A la moindre occasion, la meute radicalisée des « facho-droitistes » et autres « catho-capitalistes » se déchaine et invente des accusations lourdingues et fantaisistes pour tenter de stigmatiser la gauche, les musulmans et les rebelles. Et comme ils bénéficient de l’oreille carrément complice ou complaisante de nombreux médias de masse, ça passe, ça imprime certains esprits petit à petit.
Au delà de leurs différences de surface, les divers « capitalo-fascistes » & « bourgeoiso-autoritaristes » se retrouvent dans le racisme et la célébration du régime policier.
Plus bas, un texte intéressant et éclairant intitulé « Le fascisme et le spectacle de la mort ».
- Chronique du néofascisme à la française : concours entre les facho-droitistes et les bourgeoiso-autoritaristes
Trumpisme au carré : nazification de la gauche et défense de l’extrême droite
Tout le monde rigolait quand, aux USA, Donald Trump qualifiait son adversaire Kamala Harris de « marxiste radicale ». Pourtant, en France, la classe dominante est en train de doubler le Trumpisme à la vitesse de la lumière en termes de post-vérité et d’inversion de la réalité.
Prenez l’avocat Alain Jakubowicz, fervent défenseur d’Israël, soutien de Macron, qui a été président de la Licra entre 2010 et 2017. La Licra fut jadis la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, une association née de la lutte antifasciste et de l’action directe anarchiste contre l’extrême droite. Aujourd’hui, la Licra n’a plus aucun lien avec ce qu’elle a été. La Licra a soutenu les ministres Gérald Darmanin et Manuel Valls, valide le concept de « racisme anti-blanc » et dénonce le terme d’islamophobie… Une Licra qui n’est plus qu’un tissu synthétique pour couvrir l’extrême droite.
Alain Jakubowicz donc, déclare sur la chaine BFM, ce 8 mai 2025, jour de la commémoration du 80e anniversaire de la victoire sur le nazisme, qu’il « voit un parallèle, toute proportion gardée, entre Jean-Luc Mélenchon et Joseph Goebbels » l’ancien ministre de la propagande d’Hitler. Il qualifie aussi la France Insoumise de « mouvement fasciste ». Des propos révisionnistes en plus d’être diffamatoires, une injure à toutes les victimes du nazisme, sans aucune réaction de la journaliste Apolline de Malherbe qui lui tendait le micro.
Le 31 mars dernier, Alain Jakubowicz donnait une longue interview à l’hebdomadaire Le Point pour défendre avec ardeur Marine Le Pen. Selon lui, la condamnation de la candidate d’extrême droite pour avoir détourné des millions d’euros d’argent public était « un coup porté à l’État de droit ». Il déclarait : « Je suis abasourdi, les faits semblent avérés mais cela porte atteinte à la présomption d’innocence ».
Mélenchon, héritier de la gauche résistante est donc un nazi. Le Pen héritière d’un parti pétainiste fondé par des SS est défendue. Et tout cela au nom d’une organisation prétendant « lutter contre le racisme et l’antisémitisme ». En termes de rapport au réel, on est sur un triple salto arrière avec supplément looping.
Et puisqu’il n’y a plus aucune limite au délire, Élisabeth Lévy a déclaré le même jour au micro de Sud Radio : « Les enfants juifs se font molester et casser la gueule par les amis de Jean-Luc Mélenchon ». Lorsque son interlocuteur lui demande quels amis de Mélenchon ont cassé la gueule à des enfants juifs, elle se met à hurler : « Moi je ne débat plus dans ces conditions ! » Sur BFM comme à Sud Radio, ces propos absolument gravissimes sont tenus avec l’assentiment des animateurs, qui semblent même esquisser de petits sourires complices.
Derrière cette démolition méthodique du réel, cette destruction de tous les repères historiques, de toutes les boussoles morales, il y a tout de même une stratégie consciente des soutiens d’Israël. Il s’agit de dénazifier les descendants des nazis, puisque désormais ils soutiennent Israël. Qu’il s’agisse de Viktor Orban en Hongrie, du salut nazi d’Elon Musk, de l’extrême droite française ou allemande : toutes ces forces politiques sont des soutiens inconditionnels de Netanyahou et de son génocide. Il faut donc pour cela les blanchir coûte que coûte et les aider à obtenir le pouvoir.
À l’inverse, les Palestiniens eux-mêmes sont comparés aux nazis par Israël pour justifier l’attaque de Gaza. Dès 2015, Netanyahou déclarait que « Hitler ne souhaitait pas exterminer les juifs », affirmant que les Palestiniens et les peuples arabes en général seraient les vrais responsables de la Shoah. Cette rhétorique est désormais reprise dans le monde entier : tous les soutiens de la Palestine sont des antisémites – y compris le Pape et l’ONU – alors qu’ils ne font que demander le respect du droit international. Les soutiens d’Israël sont des êtres prodigieux : ils voient des nazis absolument partout, sauf là où il y en a.
source, et liens : https://contre-attaque.net/2025/05/09/trumpisme-au-carre-nazification-de-la-gauche-et-defense-de-lextreme-droite/
- Chronique du néofascisme à la française : concours entre les facho-droitistes et les bourgeoiso-autoritaristes
Militarisation : l’Allemagne se réarme massivement, la France veut plus d’uniformes dans les rues
Alors que l’extrême droite part à l’assaut du pouvoir dans de nombreux pays et que les dirigeants occidentaux sont frappés par une crise de légitimité sans précédent, la guerre est à l’ordre du jour. En Allemagne comme en France, nos dirigeants nous préparent au pire et font couler des rivières d’argent pour l’économie de guerre.
(...)
La somme est hallucinante. Mille milliards d’euros pour « financer le réarmement du pays et moderniser les infrastructures » à l’aide de « deux fonds spéciaux ». En 2022 déjà, le chancelier Olaf Scholz débloquait 100 milliards d’euros pour l’armée et annonçait un « changement d’époque », promettant : « L’Allemagne aura bientôt la plus grande armée conventionnelle d’Europe dans le cadre de l’OTAN ».
