La réforme des retraites vous dit : « vous allez devoir travailler plus longtemps ». Quoi de plus absurde quand les accords sur le climat appellent à réduire drastiquement la production et donc le temps de travail ? Voici donc un texte écologique qui vient plutôt proposer d’étendre la retraite au reste de la vie.
En 1995, quand la réforme Juppé a été repoussée par une grève générale, on pouvait croire à un avenir durable. En 2019, on est sûr que c’est foutu. Le monde est en ébullition, entre désastre écologique et insurrections généralisées. On voit mal comment un système de retraite datant de 1945 et reposant sur la croissance économique et démographique aurait quelque chance de fonctionner dans les années qui viennent.
Il faut sortir de toute urgence du débat économique sur la durée de travail (droite) ou l’augmentation des cotisations (gauche), pour poser la question écologique du soin et de l’attention à la vieillesse. Avant toute chose, on ne s’occupera pas bien de nos vieux si on ne se dégage pas du temps libre. Et on ne dégagera pas du temps libre sans grève, occupations, et transformation profonde de nos conditions de vie. C’est le pari de ce texte de Désobéissance Ecolo Paris.
Suite de ce texte sur Groseille : Goodbye Retraites
- Vivement la retraite ? ou la semaine de 9h ?
Extraits :
Le rapport Delevoye se fonde sur des prédictions decroissance économique d’au moins 1% par an (p. 116) : ce qui signifie notre mort écologique5. Car qui dit croissance dit production croissante de gaz à effets de serre, extractivisme, déforestation, et dévastation des écosystèmes6.
Mais s’il n’y a plus de croissance, moins d’argent sera produit et redistribué. Alors, il est absolument évident que le système à point de Delevoye ne suffira pas à garantir le minimum vital. En cherchant à toute force à éviter la « faillite » économique du système français de retraites (p. 5), la réforme Delevoye ne voit pas que sa faillite politiqueet écologique est programmée. La conclusion est simple : ou bien l’on revoit radicalement les bases du partage entre les générations, ou bien l’on continue de courir au suicide collectif.
(...)
Nous, improbables retraités de 2060, avons des parents et des grands parents, des vieux amis, que leur travail use et ennuie depuis des décennies. Nous connaissons la fatigue imprimée sur leurs visages, et dans leurs corps. Eux se battront pour ne pas avoir à trimer plus : la lutte pour leur retraite est une question de survie et de dignité. Nous serons donc à leur côtés. Toutes les joyeusetés de cette réforme sont matière à produire un conflit social puissant, à même de stopper le rythme infernal de réforme plus obscènes les unes que les autres, qui n’ont pour but que de nous soumettre à des boulots absurdes.
Au contraire, il nous faut dégager les conditions d’un temps libre de masse, créatif et non dévastateur, comme celui d’un grand nombre d’activités écologiques : artisanat, permaculture, zad, écoconstruction, cantines, assos de quartier, maisons des femmes, cours de langue, transmissions de savoir-faire, réparations… Tout un tissu de solidarité et d’entraide qui sera nécessaire pour les temps difficiles qui arrivent, et qui n’aura que faire des objectifs de croissance ou des équilibres budgétaires.
Une vue à long terme ne doit donc pas s’arrêter au simple retrait de la réforme des retraites. On ne reviendra pas au système de protection sociale de 1945 ni à un contexte de croissance économique soutenue. Il faut dire au revoiraux retraites telles qu’on les a connues ces 75 dernières années, celles de la socialisation des solidarités sous contrôle de l’Etat. Mais dire goodbye aux retraites, ce n’est pas accepter une régression des solidarités. C’est rompre avec l’idée d’une vie de travail souvent absurde et harassante que viendrait couronner, à la fin, la « retraite ». C’est étendre l’idée de retraite ou de grève à la vie entière, puisque nous aurons à travailler moins et à prendre soin les uns des autres.
Il suffit de s’engouffrer dans la voie suggérée par les gilets jaunes. Organisons des Assemblées dans tout le pays pour discuter de l’avenir, et prendre nous-mêmes les mesures qui s’imposent. Réquisitionnons les bâtiments, les médias, la nourriture, les richesses et tous les moyens qui seront nécessaires pour faire durer la grève jusqu’à ce que d’autres formes de solidarité vieillesse ait été établies, jusqu’à ce que les émissions de gaz à effet de serre aient été drastiquement diminuées, jusqu’à ce qu’on puisse garantir aux jeunes et aux vieux un avenir digne d’être vécu.