L’actuelle mairie de Crest, le Syndicat Mixte de la Rivière Drôme (SMRD) et l’Etat se réjouissent avec force communication positive de l’opération d’aménagement menée en ce moment autour du cours d’eau de la Saleine (près de Casino et de la déviation), décrite comme exemplaire à tout niveau dans de jolies plaquettes.
Qu’en est-il vraiment ?
On se réjouit que la Saleine voit son lit un peu élargit en vue d’une vie plus naturelle du cours d’eau, mais il ne faudrait pas oublier que si des bâtiments sont situés dans des zones inondables et qu’on doit à présent construire une énorme bassin de rétention pour les protéger des crues, c’est qu’auparavant des constructions ont été autorisées par des autorités sur ces zones inondables et ont détruit des zones naturelles et humides.
A présent, les autorités s’enorgueillissent de rendre plus naturelles, de « restaurer » de petites zones résiduelles, mais d’une part elles sont très nettement plus petites que ce qui existait avant les constructions, et d’autre part les aménagements actuels veulent permettre d’étendre davantage encore la zone industrielle et commerciale (voir nouveau PLU), de construire de nouveaux bâtiments, ce dont ils se réjouissent dans leur inconséquence coupable à force d’obstination, et donc de continuer le bétonnage au détriment des sols vivants et des activités agricoles (environ 6 (?) hectares supplémentaires bétonnés au sud du MacDo + les éventuelles extensions d’entreprises existantes).
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Un tel bétonnage est totalement contraire à la nécessité urgente de couper radicalement court aux pratiques qui favorisent les catastrophes climatiques et écologiques en cours.
D’autant qu’on trouve, près de Crest (Aouste, Grane, Eurre), des zones industrielles déjà aménagées, vides ou disposant d’emplacements libres.
Là, on va nous dire sans doute, naïvement ou vicieusement : « mais il faut bien de nouveaux emplacements industriels à Crest si on veut relocaliser les activités économiques et éviter ainsi que les travailleurs se déplacent pour aller plus loin travailler, ce qui est écologique non ? »
Ben non, pas forcément, ce qui serait vraiment écologique (et répondrait donc également à une exigence sociale), ce serait plutôt :
- de désartificialiser des parkings et zones bétonnées
- de ne pas créer une nouvelle zone artificialisée de 6ha
- d’étendre la zone naturelle autour du cours d’eau, et garder une partie de ces 6ha pour des activités agricoles biologiques productives (ou des potagers urbains) dont on a bien besoin proches de la ville
- si besoin, d’utiliser les friches industrielles existantes pour des activités économiques
- de choisir vraiment de quelles activités on a besoin du point de vue de la résilience (capacité d’autonomie locale et de résistance aux crises) et de l’arrêt des développements économiques qui aggravent la situation
- en conséquence, de reconsidérer de manière approfondie la question de l’emploi, du temps de travail, de sa répartition et de la répartition des richesses produites
Au lieu d’une énième surface commerciale ou d’une entreprise qui va exporter loin des produits quelconques ou fabriquer des machins pour le luxe, on a plutôt besoin d’activités d’autonomie alimentaire locale, d’artisanats locaux et low tech pour les besoins de base, comme la rénovation, la construction écologique et la production textile de vêtements et autres. C’est à dire des petites unités en coopératives à taille humaine, qui devraient pouvoir s’insérer dans les bâtiments existants ou abandonnés.
D’autre part, toujours dans une optique de réelle bifurcation écologique et sociale, sans doute que certaines industries et activités devront être arrêtées (grandes surfaces, usines polluantes, produits nuisibles, etc.), ce qui libérerait de la place pour des activités plus adaptées aux exigences écologiques et de résilience locale, sans avoir besoin d’artificialiser de nouveaux terrains.
Les autorités tenteront sans doute de nous vendre à la Saleine une nouvelle zone industrielle éco-responsable machin-chose à base de développement économique circulaire durable, garnie d’arbres et de panneaux solaires, mais ça ne changera pas le fait qu’il s’agit de bétonnage supplémentaire et irresponsable.
Au delà de la protection des inondations à la Saleine, l’opération écologique limitée sert à masquer un programme d’artificialisation supplémentaire.
Les localités sont en concurrence entre elles, chaque commune espère attirer des entreprises chez elle, et rivalise d’attractivité à coup de bétonnages, ce au détriment du bon sens et du vivant.
Bref, le système en place (capitalisme, Croissance, civilisation industrielle et institutions non démocratiques) est tellement incrusté qu’on se réjouit des petites choses sans doute positives faites parfois (faudrait encore examiner de plus près, car quand on voit les travaux des chemins piétons au Bosquet et à la Prairie..., où des arbres sont coupés sans vergogne), mais sans voir que c’est au service de l’aggravation et de la continuation des désastres qu’il produit.
Bien entendu, nos propos seront taxés par les aménageurs, par les éternels fossoyeurs réalistes-eux du monde vivant, d’idéologie rétrograde et extrémiste, de retour à la bougie et d’irréalisme irénique de privilégiés.
Pourtant, voici ce qu’André Gorz répond :
L’utopie ne consiste pas, aujourd’hui, à préconiser le bien-être par la décroissance et la subversion de l’actuel mode de vie ; l’utopie consiste à croire que la croissance de la production sociale peut encore apporter le mieux-être, et qu’elle est matériellement possible.
Qui sait, peut-être qu’un jour prochain les ZAD et autres occupations vont fleurir partout dans nos vallées ?