En 2023 Boris Pistorius, le ministre de la Défense socialiste, qualifiait « d’erreur » la suppression du service militaire obligatoire, et il déclarait : « Nous devons nous habituer à nouveau à l’idée qu’il pourrait y avoir une menace de guerre en Europe. Et cela signifie : nous devons nous préparer à la guerre ». Cette remilitarisation aussi massive que rapide de l’Allemagne est extrêmement inquiétante, les sommes titanesques débloquées pour l’armement vont lui permettre de restructurer toute son industrie – frappée par une crise profonde – autour de l’industrie militaire. Une usine automobile a par exemple été convertie en usine d’armement.
Le gouvernement allemand vante la « dimension dissuasive de moyens militaires accrus » et de mettre en place un « nouveau service militaire volontaire attractif ». « Le gouvernement fédéral mettra à disposition tous les moyens financiers dont la Bundeswehr a besoin ». Budget illimité.
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En France : plus de kaki dans les rues
« Leur tenue est un symbole » se félicite Le Figaro, « elle a fait d’eux des cibles potentielles pour des terroristes cherchant à s’en prendre à des figures d’autorité ». Mettre des tenues militaires serait donc une manière d’imposer une ambiance, après avoir déployé toujours plus de policiers armés dans les rues. L’ordre règne.
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Le déploiement de militaires dans l’espace public ne doit pas être considéré comme « normal ». Il remonte à l’année 1995, avec le lancement du plan Vigipirate sur fond d’attentats. Au nom de la lutte anti-terroriste, des militaires étaient déployés dans les lieux publics pour la première fois en temps de paix. La population s’est progressivement accoutumée à cette présence de treillis et d’armes de guerre dans les gares, les aéroports et dans les rues.
Prévu pour être temporaire, Vigipirate sera sans cesse prolongé, durci, puis complété par l’Opération Sentinelle en 2015. L’armée prétendait déployer des milliers d’hommes pour « s’adapter aux nouvelles menaces » et « sécuriser les points sensibles » du territoire. Dans les faits, nous sommes conditionnés par la militarisation de notre environnement.
article complet : https://contre-attaque.net/2025/05/16/militarisation-lallemagne-se-rearme-massivement-la-france-veut-plus-duniformes-dans-les-rues/
- Chronique du néofascisme à la française : concours entre les facho-droitistes et les bourgeoiso-autoritaristes
- Chronique du néofascisme à la française : concours entre les facho-droitistes et les bourgeoiso-autoritaristes
- Paris, Nantes, Lyon : la police attaque le 1er Mai - Cette année, le nouveau Ministre de l’Intérieur a passé une consigne à ses agents : attaquer les manifestations du 1er mai dans les villes considérées comme étant les plus remuantes socialement. (...) Le 1er mai est une date traditionnelle du mouvement social, célébrant les luttes des travailleurs-euses et la solidarité internationale partout sur la planète. La France est l’un des seuls pays au monde où la police réprime aussi violemment ce rendez-vous.
- Agressions racistes et islamophobes : la justice volontairement aveugle - Un déni généralisé à propos des actes anti-musulmans - En France, les violences racistes, et en particulier celles qui visent les musulmans et musulmanes, subissent une triple invisibilisation : médiatique, judiciaire et statistique. Tout est mis en œuvre pour faire comme si cela n’existait pas.
- Encore un sondage pour conditionner l’opinion à une victoire du RN - https://contre-attaque.net/2025/05/06/encore-un-sondage-pour-conditionner-lopinion-a-une-victoire-du-rn/
- i24News : un rond de serviette sur France Info - Trois fois par mois, l’éditorialiste d’i24News Michaël Darmon intervient à l’antenne des « Informés », l’une des (nombreuses) émissions de commentaire diffusées par France Info à la radio et à la télévision. Un choix éditorial qui légitime, de fait, une chaîne de propagande alignée sur le gouvernement d’extrême droite israélien.
- Paris : défilé nazi sous protection policière - Ce sont les images d’un régime en pleine fascisation. Des drapeaux noirs frappés de symboles néo-nazis, des fascistes défilant au pas et en rangs, des casques et des cris d’extrême droite. Le tout sous haute protection de la police, chargée de réprimer quiconque émet une critique contre l’extrême droite. C’est ce qu’il s’est passé samedi 10 mai à Paris. (avec vidéo)
- Derrière la manifestation néo-nazie à Paris : une assistante parlementaire du parti d’Éric Ciotti - « L’union des droites » : de l’UDR aux nostalgiques d’Hitler (...) Derrière la fausse « dédiabolisation » organisée par les médias, derrière le vernis « gaulliste » et « républicain » de Ciotti et Le Pen, il suffit de gratter un petit peu pour trouver du nazisme authentique et revendiqué.
(NOTE : en Drôme il y a eu un cas similaire en 2011, avec Hervé Mariton qui avait engagé un assistante parlementaire issue du GUD)
- Chronique du néofascisme à la française : concours entre les facho-droitistes et les bourgeoiso-autoritaristes
- Chronique du néofascisme à la française : concours entre les facho-droitistes et les bourgeoiso-autoritaristes
Ce samedi à Paris : marche nazie autorisée, manifestation antifasciste interdite
Tous les ans, autour du 9 mai, la crème du néo-nazisme français mais aussi européen défile en plein Paris. Utilisant le prétexte de rendre hommage à un militant d’extrême droite, Sébastien Deyzieux, décédé en 1994, tout ce que notre pays compte de nostalgiques d’Hitler, de Mussolini et de Pétain manifeste à l’appel d’une structure baptisée « Comité 9 mai ».
Derrière cette structure, on trouve Frédéric Chatillon, un membre de la garde rapprochée de Marine Le Pen. Ancien chef du groupuscule fasciste et antisémite GUD – Groupe Union Défense – Chatillon est le patron d’une entreprise de communication qui a travaillé pour le FN. Il est aussi conseiller de la dirigeante du RN. Il a également été financé par Bachar El Assad. Derrière le vernis médiatique du lepénisme, on trouve toujours d’authentiques fascistes, amis de dictateurs sanguinaires.
