne dirige plus que par 49.3 et grenades, et que Gabriel Attal n’a aucun autre mérite autre que les réseaux des beaux quartiers parisiens qu’il n’a jamais quitté.
Gabriel Attal, comme le personnage principal d’un film d’action, « avale les notes que lui transmettent les élus de terrain, rencontre l’ensemble des syndicats, pèse et soupèse les options » et va se « se porter au chevet » des paysans, comme un bon père face à ses enfants.

Le Monde ose, à propos d’un discours devant les agriculteurs : « Ont-ils été étourdis par celui qui est considéré comme un as de la communication ? » Allons plus loin, ils ont sans doute été « éblouis par son sourire lumineux ».
Le récit termine par les « remerciements » d’un agriculteur au Premier Ministre, tel un gueux se prosterne devant la générosité de son seigneur. Le Monde oublie de préciser que cet agriculteur est membre de la FNSEA et proche du gouvernement.

Faire reluire le pouvoir, c’est une affaire de famille. La cheffe du service politique du journal le Monde se nomme Ivanne Trippenbach, et elle est en couple avec un conseiller de Gabriel Attal, Rayan Nezzar. On trouve donc à la tête du grand quotidien « de référence » une personne qui est dans le premier cercle affectif du chef du gouvernement. En toute indépendance.

Le site Arrêt sur Images évoquait des « remous » au sein du Monde après la nomination de Rayan Nezzar comme « conseiller, chef du pôle action et comptes publics » auprès du Premier ministre. Sauf que Rayan Nezzar travaillait déjà avec Gabriel Attal lorsqu’il était ministre de l’Éducation nationale.

Médiapart racontait un début de fronde au sein du journal, certains salariés pointant le conflit d’intérêt, entrainant la tenue d’une « réunion du comité d’éthique et de déontologie du groupe Le Monde afin de résoudre la crise ».
Suite à cette mobilisation, Ivanne Trippenbach annonçait samedi soir qu’elle changeait de service devant « l’émoi suscité ». Sauf qu’elle rejoint « le service des grands reporters », un autre poste stratégique.

Cette consanguinité organique entre les médias et le gouvernement s’illustre aussi du côté de la Ministre de l’Education Oudea Castera. Venue de la haute bourgeoisie, elle est héritière d’un couple composé du boss de Publicis, une agence de com’ proche du pouvoir, et d’une DRH, Dominique Duhamel. Elle est de la même famille que les célèbres animateurs télé Nathalie Saint-Cricq, Patrice Duhamel ou Benjamin Duhamel, présentateur chez BFM TV. Le monde est petit. Elle est aussi mariée à l’ancien patron de la Société Générale qui est aujourd’hui à la tête de Sanofi, multinationale du business pharmaceutique.

Ces gens cumulent le capital économique, les réseaux, et les relations sentimentales voire familiales au sein de médias qui fabriquent l’opinion. C’est beau, cet esprit de famille.

🚜 DARMANIN BARRICADE PARIS CONTRE LES AGRICULTEURS

➡️ À partir de demain lundi 29 janvier, les agriculteurs vont entamer le « siège de Paris pour une durée indéterminée ». Tous les axes menant à la capitale seront occupés par les agriculteurs selon le syndicat majoritaire. Le marché de Rungis, le plus important d’Europe, est la principale cible.

➡️ Si Rungis est réellement bloqué, Paris peut être en pénurie de nourriture en 72 heures. C’est une infrastructure extrêmement stratégique, vitale pour la capitale. En réponse, Darmanin déploie 15.000 forces de l’ordre pour « empêcher tout blocage de Rungis, des aéroports d’Île de France et interdire toute entrée dans Paris ».

➡️ Le gouvernement hausse le ton. Il compte « empêcher que les tracteurs entrent dans Paris et les grandes villes ». Darmanin déclare : « La première consigne est de garantir que les tracteurs ne rentrent pas dans les grandes villes ».

➡️ C’est donc la fin de la récréation : les agriculteurs avaient le droit de saccager quelques magasins, de brûler quelques camions et de faire sauter quelques bâtiments de l’État en province, à plusieurs centaines de kilomètres de l’Élysée, mais on ne touche pas à la capitale.

