L’arbre de la loi Sécurité globale ne doit pas cacher la forêt touffue des mesures autoritaires de ce régime policier.
Le mouvement contre la loi de Sécurité globale oublierait-il un peu trop les quartiers populaires, les musulmans et les gilets jaunes ?
Les organisations politiques de gauche veulent-elles garder la main, sur le fond comme sur la forme, pour éviter tout mouvement d’émancipation autonome et plus radical que leurs demandes limitées toujours méprisées par le régime ?
Les contestations vont-elles finir par déborder le cadre de quelques lois et articles de loi pour s’attaquer au problème du système policier lui-même et de son rôle clé dans le maintien de l’ordre autoritaire et inégalitaire en place, en collusion avec l’Etat et des courants d’extrême droite bien présents au coeur des forces de l’ordre ?
Va-t-on creuser le fait évident que le durcissement conséquent des lois et moyens de répressions et de surveillance est consécutif aux mutations du capitalisme et du choix de l’Etat d’une gestion policière des problèmes socio-politiques ?
Va-t-on se rendre compte qu’un tel système policier autoritaire, impuni et brutal, est hélas inévitable dans un pays anti-démocratique inscrit dans un cadre capitaliste ?
etc. etc.
En tout cas, ça fait tout un tas de raison pour se rendre en masse aux rassemblements contre les violences policières et la loi Sécurité globale et discuter de tout ça.
- Projet de loi « séparatismes » : des mesures anti-musulmans et liberticides totalement inacceptables
- Liberté, égalité fraternité = Libéralisme, inégalités, rentabilité - Travaille, consomme, cause toujours, et vote
Le mouvement contre la loi de Sécurité globale est-il en train de se gentrifier ? - J’ai participé à toutes les manifestations contre la loi Sécurité globale, à Paris. Contrairement à celles de janvier 2015 suite aux assassinats de la rédaction de Charlie Hebdo, où j’avais tout de suite pressenti une forme d’injonction républicaine excluante et autoritaire, contraire aux idées de “libertés”, mes tous premiers pas au sein de ce mouvement social étaient enthousiasmants. A Frustration, nous avons démontré point par point en quoi cette loi est liberticide et affirme un peu plus le caractère autoritaire du macronisme néolibéral. Elle paraît loin, l’époque où l’on nous faisait la leçon, en mai 2017, de ne “pas avoir joué le jeu” du barrage contre le fascisme de Marine Le Pen. Un autre fascisme, en costume cravate cette fois-ci et décomplexé, est né, comme prévu. Mais une réaction populaire semble y faire face.
Populaire, vraiment ? Les manifestations ont lieu dans toute la France et l’on constate, non sans joie, une composition sociale diverse et des bases populaires présentes du mouvement (un peu moins à Paris, mais davantage en dehors). Pourtant, je ne peux pas m’empêcher d’être amer et pessimiste, au regard de l’évolution et de la tournure que prend ce mouvement social de grande ampleur, sans bien saisir les raisons de mon malaise. Les journalistes occupent-ils trop le devant de la scène au détriment des associations ou des militants qui documentent les violences policières qu’eux-mêmes subissent depuis des dizaines d’années ? Se focalise t-on trop sur l’article 24, qui nous interdit de filmer les policiers, et pas sur le reste de la proposition de loi ? Le danger que représente la loi séparatisme et les dérives autoritaires islamophobes contre notre Etat de droit, à la suite de l’assissanat de Samuel Paty, sont-ils invisibilisés et occultés ?
- Liberté, égalité et fraternité sont floutées par l’Etat policier
- Projet de loi « séparatismes » : des mesures anti-musulmans et liberticides totalement inacceptables
Extraits :
Une focalisation du mouvement contre l’article 24 de la loi de Sécurité globale ?
Des associations de victimes de crimes policiers laissées au second plan du mouvement contre la loi de Sécurité globale
Un projet de loi séparatisme, pourtant liberticide également, invisibilisé voire occulté
Une loi séparatisme qui stigmatise encore un peu plus les musulman(es) du pays, à défaut de dénoncer, au hasard, les discriminations à l’embauche que subissent de nombreuses femmes voilées. Qui sépare ? Un projet de loi peu critiqué dans les médias et, plus étonnant, pas plus à gauche. Mais c’est lorsqu’elle est liée à la loi Sécurité globale que des personnalités ou des médias s’en offusquent. Le CCIF menacé de dissolution par le gouvernement est une grave atteinte démocratique et un signal envoyé d’en haut pour prétendre que l’islamophobie comme discrimination n’existerait pas. Cette association a été contrainte de s’auto-dissoudre, sans grande indignation.
“Il faut maintenir la pression sur le gouvernement mais aussi sur ces organisations qui gentrifient le mouvement contre la loi de Sécurité globale"
Si l’article 24 est retiré, le mouvement pourrait-il espérer durer contre la loi dans son ensemble et la liberticide loi contre le séparatisme ? “Les efforts de la lutte et la définition des stratégies d’action (ainsi que la médiatisation qui s’en suit) sont indexés aux intérêts des groupes majoritaires, blancs et urbains tandis que les groupes minoritaires non blancs et liés aux espaces dits « populaires » continuent de voir leur cause peu partagée”, analyse Kaoutar Harchi, à savoir la loi séparatisme et les menaces particulièrement graves à l’encontre des musulmans et d’associations telles que le CCIF, support juridique nécessaire contre l’islamophobie en France.
Les enfants des quartiers populaires et les gilets jaunes seront-ils les dindons de la farce d’un mouvement contre la loi Sécurité globale qui ce serait gentrifié, c’est-à-dire repris en main par les membres des classes favorisées ? Seront-ils toutes et tous vent debout également contre le fichage généralisé des personnes qui porteraient atteinte aux “intérêts de la Nation”, qui viserait tout particulièrement les dominés et les plus pauvres ? “Le sentiment de protection dans lequel les classes blanches, moyennes à supérieures, ont pu vivre était corrélé à la mise en danger ordinaire des vies des descendants des immigrés postcoloniaux”, rappelle Kaoutar Harchi. “Il faut maintenir la pression sur le gouvernement mais aussi sur ces organisations qui gentrifient le terrain social. Ces lois sécuritaires, ce sont les populations les plus pauvres, les racisés et les précaires qui vont les subir en premier, ne l’oublions pas”, ajoute offensive, mais malgré tout optimiste, la gilet jaune Sabrina Waz. Prochain rendez-vous dans la rue le samedi 12 décembre prochain place Saint-Michel, où l’accent sera mis sur la loi séparatisme, et pas seulement le projet de loi Sécurité globale. Une jonction possible et une première étape d’un mouvement davantage populaire et social avec, sur le devant de la scène, d’abord et avant tout les premier(e)s concerné(e)s ?
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