Revenons à cette manifestation annuelle : en 2024, la marche d’extrême droite avait d’abord été interdite puis autorisée au dernier moment par la justice. Néo-nazis français, espagnols nostalgiques de Franco, fascistes italiens avaient défilé avec des bannières noires frappées de la croix celtique – symbole suprémaciste blanc – sous protection policière. Ils avaient scandé des slogans haineux, avaient paradé avec des cagoules, des casques et des armes, en toute impunité. Une mansuétude qui contrastait avec la répression féroce des manifestations pour la Palestine au même moment.
L’année précédente, en 2023, même scénario. Mais les images, diffusée par les médias nationaux, avaient choqué. Le préfet de Paris Laurent Nunez avait pourtant déclaré à la télévision qu’il « assumait » le fait d’avoir autorisé le défilé fasciste. C’était quelques semaines seulement après la manifestation férocement réprimée de Sainte-Soline, qui s’était soldée par des centaines de blessés graves et deux personnes dans le coma.
Cette année, en 2025, la marche néo-nazie doit avoir lieu ce samedi 10 mai, à 14h30, au départ de Port-Royal jusqu’à la rue des Chartreux. Et une manifestation antifasciste est annoncée sur le même parcours, pour empêcher la parade d’extrême droite de se dérouler sans rencontrer d’opposition. Le préfet de police de Paris a d’abord publié des arrêtés pour interdire les deux rendez-vous, mettant en équivalence les fascistes et les antifascistes, au nom de risques de troubles à l’ordre public.
Le Tribunal Administratif de Paris, saisi à propos de ces interdictions, vient de rendre sa décision. La marche d’extrême droite est autorisée, mais la contre-manifestation est interdite. Les explications sont lunaires. Selon le juge des référés, l’interdiction de la manifestation néo-nazie « porte une atteinte manifestement illégale à la liberté de manifestation » car cette marche n’avait donné lieu l’an dernier « à aucune poursuite de manifestants en raison d’une dissimulation illicite de leurs visages ou de propos constitutifs d’appel à la haine ou à la discrimination ». C’est un cercle vicieux : la police laisse parader l’extrême droite avec des cagoules, il n’y a donc « aucune poursuite ». La justice en conclu qu’il n’y a pas de raison d’empêcher ce défilé. A contrario, les mouvements antifascistes sont réprimés, donc il faut continuer à les interdire. C’est performatif.
Ce samedi, on peut donc s’attendre à voir les mêmes milices que les années précédentes, avec leurs drapeaux à croix celtiques dans la capitale, et une opposition qui risque d’être réprimée.
Cette décision indigne intervient alors que le 16 février dernier, à Paris, un commando de 30 néonazis avait attaqué la projection d’un film engagé dans les locaux d’un collectif internationaliste aux cris de « Paris est nazi, Lyon est nazi aussi ». Un syndicaliste de la CGT avait été poignardé et deux autres personnes avaient été hospitalisées. Cet attentat gravissime n’avait pas suscité de réaction sérieuse.
Il y a quelques jours, c’est dans une mosquée de La Grand-Combe qu’un fidèle musulman, Aboubakar, était assassiné de 50 coups de couteau par un homme injuriant Allah et filmant son acte. La même semaine, dans un lycée privé nantais, un adolescent fasciné par Hitler commettait une attaque meurtrière. Et pendant ce temps, les grands médias organisent une campagne d’une violence jamais vue contre la gauche. Tout ceci fait système.
Un village antifasciste aura lieu toute la journée place du Panthéon, et celui-ci n’est pas interdit. Il réunira de nombreuses organisations et collectifs. Rejoignez-le, renforçons la résistance.
source, et liens : https://contre-attaque.net/2025/05/09/ce-samedi-a-paris-marche-nazie-autorisee-manifestation-antifasciste-interdite/
- Chronique du néofascisme à la française : concours entre les facho-droitistes et les bourgeoiso-autoritaristes
Le fascisme et le spectacle de la mort
En complément : Le fascisme et le spectacle de la mort - Dans ce nouvel essai, Ian Alan Paul analyse le rôle des images dans la fascisation en cours et la manière dont la mort et la désolation se confondent désormais visiblement avec l’organisation quotidienne du capitalisme et donc de nos vies. Ou comment notre accoutumance aux images de mort qui défilent sur nos écrans, nous prépare culturellement au fascisme.
(...)
La richesse en haut et la mort en bas : au cours de l’histoire récente, cet arrangement s’est avéré remarquablement tolérable. Bien sûr, tout le monde est conscient que de plus en plus de gens s’appauvrissent et sont mis au rebut et que chaque jour la planète est davantage détruite. Mais pour les mieux lotis, le pire est maintenu à une distance très confortable, et la vie conserve plus ou moins son rythme. Les gardiens et les femmes de ménage passent comme prévu pour patrouiller et nettoyer, les portefeuilles d’investissement s’animent et s’éteignent à mesure que les marchés mondiaux s’ouvrent et se ferment, et les colis d’Amazon arrivent miraculeusement sur le pas de la porte, en quelques heures seulement. La misère, la souffrance et la mort font leur apparition, et il y a même parfois ce sentiment persistant que cette vie ne reste possible qu’en raison de la manière dont ces vies continuent d’être dépréciées et parfois éliminées, mais tout cela semble rester assez lointain et détaché. Une lueur, toujours de l’autre côté de l’écran.
Pour ceux qui vivent en bas, cependant, il n’est pas possible de se tenir à une telle distance de ce qui détruit le monde. L’insécurité, la pauvreté et la mortalité ne cessent de déferler sur les rivages de la vie quotidienne, ici en bas, sous la forme de dettes, de canicules ou de la police, érodant continuellement le peu de terrain stable qui reste. Alors que ce qui rend la vie vivable et digne d’être vécue devient de plus en plus cher et se fait de plus en plus rare, la dernière ambition semble être de retarder l’arrivée du pire et de s’accrocher à un fil. Alors que les distractions sont sans cesse renouvelées et, à toutes fins pratiques, inépuisables - un influenceur publie un selfie depuis une zone de guerre, une marque en ligne partage une collection de publicités générées par l’IA, un énième politicien fait un salut nazi -, aucune ne parvient à totalement anesthésier ce sentiment : la vie est de plus en plus vécue comme le premier plan fragile d’un paysage dont l’arrière-plan s’épaissit de mort.