➡️ Ainsi, des blindés ont été déployés, comme contre les Gilets Jaunes et comme lors des émeutes populaires de l’été dernier. La préfecture de Paris va aussi lancer des drones sur l’Île-de-France. Le mouvement agricole est donc à un tournant : après le temps de la mise en scène entre la FNSEA et le gouvernement, c’est le temps du véritable rapport de force. D’ici 24h, on saura si la colère des agriculteurs entre dans une confrontation frontale avec le pouvoir. Et si tel est le cas, la répression risque de se déchaîner.

➡️ Localement, la Confédération Paysanne organise des actions tous les jours sur tout le territoire, n’hésitez pas à aller les soutenir ou à renforcer les blocages, voir en organiser d’autres...

- vidéo : https://fb.watch/pTcDp7t2-z/

(posts de Contre Attaque)

Révolte d’agriculteurs laminés : nouvelle phase de blocages/actions suspendue aux promesses du régime Macron ?

PLUS DE PAYSANS, MOINS D’EXPLOITANTS AGRICOLES

La mafia syndicale de la FNSEA entends imposer et faire perdurer sa mainmise sur l’agriculture, mais tous ne sont pas dupes.
Le modèle des technocrates de l’agrobusiness, en plus d’empoissonner le vivant, nous emmène droit dans le mur : le tout-mécanique et le tout-chimique, OGM & Cie n’empêcheront pas les désastres à venir, au contraire. Sécheresses, maladies, famines... le problème est mondial. Il faut « Reprendre la terre aux machines » (relisons ce livre de l’Atelier Paysan) et retourner à un mode de vie rural sans grands propriétaires terriens et industriels !

🌐 Pour en savoir plus sur la Technocratie (la véritable caste dirigeante) : https://antitechresistance.org/technocratie-classe-definition-histoire/

🐻 NOTRE PROGRAMME https://antitechresistance.org/programme/
4. Abolir l’aristocratie technocratique
7. Développer l’artisanat et la paysannerie
8. Repeupler les campagnes
🪓 Pour en savoir plus sur comment stopper pour de bon ce Système industriel mortifère, rejoignez-nous !

(post de Anti-Tech Resistance)

- voir aussi : Les paysans détruits, méprisés, ignorés et réprimés par l’agro-industrie et le capitalisme

La gauche, le progrès et le paysan

- La gauche, le progrès et le paysan
« Partisans dans la métropole : touchez de l’herbe ! »
Groupe Révolutionnaire Charlatan

Ces derniers jours, nous avons vu des préfectures couvertes de lisier et mises à feu, des mutuelles incendiées, des camions « étrangers » retournés par des tracteurs et leur denrées distribuées aux Restos du Cœur ou brûlées sur le bitume, il y a des appels à encercler Paris, d’autres à rebaptiser l’Élysée « Le Lisier » et un gouvernement particulièrement soucieux de ne pas mettre de l’huile sur le feu. Un narratif médiatique pré-cuit et coordonné tant par les représentants politiques que par les représentants de la FNSEA, nous pousse à appréhender ce mouvement depuis leur seul point de vue, soit leurs intérêts : l’agro-industrie se serait engagée dans un bras de fer avec l’État pour récupérer un peu de sous et faire pression contre les régulations écologiques qui rognent sur leurs marges. Tout cela mâtiné d’un fond brun, réactionnaire et conservateur. Bon. Le Groupe Révolutionnaire Charlatan nous a transmis ce texte qui entend prendre la question depuis un tout autre axiome : essayer de comprendre la révolte depuis ses coordonnées historiques et éthiques.
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Dans les cours d’histoire de l’enseignement public, la révolution industrielle, l’exode rural, la République : toutes ces grandes étapes du « progrès » sont présentées comme une série ininterrompue de modifications arrangeantes, d’aménagements utiles et d’améliorations bienvenues au mode de vie de populations arriérées, dont la réalisation serait l’œuvre philanthropique d’une brave et bonne élite citadine formée aux méthodes de la rationalité économique. C’est de cette vision, qui correspond grosso modo à celle que l’on avait fut un temps de la colonisation, dont nous sommes tributaires encore aujourd’hui lorsque nous parlons du monde paysan.