Partout dans le monde, le même calcul mortel est à l’œuvre : d’un côté de l’équation, il y a l’accumulation des richesses, et de l’autre, la désolation de la vie. Quelques personnes au sommet amassent toujours plus de richesses et détiennent toujours plus de pouvoir, tandis que la masse de ceux au bas de l’échelle est obligée de travailler, se fait taper dessus quand elle sort du rang et fini par être surnuméraire et virée. Un peu comme ces jardins privés soigneusement entretenus par des paysagistes, au moment même où d’immenses forêts tropicales montrent les premiers signes d’un effondrement irréversible.
(...)
L’une des contradictions persistantes de la société de classes est que ces mondes fortement divisés existent néanmoins dans le même monde et que, par conséquent, quelle que soit la richesse accumulée, elle ne peut jamais être totalement séparée ou complètement isolée de l’accumulation de violence et de destruction nécessaire pour la produire, la maintenir et la défendre. Le monde est de plus en plus séparé en mondes où l’on vit et en mondes où l’on meurt. Et pourtant, la désolation qui découle de cette séparation continue de s’accumuler tranquillement, jusqu’à déterminer la condition et l’ambiance de toute existence.
La véritable misère de notre société n’est pas qu’elle détruise si volontiers la Terre et désole les vivants, mais qu’elle s’est atrophiée au point de ne plus pouvoir imaginer qu’il en soit autrement. La politique et l’économie sont entrées dans leur phase terminale et se sont montrées complètement épuisées, ne restant capables que d’imposer des contrôles plus sévères et d’extraire les derniers profits d’un monde qu’elles continuent de réduire à l’état de friche.
(...)
La séparation capitaliste du monde en mondes se redouble ainsi formellement d’une séparation culturelle de la mort et de sa simple apparence, en l’abstrayant et en l’objectivant sous des formes toujours plus spectaculaires. Tout comme le flux infini de marchandises jetables se reflète dans le caractère jetable des travailleurs qui les produisent, le caractère jetable de la vie en général se reflète désormais dans les images de la mort, que l’on peut tout aussi facilement faire défiler, rafraîchir, monétiser, suivre, supprimer et éliminer. Pour le capitalisme, il s’agit d’organiser formellement la visibilité de la mort de manière à ce qu’elle n’apparaisse que de manière fugace avant d’être éloignée ou expulsée. Ce qui la rend formellement équivalente à ces sacs de courses en plastique que l’on utilise un moment pour ensuite les abandonner partout comme détritus, jusqu’à ce qu’ils recouvrant les bords des autoroutes et s’enroulent dans les branches des arbres ou les estomacs des dauphins. Il n’est plus nécessaire de refouler la mort lorsqu’elle peut être récupérée culturellement de cette manière, lorsqu’elle peut être rendue toujours plus sensible et mise en évidence sous des formes facilement consommables et commodément jetables.
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Comme il devient de plus en plus difficile de donner un sens à la vie dans un monde fondé sur une telle masse de mort et comme les gens ne peuvent pas se départir si facilement de l’expérience de la mort qui s’accumule si abondamment autour d’eux, une autre voie se dessine dans le fascisme. La fascisme est une forme de société fondée sur la réorganisation de toute la vie sociale à partir de la mort. Il s’agit d’intensifier une certaine indifférence passive à l’égard de la mort de telle sorte qu’elle commence à se transformer en un désir actif de la mort. Le fascisme qui a toujours déjà été une potentialité du capitalisme, se déploie dans la culture comme une esthétisation croissante de l’anéantissement, cultivant une société toujours plus captivée par les images de sa propre désolation, invitant chacun à chercher de nouveaux modes de vie dans les spectacles de la mort.
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Au fur et à mesure que l’histoire se déroule sur les écrans, l’apparence du monde partout l’emporte sur le monde lui-même
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Alors que de nombreux commentateurs politiques ont fait carrière en psychanalysant Trump et en spéculant sur ses motivations cachées, rien en réalité n’est dissimulé sous la surface. Trump est ce à quoi ressemble une vie qui s’est vidée de toute intériorité et s’est exposée complètement, désirant que chaque détail nu soit vu dans sa totalité, pour toujours et par tous.
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Au fur et à mesure que la réalité est devenue secondaire vis-à-vis de sa représentation, une profusion de spectacles a envahi la vie sociale. Ils ont pour fonction d’organiser la société en organisant l’apparence de la société. Lorsque Walter Benjamin a commencé à théoriser le cinéma au début du 20e siècle, après avoir fui les nazis pour se réfugier en France, il déplorait que la succession automatique des images projetées sur l’écran réduise la capacité d’entretenir un rapport critique avec elles. Alors qu’il restait possible de se tenir à distance d’un tableau et de le contempler, de laisser son attention se déplacer entre ses différents éléments formels et de l’accompagner en pensée par un mouvement interne, la projection rapide d’images individuelles par le cinéma ne permettait plus de « penser ce que je veux penser », la pensée elle-même étant « remplacée par des images en mouvement ». Tout comme les marchandises produites en masse ont complètement remodelé toutes les dimensions de la vie sociale, la production et la diffusion massives d’images ont finalement fourni les moyens culturels de remodeler formellement les termes selon lesquels la société capitaliste pouvait être pensée et perçue.
(...)
Ce que Benjamin craignait, c’est que le cinéma devienne le dangereux complice des mouvements fascistes qui cherchaient à armer cette « perception modifiée par la technique ». Qu’il remodèle la vie sociale en l’inondant d’images et, de cette manière, cultive et assoie une société fondée sur la multiplication et l’esthétisation sans fin de la domination et de la mort.
(...)
Les images peuvent désormais être produites, distribuées et consommées n’importe où, il suffit de sortir un téléphone. Si les films projetés dans les cinémas ont une durée limitée, rien ne retient le temps passé fasciné devant un écran numérique. C’est un enchaînement infini de contenu qui se diffuse en ligne et en toute fluidité. Alors que le cinéma a été formalisé comme la production de masse d’images pour les masses, nos technologies numériques ont produit un ordre sensible qui est à la fois atomisé et totalisant : chaque individu produit ses propres images et reçoit son propre flux personnalisé d’images, tout comme la réalité elle-même s’est aplatie dans un écran de la taille du monde.
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Dans la mesure où c’est la totalité de la réalité qui subit cette transformation spectaculaire, les images deviennent aussi omniprésentes qu’éphémères, aussi accessibles que jetables, aussi essentielles à la vie sociale qu’équivalentes les unes aux autres et donc de peu de valeur. La jetabilité des images suit la même logique formelle que la jetabilité des marchandises, qui est aussi la jetabilité de la vie, qui est aussi la jetabilité du monde.
(...)
Les images défilent sur les écrans et disparaissent au fur et à mesure qu’elles défilent, tout comme les smartphones deviennent obsolètes et finissent à la poubelle à chaque sortie d’un nouveau modèle, tout comme les travailleurs sont virés sans scrupules lorsqu’ils sont malades ou rendus obsolètes, tout comme la désolation d’un bout de la planète par son exploitation agricole, forestière ou minière signifie seulement qu’il va falloir déplacer les infrastructures et aller passer le bulldozer ailleurs. Historiquement, le capitalisme se fonde sur un suicide collectif, un pacte qui subordonne le monde entier au processus de sa propre et infinie destruction. Tout doit fonctionner, être transformé en valeur et travailler pour l’économie, jusqu’à l’épuisement. Dans l’ombre de l’accumulation de richesses par le capitalisme se trouve l’accumulation de volumes toujours plus importants d’images et de marchandises jetables, une forme de production qui produit également un monde dans lequel tout, y compris la vie et la mort, est devenu jetable.
(...)
Si le capitalisme dégouline et suinte de sang et de saleté, il garde l’apparence d’un emballage clinquant délicatement et proprement exposé dans les rayons d’un magasin. Il en va de même pour la mort produite par le capitalisme
(...)
La soumission capitaliste du monde à son apparence dépend d’une procédure spectaculaire. Il s’agit d’inviter chacun à percevoir le monde du point de vue du capital, et ce faisant à valoriser et trouver du plaisir dans les mille manières dont la société capitaliste déverse la mort sur le monde. donc à valoriser et à prendre plaisir à toutes les manières dont la société capitaliste apporte la mort au monde. Comme l’expansion continue de l’économie dépend d’une expansion croissante de destruction, la mort ne peut plus être un simple détritus que l’on dégage en périphérie ou que l’on enterre sous la surface du réel. Elle apparaît donc et désormais comme un énième objet de l’économie esthétique, comme une énième apparence saisissante et marchandisée à contempler. Les images de la mort sont ainsi consommées avec désinvolture ou passion, procurant une émotion fugace ou donnant forme à des fantasmes intenses, mais dans tous les cas, la mort est abordée comme un simple produit de la société capitaliste. C’est dans ces conditions historiques et culturelles que le fascisme peut non seulement s’enraciner mais aussi se développer. Il germe dans une société où les manières de voir ont entièrement convergé avec les manières d’être. Et la vie s’organise chaque jour d’avantage autour de la mort en accueillant chaque jour d’avantage l’image de la mort.
(...)
Qu’est-ce que cela implique de se soumettre à une culture fasciste, d’embrasser et de vivre une vie fasciste ? Il s’agit avant tout de s’éprendre de l’idée que certains sont faits pour vivre et d’autres pour mourir, de saisir la vie et la mort simplement comme des entrées supplémentaires dans le bilan comptable du capitalisme. Il s’agit, en fin de compte, de voir littéralement les vies de cette manière. La division économique entre opulence et pauvreté, soit le fondement même de la société de classes, prend donc également la forme d’une division sensible entre les vies qui sont perçues comme valables et celles qui sont perçues comme sans valeur, esthétiquement façonnées par la désolation inhérente à l’économisation totale de la vie et de la mort. Un fasciste éprouve la même joie mesquine à chaque nouvel achat que lorsqu’il voit une personne se faire piétiner, une joie qui se confond avec le sens commun d’une société capitaliste qui ne peut construire la vie que sur la base d’une démultiplication de la mort. Au cœur même du fascisme, il y a ce rêve d’une synthèse totale du capital et de la vie, le rêve d’un capitalisme qui détermine non seulement la forme de l’économie et de la politique, mais aussi la forme de tout sens, de tout désir et de toute expérience possible, le rêve d’une société dans laquelle ce qui est désiré n’est pas seulement l’accumulation, mais aussi la désolation. Telle est la véritable profondeur de la catastrophe : la vie est dégradée et éliminée sans relâche, et pourtant des vies sont attirées et liées - sensiblement, esthétiquement, subjectivement, libidinalement... - à des formes éblouissantes de destruction qui se confondent avec la vie sociale elle-même.
(...)
Voir le monde à travers les yeux du capital implique de voir la désolation en cours de la vie comme le fondement et la condition de toujours plus d’accumulation. Ce qui implique de voir de la valeur dans l’humiliation, l’assujettissement et la mort d’autrui. Dans une vidéo générée par l’IA et mise en ligne par Trump dans les premières semaines de son second mandat, on pouvait voir des scènes d’enfants errant dans les ruines de Gaza suivies de scènes de boîtes de nuit bondées, de yachts de luxe au large de plages immaculées, et de voitures de sport roulant au milieu des boutiques de luxe. Cette vidéo a été vue et partagée par des millions de personnes. Ce qu’il nous faut comprendre, c’est que le génocide en Palestine a lieu pour que ce type d’image puisse devenir réel. Il s’agit d’accoutumer le spectateur à aimer cette image d’une station balnéaire construite sur un charnier, d’un luxe et d’une richesse crées sur l’anéantissement et la désolation, d’un spectacle de mort dont l’esthétique découle de la dévalorisation et de la destruction de ceux qui sont ensevelis sous les décombres. À mesure que la vie et la mort sont capturées dans l’économie esthétique du capitalisme, les gens en viennent à être séduits par l’idée que la survie, le plaisir et l’épanouissement ici ont pour condition la misère, la souffrance et l’extermination là-bas.
(...)
Les images de vie sont couplées à des images de domination et de mort afin de réaliser la séparation entre ceux qui sont perçus comme dignes de vivre et ceux qui méritent de mourir. Et c’est cette séparation même qui devient le fondement de l’expérience et du désir. Les spectacles de mort du fascisme déferlent doublement sur le réel : en tant qu’images qui préparent les esprits à d’avantage de désolation et en tant que désolation qui prépare les esprits à d’avantage d’images.