La réalité de l’accumulation primitive, du déracinement forcé des populations, du massacre du mode de vie rural en même temps que du terroir, du patois et du mode de vie paysan, passe encore aujourd’hui dans de nombreux milieux de gauche comme une étape positive et nécessaire d’un progrès humain sensé amener, avec le développement du machinisme, à l’avènement d’une société du partage et de la libre décision quant aux modalités de production. Bref, la socialisation des moyens d’existence, qui a vu l’industrie présentée comme une étape nécessaire.
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Les bases matérielles et sociales de ce monde très particulier furent balayées à l’époque du Plan Marshall par une série de modifications structurelles et par la machinisation intensive : on coupa les haies et les bocages, combla les fossés et délimita de gigantesques parcelles que les tracteurs allaient désormais labourer, pilotés par une nouvelle génération d’agriculteurs formés par des jésuites et des dominicains modernisateurs dans les centres d’études techniques agricoles. L’État investit des milliards dans ce sens. En 1954, il y a 230 000 tracteurs en France ; en 1963, 950 000. La conséquence de cet agrandissement fut la décapitation définitive d’une partie de la population agricole, incapable de s’agrandir et de se mécaniser, et donc de tenir face à la concurrence.

Rationalisation du travail, gains de productivité, écrasement par la concurrence des petites entreprises qui assuraient une croissance solide et une redistribution à la population dans la consommation : rien de bien néfaste, si on s’en réfère à n’importe quel manuel d’économie libérale.
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Mais que devient l’homme sur sa machine de fer ? Les exploitations familiales disparues, ses voisins transformés en ouvriers agricoles ou parti s’exiler en ville, il doit désormais nourrir la bête : pour être compétitif, en économie capitaliste, on ne peut pas stagner. Plus de terres, plus d’engrais, plus de machines. Plus que sur aucun autre sujet, les différentes idéologies modernisatrices s’accordent à penser que le travail de la terre est une servitude, une tâche ingrate qui entrave l’être, le coince sur son lopin et le prive des lumières du monde moderne ;monde dont on a découvert ensuite que les besoins techniques, énergétiques et économiques menaient la planète à sa perte, en plus de créer entre-temps une classe de salariés-consommateurs au vécu morne et répétitif, qui n’avait sans doute rien à envier à celui des travailleurs d’antan – la même dépendance, mais avec des gadgets et de la bouffe chimique. L’agriculteur moderne s’est lui aussi découvert un nouvel asservissement dans les méthodes agro-industrielles.

Cette dépendance nouvelle à l’outil est triple : dépendance par la dette, gigantesque, que représente l’achat des machines et des terres ; dépendance aux circuits agro-industriels qui gèrent toutes les étapes suivant la production et contrôlent les chambres d’agriculture ; dépendance, enfin, à la machine et à sa dynamique propre. Car si le voisin peut se procurer un tracteur plus gros, racheter les terres des petits et fertiliser à excès, comment faire pour vendre au même prix ? Avec la concurrence et la propriété privée, les agriculteurs purent devenir, comme le reste de la société, les bourreaux les uns des autres.
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On peut donc résumer la modernisation à ce mélange d’éléments interdépendants : remembrement des parcelles, diminution du nombre d’exploitants, augmentation du nombre d’exploitations, fin de la polyculture/élevage au profit de la monoculture, dépendance aux machines, aux intrants et à la chimie.

Tout ce chemin nous mène à la situation actuelle : de 2 500 000 exploitations en 1955, il n’en reste aujourd’hui que 400 000, parmi lesquelles les nouvelles normes européennes vont venir couper de tranches larges. Ce recul est aussi et surtout celui de l’agriculture paysanne ; mais c’est surtout le progrès d’un système qui a conquis les sols français et qui alimente chaque jour le malheur et le dénuement de milliers d’agriculteurs.
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Comme chez les flics, ceux qui capitalisent médiatiquement sur les suicides dans la profession sont souvent les premiers à les susciter par les conditions de travail et de sociabilité qu’ils y installent – un syndicat réactionnaire comme Alliance, au même titre que la FNSEA, défenseuse des firmes et des grosses productions céréalières du nord, est aussi et surtout là pour gérer les carrières, pour laver le linge sale en famille et pour organiser un lobbying qui bénéficie aux moins de scrupuleux dans l’institution. La FNSEA est à cet égard particulièrement mafieuse.