(...)
Nous devons comprendre que le capitalisme ne nous a pas seulement dépossédé de toute autonomie dans nos vies, il nous a aussi dépossédé de toute autonomie dans notre relation à la mort et au sens que nous donnons à notre propre fin.
(...)
La culture fasciste œuvre donc à nous rendre incapables de donner du sens à notre propre vie comme à notre propre mort. Tant que seule l’économie déterminera la manière dont nous percevons notre vie dans le monde, tant que le salariat sera considéré comme le seul moyen de survie, tant que l’avenir du marché sera le seul futur possible, l’économie et sa désolation continueront de se confondre avec le monde
(...)
La base élémentaire de toute révolte consiste à rejeter toutes les manières dont la vie est perçue du point de vue du capital, dont elle est située dans l’ordre spectaculaire des apparences. La base élémentaire de toute révolte, c’est d’apprendre à redécouvrir le monde depuis le ras de l’expérience, dans la rue avec ses amis, à travers les barricades.
(...)
Saisir la vie et la mort dans leur singularité radicale, c’est les saisir à nouveau dans leur pleine clarté, c’est percevoir à nouveau toute l’étendue de ce qui est possible en vivant et en mourant au-delà et contre la logique de l’accumulation et de la désolation. La composition spectaculaire de la société ne peut jamais être vaincue que par sa décomposition totale, par la recherche du sens et de la beauté dans ce qui apporte le désordre et détruit la valeur, par une anarchie des formes. Le capitalisme et le fascisme offrent une image satinée de la vie sur un panorama de mort. La vie doit répondre en démolissant l’ensemble du cadre dans lequel s’inscrit cette image.
Les nazis d’hier avaient le « complot juif », ceux d’aujourd’hui le « complot musulman »
Les nazis d’hier avaient le « complot juif », ceux d’aujourd’hui le « complot musulman » - La France, et l’Occident en général, sont dans une phase de fascisation avancée. Le nouveau délire autour d’un immense complot musulman à partir d’un rapport d’une enquête sur les Frères musulmans (environ 5 000 personnes en France), complot qui viserait à subvertir les institutions pour faire de la France une république islamique où la charia remplacerait le droit, en est une des dernières manifestations les plus inquiétantes, tendant au délire collectif et au racisme de masse.
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Dans la continuité des discours nazis, les nazis d’aujourd’hui, qui s’ignorent encore comme tels, ont inventé l’ “islamo-gauchisme”, exact pendant du “judéo-bolchévisme”. Comme pour le judéo-maçonnisme ou le judéo-bolchevisme, il s’agit d’un concept flou, absurde, indéfinissable.
- Chronique du néofascisme à la française : concours entre les facho-droitistes et les bourgeoiso-autoritaristes
Rapport sur le « frérisme » : décryptage du dernier délire islamophobe du gouvernement
C’est la surenchère islamophobe du moment : Macron et ses Ministres mettent en scène leur combat contre la « mouvance frériste ».
Le 21 mai, le gouvernement a fait fuiter un rapport confidentiel censé démontrer « l’entrisme » islamiste au sein de la société française. Cette opération médiatique est gravissime : elle repose sur des mensonges et une rhétorique complotiste, elle désigne un ennemi intérieur – les millions de personnes de confession musulmanes en France – et elle va servir à imposer de nouvelles mesures racistes et sécuritaires. On peut s’attendre à plus de dissolutions, d’arrestations, de surveillance mais aussi de violences visant la communauté musulmane. L’ambiance politique favorise le passage à l’acte.
Cette séquence est organisée quelques semaines seulement après l’assassinat d’un fidèle musulman dans une mosquée dans le Gard, alors même que les actes racistes et islamophobes explosent. Ce gouvernement cherche-t-il la guerre civile ? Dans ce nouveau moment de confusion politique, d’intox médiatiques et de fascisation, essayons de démêler les éléments.
Un conseil de Défense anti-démocratique : la militarisation de l’islamophobie
Pour « faire des propositions » suite à la remise du rapport, Macron a choisi de réunir un « conseil de défense », afin de parler de l’Islam sous « secret défense ». Ce n’est pas le moindre des paradoxe : cette réunion est ultra-médiatisée depuis des jours, mais elle est officiellement « secrète ». Une façon de surjouer le danger de la situation. S’il y a secret défense, c’est que la situation est dramatique.
Le « conseil de défense » est un outil fondamentalement opaque et autoritaire. En période de crise et d’état d’urgence, ce ne sont plus les élus qui détiennent le pouvoir, mais un comité restreint politico-militaire, le « conseil de défense et de sécurité nationale ». En 2015, François Hollande a utilisé ce conseil après les attentats. Avec Macron, la décision est prise de réunir le conseil encore plus régulièrement, pour « en faire un moment clef d’examen de l’évolution des dossiers et de la prise de décision ».
En 2020, au plus fort de la crise sanitaire, ces conseils se réunissent parfois plusieurs fois par semaine et remplacent de fait le Conseil des ministres. Il gouverne de facto, sans avoir de compte à rendre.
Ce Conseil est composé essentiellement de militaires : un général, le chef d’État-Major des armées, le secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale, le directeur général de la sécurité extérieure, le directeur de la Sécurité intérieure, et quelques ministres, dont ceux de l’Intérieur et de la Défense. Des militaires et la tête de l’appareil policier pour parler d’un rapport sur l’Islam ? Cela revient à militariser la question religieuse et c’est déjà, en soi, gravissime.
Un rapport obscur et complotiste
Tout ce bruit est déclenché par la publication d’un rapport, basé notamment sur des renseignements policiers. Le ton, alarmiste, met l’accent sur les « Frères Musulmans » qui feraient de « l’entrisme » dans la République. Qui connaît les « Frères Musulmans » en France ? Quasiment personne, et la plupart des musulmans eux-mêmes en ignorent l’existence. Il s’agit d’une confrérie religieuse déclinante, fondée en Égypte dans les années 1920, qui a peu d’influence sur la communauté musulmane française. Mais parler de « frérisme », ça fait peur, ça marque les esprits.
Ce rapport dénonce donc un supposé « entrisme » islamiste. En 2021, les macronistes dénonçaient le « séparatisme » des musulmans. Quand les Musulmans appellent à voter, ils font de l’entrisme. Quand les Musulmans n’appellent pas à voter, ils font du séparatisme. Quand les Musulmans montent des commerces, ils sont soupçonnés de financer les Frères musulmans. Quand les Musulmans ne travaillent pas, ils vivent des aides de l’État. Quand les Musulmans font du sport, ils se préparent à l’action. Quand les Musulmans ne font pas de sport, ils refusent de se sociabiliser. Le problème semble donc être l’existence même de l’Islam et de ses fidèles en France.
Le rapport parle du « développement d’un écosystème local », avec des mosquées qui proposeraient des cours d’éducation religieuse, des épiceries halal, des sites de rencontres et des activités sportives… Autant de structures que l’on retrouve littéralement dans chaque communauté religieuse ! Faut-il interdire le catéchisme, les boucheries casher ou les lieux de rencontre confessionnels ?
Ce qui est reproché aux musulmans, c’est de faire ce que tout le monde fait : s’organiser, défendre ses droits, exister politiquement. Personne ne reproche aux chasseurs, aux catholiques, aux agriculteurs ou tout autre groupe de faire du lobbying pour imposer leurs intérêts, parfois même violemment.
Le préfet des Hauts-de-Seine, Alexandre Brugère, va encore plus loin : selon lui, les boucheries halal seraient « une stratégie qui vise à fractionner la société, le commerce constitue une cible dans le cadre de la stratégie des Frères musulmans ». Complètement délirant.
Ce rapport, et surtout l’interprétation qui en est faite, reprend de fait un imaginaire complotiste, celui d’un corps étranger, forcément mal intentionné, qui tenterait d’infiltrer la France pour la détruire de l’intérieur. C’est littéralement l’imaginaire de l’antisémitisme du début du siècle dernier. Et cet imaginaire d’extrême-droite est désormais assumé par le Ministre de l’Intérieur.
Campagne médiatique outrancière
Ce rapport s’inscrit dans une interminable séquence médiatique contre l’Islam et les fidèles. Après le burkini, la viande halal, les prières de rue, la construction de mosquées, les prénoms « non français », l’abaya, les accompagnatrices voilées, l’abattage rituel, « l’islamo-gauchisme », la pénurie d’œufs « à cause du ramadan », le hijab pour les sportives… il n’y a pas une semaine depuis des années sans que le sujet ne fasse la Une de l’actualité.
Ces campagnes racistes sont devenues le cœur de la gouvernance macro-lepéniste. Puisque le pouvoir n’a aucune intention d’améliorer les conditions de vie de la population, de trouver des solutions aux problèmes sociaux, économiques et écologiques, il construit un bouc émissaire sur lequel se défouler, tout en recyclant des méthodes coloniales et en imposant un agenda identitaire.
Depuis le 21 mai, une coalition allant des macronistes aux fascistes hurle en meute. L’essayiste Caroline Fourest, présente sur LCI alors qu’elle a été mise en cause pour ses nombreux mensonges, a affirmé que plusieurs députés français font partie des Frères musulmans, sans citer de nom. D’autres chroniqueurs parlent de quartiers contrôlés par la Charia, la loi musulmane, sans jamais donner de lieu. Des accusations extrêmement graves.
Damien Rieu, le chef de Génération identitaire, groupe fasciste, exulte : « Je me souviendrai toute ma vie du 21 mai 2025. J’ai l’impression que cette journée est l’aboutissement de 15 ans de militantisme, de procès, d’amendes et de menaces ».
Sur Cnews, la présentatrice Christine Kelly accuse l’influenceuse Lena situations de « s’habiller à la mode des Frères musulmans » parce qu’elle portait une robe ample à Cannes. C’est une véritable chasse aux sorcières.
La personnalité médiatique du moment se nomme Florence Bergeaud-Blackler, qui se félicite d’une « prise de conscience » et qui a publié des livres sur le « frérisme ». Elle est invitée sur CNews et Europe 1, mais aussi BFMTV ou Le Parisien et est présentée comme une chercheuse, mais c’est en réalité une militante proche de l’extrême droite. Elle a fondé le CERIF, un centre de recherches sur « l’islamisme » qui reçoit des financements de Périclès, la structure de Pierre-Édouard Stérin, le milliardaire catholique réactionnaire. Elle fait partie de cercles liés à Viktor Orban, dirigeant d’extrême droite hongrois. En 2024, elle participait à un cycle de conférences organisé par Louis Aliot, maire Rassemblement National de Perpignan.
Cette prétendue chercheuse écrit des énormités comme : « Le drapeau rouge n’est plus. Il est désormais remplacé par le drapeau vert-rouge de l’islamogauchisme, qui est aussi celui brandi de la Palestine. L’internationale c’est l’Oumma de l’islamisme, et ses alliés utiles : ceux qui vont périr ou se convertir ». C’était le 25 janvier 2025 sur Twitter.
Le 18 janvier 2024, elle estimait que : « Le milieu LFI nourrit l’islamisme et crée une génération radicale antisémite habillée de Jilbab ». Cette odieuse personne a reçu la Légion d’Honneur par Macron en janvier dernier.
L’islamisme : jadis allié de la droite occidentale, aujourd’hui épouvantail bien pratique
L’obsession du moment sur les « Frères Musulmans » est absurde. Nous l’avons dit, l’organisation des Frères musulmans est fondée en 1928 en Égypte, avec la volonté de réislamiser la société à travers les institutions et l’État. Ils ont une stratégie d’influence, et utilisent des méthodes de communications modernes : les médias, les réseaux sociaux.
Ils sont donc détestés par les courants islamistes salafistes et les wahhabites, partisans d’un Islam qui obéirait strictement aux textes fondateur de l’Islam, et qui rejettent toute interprétation et adaptation humaine. Ces courants dénoncent donc la « modernisation » des Frères Musulmans.