Mais la construction de l’univers institutionnel et corporatiste de l’agriculture est au moins aussi compliquée que ce bouleversement de leur univers mental et physique, pareil à un raz de marée. La fébrilité des gauchistes souhaitant déployer au plus vite leurs catégories – extrême droite, opposition base/centrale, convergence, vote RN, et autres comparaison hâtives – révèle une profonde incapacité à saisir les dynamiques sociales de certains secteurs, et la prégnance d’idées et de rapports à l’État différent des leurs.

Que nous dit cette fébrilité ? Que sa méconnaissance méprisante – et méprisable – du monde agricole, de ses fractures et de ses contradictions, l’empêche de se rapporter aux événements présents sans rallier les catégories tronquées d’un gauchisme citadin et moralisateur.
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Comprendre l’effondrement de ce monde et le choc moral, l’abandon ainsi provoqués, est indispensable pour mieux saisir les revendications des agriculteurs. Les gilets jaunes étaient la périphérie des classes moyennes : des gens à qui on avait promis le même mode de vie que celui des consommateurs des couches supérieures, notamment citadines, et qui virent avec amertume le marasme économique balayer ces espoirs. Les agriculteurs sont issus de ce monde-là, avec des conditions de travail bien différentes : après tout, s’il est possible de régler un être humain sur les cadences d’une routine salariale – les villes, leurs espaces de circulation, leurs zones économiques et leurs dortoirs géants sont bien là pour ça –, il est difficile d’imposer à la terre ce même rythme. Même industrialisée à mort, l’agriculture reste dépendante d’un tas de paramètres naturels et biologiques difficiles à adapter aux besoins de rendement et de continuité du Marché et de l’Administration – même si, dans leurs rêves malades, beaucoup d’ingénieurs le voient autrement.
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Une tentative de se rattraper intervient chez une partie de la gauche, qui veut désormais opérer la même distinction qu’avec les prolétaires « modèles » ouvriers. Il y aurait les bons travailleurs, et les méchants patrons ; les bonnes « bases » syndicales, prêtes à la révolte, et les « centrales », magouilleuses et réformardes. Et puis le vote RN, forcément honni, qui serait en fait de la responsabilité des plus riches, car c’est bien connu, la conscience se limite toujours au portefeuille.

Du côté de la gauche institutionnelle, passée maître en l’art de la récupération, c’est sur le thème de l’euroscepticisme que le bât blesse. La critique de l’Union Européenne ayant été largement abandonnée à la droite souverainiste et à une partie de l’extrême droite, la gauche institutionnelle se voit contrainte de limiter son argumentaire à la revendication d’une sécurité alimentaire et la défense d’un meilleur salaire agricole. L’Union Européenne verse des subventions à 8 exploitants sur 10 – 400 000 sur 500 000. Le projet des progressistes repose sur les chambres d’agriculture, acteurs nationaux de la gestion du monde agricole, créées il y a cent ans. Il s’agit, en somme, d’en faire les supplétifs de la PAC dans l’organisation de la survie diminuée des exploitants. Des politiques redistributives renforcées sur le plan national, sur fond de baisse tendancielle du nombre d’exploitants européens.
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Les comparaisons avec les gilets jaunes n’ont qu’un sens limité : la révolte de l’hiver 2018 n’est pas un élément redondant amené à se répéter, mais l’ouverture d’une nouvelle séquence dans la politique française. Identifier et comparer sans voir les évolutions témoigne d’un manque cruel d’imagination. Rien ne se répète ; des tendances s’ouvrent, évoluent et se modifient elles-mêmes. La comparaison n’a d’intérêt que dans ce cadre, sans quoi elle ne fait qu’alimenter un fétichisme défaitiste comme par exemple celui de la prise des Champs-Élysées, qui n’est pas à jeter totalement à la poubelle mais qui nous fait généralement perdre du temps et de l’énergie. C’est le renouvellement constant, la capacité à surgir n’importe où, qui faisait la force des gilet jaunes. Faut-il le rappeler ?