Or, pendant des années, le salafisme et le wahhabisme ont été les meilleurs alliés de la droite occidentale, notamment durant la Guerre Froide. Les dirigeants des USA ont beaucoup soutenu ces groupes islamistes pour affaiblir les régimes arabes postcoloniaux et l’influence communiste. Ils ont aussi soutenu les talibans en Afghanistan lors de la guerre contre l’URSS, et avec l’appui de la dynastie Saoudienne. C’est ainsi qu’est née Al Qaïda, une organisation sous influence de la CIA et des pétromonarchies.
Plus près de nous, en 2003, Nicolas Sarkozy, alors qu’il était Ministre de l’Intérieur très à droite, avait encouragé l’entrée de courants islamistes au sein du Conseil français du culte musulman. En 2008, Sarkozy prononçait le discours de Riyad, qui prônait une « alliance civilisationnelle » avec l’Arabie Saoudite, pays Wahhabite.
Durant son mandat, Sarkozy noue des liens importants avec le Qatar, autre puissance Wahhabite du Golfe. C’est sous Sarkozy que le PSG est vendu au Qatar et que le mondial de foot est attribué à ce pays, grâce au soutien de la France.
On se rappelle aussi de la chasse menée par Gérald Darmanin pour retrouver l’imam Hassan Iquioussen. Accusé de radicaliser les fidèles de sa mosquée, l’homme avait été traqué jusqu’en Belgique afin d’être ramené en France et être expulsé, un feuilleton absurde. Et d’autant plus absurde que l’imam en question avait été un précieux allié de Darmanin dans la conquête de la mairie de Tourcoing : musulmans ou pas, les réactionnaires savent s’entraider. Mais l’ingratitude et le racisme de Darmanin auront eu raison de l’imam.
Pour le dire plus simplement : les dirigeants de droite se sont alliés avec des puissances islamistes à l’étranger pour des raisons économiques, et ont encouragé l’Islam réactionnaire en France, notamment après l’embrasement des banlieues en 2005. Ils préfèrent des religieux qui maintiennent l’ordre plutôt que des classes populaires qui se révoltent. Or, le rapport qui vient de sortir ne parle jamais du salafisme et se concentre sur la mouvance « frériste ». C’est un écran de fumée.
Avec la mise en scène de ces derniers jours, l’État français poursuit son processus de fascisation, ses dirigeants se radicalisent et construisent un récit complotiste contre un ennemi intérieur. On peut s’attendre à de nouvelles lois racistes et liberticides, mais aussi à d’autres actes violents contre la communauté musulmane, encouragés par le discours ambiant. Notre période ressemble furieusement aux années 1930 : plus un pas en arrière face à l’islamophobie et à tous les racismes. Construisons la résistance.
source, avec liens : https://contre-attaque.net/2025/05/23/rapport-sur-le-frerisme-decryptage-du-dernier-delire-islamophobe-du-gouvernement/
DIVERS
- Le ministère de l’Intérieur vole au secours d’un magazine néofasciste : « Retailleau aime les nazis » : c’est le slogan qui a conduit deux enseignants de Grenoble en garde à vue le 13 mai dernier. Ils avaient eu le tort d’inscrire ces mots sur une bâche lors d’une manifestation, ce qui n’a pas plu à la police, qui a considéré cela comme un « outrage ».
C’est pourtant la vérité la plus limpide. Un nouvel exemple en atteste dans le magazine Marianne cette semaine. Le patron du média néofasciste Frontières, Erick Tégner, a été aidé directement par le cabinet de Bruno Retailleau, Ministre de l’Intérieur. Les faits ont eu lieu le 18 mars dernier. Erick Tégner s’apprête à partir en Argentine avec un député d’extrême droite. Il veut « couvrir », c’est-à-dire diffamer, des manifestations de gauche contre Javier Milei, le dirigeant trumpiste du pays, qui massacre les droits sociaux à la tronçonneuse. (...) Ce coup de pouce entre copains n’a rien d’étonnant : le ministre de l’Intérieur est un militant de l’extrême droite vendéenne, un homme plus à droite que le RN. Et il se trouve à la tête de la police française et vient de remporter la présidence du parti LR ! Il s’imagine même président, à la tête d’une « union des droites » aux prochaines présidentielles. Retailleau a apporté son soutien au groupuscule identitaire Nemesis en déclarant lors d’un discours sur la sécurité : « Bravo pour votre combat. Vous savez que j’en suis très proche ». Dans le même temps, le ministre de l’Intérieur a lancé la dissolution des collectifs La Jeune Garde, un groupe antifasciste, et Urgence Palestine. Retailleau veut remettre en cause le droit du sol, affirme que « l’État de droit, ce n’est pas intangible, ni sacré », s’attaque aux associations humanitaires. Il incarne la politique néofasciste déjà installée au cœur du pouvoir.
Ces liens entre le sommet de l’État et la presse d’extrême droite ne sont pas non plus inédits. Dès le mois d’octobre 2019, Macron avait invité dans son avion privé le magazine d’extrême droite Valeurs Actuelles et lui avait offert une interview exclusive, en tenant des propos réactionnaires. Le 1er Mai 2020, Macron avait personnellement appelé pendant 45 minutes Eric Zemmour, qui était alors chroniqueur médiatique, mais déjà auteur de multiples discours racistes et condamné pour « provocation à la haine raciale », afin de le le « soutenir » après qu’il ait été importuné dans la rue. Depuis, le soutien du régime aux médias des milliardaires et à la galaxie Bolloré n’est plus à démontrer.
Marc Endeweld, journaliste d’investigation et auteur d’un livre sur Macron intitulé « Le Grand manipulateur », a même révélé qu’en privé, Macron utilise le concept raciste de « grand remplacement », ou encore qu’il avait surpris un éditorialiste d’extrême droite en utilisant le terme « rabzouze », à connotation raciste pour désigner les maghrébins. Il a également parlé de « nation organique » – un concept fasciste – et réhabilité Pétain, qualifié de « grand soldat ». - Macron s’accroche au pouvoir (...) Usage massif du 49-3 rendant obsolète le Parlement, gouvernement minoritaire qui passe en force sur tous les sujets, répression militarisée de toute contestation, dissolutions d’organisations dissidentes, antiterrorisme contre les écologistes, discours guerriers… Et bientôt, Macron président à vie ? Ce cauchemar est réel, réveillons-nous.
- L’armée tente de coloniser les esprits