En l’occurrence, ce qui se répète, c’est l’impossibilité de contenir la grogne dans le moule syndical, de diviser ceux qui luttent entre quelques secteurs prédéfinis, et d’imposer au mouvement des porte-paroles reconnus avec leurs mots d’ordres. Celui-ci s’autonomise, comme au début des gilets jaunes, en partant d’un point déclencheur, et s’élargit de manière brouillonne vers un « ras-le-bol » général. Ce sentiment flou mais puissant est un marqueur très important : il est révélateur d’une incapacité du système à se reproduire lui-même, d’une contradiction devenue insupportable. Une partie de la population n’arrive plus à vivre comme avant : cela, on le sait ; mais ce qui est plus radical encore, c’est qu’elle n’arrive plus à s’imaginer vivre comme avant, et que la réalisation de ce basculement produit un choc.
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Ce qui faisait la force des gilets jaunes – le sentiment partagé de devoir tout reprendre à zéro pour réussir, la révolte qui se déclenchait dès lors qu’un désir de reprendre le contrôle de sa vie naissait, l’inventivité constante, la reprise en main des vieilles formes de lutte périmées – n’a pas réussi à se produire lors des émeutes poubelles (de 2023).
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Mais (en 2023, retraites) le logiciel mental atavique des gauchistes est resté coincé 30 ans en arrière, à répéter les mêmes banalités, à ressasser avec le même répertoire. Sans repenser de manière critique le rôle des syndicats, l’utilité des pratiques et la pertinence des mots d’ordres, nous sommes retombés dans l’apathie moins de trois semaines après le début de cette magnifique séquence. La responsabilité collective est grande ; incapable de se sortir la tête du cul, le secteur « révolutionnaire » continuait de répéter en boucle ses slogans, de baver sur les vidéos d’émeute et de tolérer la présence du service d’ordre et des parlementaires, qui ne cherchaient qu’à calmer la contestation pour mieux l’exploiter. Ceux qui déploraient ces problèmes ne cherchaient même pas à les exposer clairement.
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On retrouve une partie du schéma des gilets jaunes : mobilisation sur une mesure qui paraît anodine à une gauche totalement déconnectée de cette frange de la population – élargissement des mots d’ordres vers une revendication d’ensemble sur la qualité de la vie, qui fait vibrer à l’unisson le reste de la population – convergence partielle et dépassement critique des syndicats. D’autres secteurs commencent alors à avoir l’impression d’avoir quelque chose de commun à exprimer ; comme dans de nombreux mouvements récents, on voit avec rapidité le reste de la population se sentir concerné par la lutte d’un secteur seul, dès lors que celui-ci s’affranchit du cadrage institutionnel et médiatique habituel. C’est sur ce basculement automatique vers quelque chose de collectif, ce sentiment informel d’une lutte collective à mener, que les révolutionnaires doivent travailler ; c’est là qu’ils doivent porter la plume.

Ce qui s’ensuit actuellement, c’est une tentative des politicards de tous bords de faire entrer la contestation dans leurs catégories, et un silence temporaire des chiens de garde de l’État et de la FNSEA, qui attendent soigneusement que la situation évolue dans une direction plus à même à y jouer le pourrissement. Ils temporisent mais ne sont pas dupes : comme pendant les émeutes de l’après-Concorde, leur stupeur ne dure qu’un temps, après quoi ils sauront saisir le moindre moment de faiblesse pour dérouler leur discours de retour à l’ordre et envoyer la troupe le garantir.
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Nous n’éprouvons que peu d’intérêt pour les vœux pieux de la convergence et la récupération politique qu’ils peinent à dissimuler. Rien n’émergera jamais des positions fermées de la gauche, institutionnelle comme extra-parlementaire. Nous ne sommes pas dupes quant aux possibilités, ouvertes notamment par le travail d’enquête sur le terrain de la mobilisation, d’infléchir les sensibilités politiques de ses acteurs. Toutefois, nous refusons de rester spectateurs passifs devant l’élargissement des revendications et la perspective d’un dépassement de la mobilisation par l’entrée en mouvement d’autres secteurs de la population et de la classe – chauffeurs routiers et salariés du BTP notamment. Nous avons besoin d’y être – à défaut d’enêtre – pour comprendre la nature et l’ampleur de ce qui se déroule.


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