Projet de loi bioéthique : chosification de l’être humain et techno-médecine à outrance - De nouveaux marchés juteux

Au delà des menées réactionnaires anti-LGBT des « manifs pour tous », de graves problèmes éthiques se posent

jeudi 8 octobre 2020, par Les Indiens du Futur.

Le projet de loi bioéthique suscite les passions.
On voit souvent des conceptions différentes de la famille et de la parentalité s’’affronter, avec aussi des composantes d’extrême droite, de catholiques intégristes ou juste traditionnelles s’opposer aux personnes LGBT, mais on entend moins des analyses critiques sur les technologies mises en oeuvre, sur la réification des embryons (chosification des embryons considérés comme du simple matériel de laboratoire et un nouveau produit marchand), les diagnostics génétiques préimplantatoires et les autorisations de recherches et de chimères homme-animal.

Ce samedi 10 octobre, des « manifs pour tous » vont se dérouler dans plusieurs villes de France, dont Valence, où une contre manifestation est annoncée.

Projet de loi bioéthique : chosification de l’être humain et techno-médecine à outrance - De nouveaux marchés

- Pour commencer, état des lieux et infos sur le projet de loi bioéthique :

Vous constaterez dans le document PDF que de nombreux points posent question : recherche sur les embryons, création d’embryons génétiquement modifiés, autorisation de créer des chimères animal-humain, satisfaire les demandes en gamètes de l’industrie de la procréation, confirmation du régime de recherches sur l’embryon menées dans le cadre de l’AMP, extension du Diagnostic pré implantatoire (DPN) à une enquête génétique chez les parents en cas de découvertes fortuites lors des examens habituels, réintroduction de la technique du« bébé médicament » (DPI-HLA)...
Tout n’est pas encore arrêté ni précisé, car le processus institutionnel n’est pas terminé (l’examen au Sénat est repoussé à 2021).

D’un côté, on est d’accord pour contrer et critiquer les idées d’extrême droite et anti-LGBT portées par une bonne part des participant.e.s aux "manifs pour tous", mais de l’autre on ne peut pas cautionner l’ensemble du projet de loi bioéthique en l’état.
Des militants de la "manif pour tous" veulent aussi utiliser l’écologie pour leurs idées, en détournant l’écologie vers une défense des "valeurs traditionnelles’, du couple hétéro avec le slogan "un enfant doit avoir un père et une mère".

Si on dégage l’écologie de leur griffes réactionnaires, on peut tenter une autre vision : l’écologie étant contre les hautes technologies qui échappent au contrôle démocratique des populations et qui nécessitent un complexe industriel mondialisé pour fonctionner, elle ne peut pas être pour les techniques de laboratoires servant à fabriquer/contrôler/conserver des embryons et autres cellules.
C’est pourquoi nous sommes contre de nombreux points de la loi bioéthique.

Au risque de déplaire à de nombreux courants de gauche qui assimilent toute avancée technologique à un progrès et qui voient toute amélioration des droits individuels comme une bonne chose, nous sommes contre toutes les manipulations et recherches sur les embryons quel que soit leur stade de développement.
La PMA pose problème en général (quel que soit le type de couples), sauf peut-être pour l’insémination artificielle simple. Assez vite on retrouve des technologies de laboratoires plus ou moins complexes (type FIV).

De manière générale, nous sommes contre la techno-médecine, contre l’instrumentalisation de problèmes sociaux/familiaux par des laboratoires et de nouveaux marchés de la procréation et du tri génétique.

En outre, à l’heure où il faudrait infléchir la courbe de croissance du nombre d’humains sur Terre pour des raisons écologico-sociales, il y a des choses plus importantes à faire que permettre des PMA technologiques pour les couples qui ne peuvent pas avoir d’enfants.
En revanche, nous sommes pour la facilitation d’autre méthodes, non technoloqiques, d’accession à la parentalité, et ce pour tous les couples, trouples, communautés (pour homos, hétéros, intersexes, a-genres...). On peut notamment citer l’adoption et la co-parentalité, ou encore le partage temporaire de l’éducation, ou le rôle de familles d’accueil.
Il pourrait exister des lois et dispositifs facilitant l’exercice de diverses formes de parentalité et de participation à l’éducation des jeunes pour toutes celles et ceux qui le souhaitent vraiment sans en passer par des technologies de laboratoire et une marchandisation du vivant.

- Voici des analyses critiques des technologies de la procréation situées pourtant hors du champ de l’extrême droite et des cathos :

Extraits :

la normalisation de la fécondation in vitro, couplée aux avancées de la prédiction génomique – déjà effective sur le bétail et les plantes grâce au big data – permettra d’étendre le diagnostic préimplantatoire à un ensemble de critères (taille, couleur des yeux, des cheveux, performances diverses...) qui n’ont plus rien à voir avec des maladies. On prépare des générations d’humains qui, pour la première fois, ne seront plus le fruit du hasard, mais celui d’une sélection d’embryons optimisée en salle blanche. Bienvenue à Gattaca... On se rappellera que l’eugénisme, avant que le nazisme n’en ternisse l’image, était un projet partagé par presque tous les progressistes au début du xxe siècle

Ainsi, le « darwinisme social » dénoncé jadis par la gauche au nom de l’égalité, s’actualise grâce au « darwinisme technologique » qu’elle réclame au nom d’une fausse égalité. Comme établi par l’historien André Pichot (Cf. La société pure. De Darwin à Hitler. Flammarion, 2000), loin que l’eugénisme menace les technologies de ses « dérives » funestes, il en est au contraire le mobile et le moteur. C’est l’eugénisme, un racisme issu des laboratoires, qui suscite les recherches en génétique et « procréatique » afin d’accomplir ses projets de « race pure » et « supérieure ».

Ce crime contre l’humanité, que ses promoteurs travestissent en pseudo-égalitarisme et en émancipation, s’accomplit au moyen de son artificialisation et de la production d’enfants en laboratoire. Mais la rançon de l’émancipation du vivant et des contraintes naturelles, c’est la soumission aux contraintes techniques du monde-machine, et au pouvoir des machinistes.

L’eugénisme a été largement désapprouvé après la seconde guerre mondiale surtout parce qu’ assimilé à l’holocauste de certaines populations (Juifs, gitans). Sa renaissance actuelle a été stimulée par une connaissance croissante des gènes et de leur manipulation (OGM, ingénierie génétique) comme à des technologies apparues depuis quelques décennies (Assistance médicale à la procréation=AMP, culture et différenciation cellulaire). Elle se nourrit aussi de l’idéologie libérale et de la compétition exacerbée entre les personnes, les entreprises et les États.

On pourrait dire que c’est un eugénisme de marché et non étatique. Le Conseil d’Etat rappelait en 2009 que l’eugénisme « peut être le fruit d’une politique délibérément menée par un État. Il peut aussi être le résultat collectif d’une somme de décisions individuelles convergentes prises par les futurs parents, dans une société où primerait la recherche de l’« enfant parfait », ou du moins « indemne de nombreuses affections graves » ». C’est bien sous cette forme que se développe le nouvel eugénisme, libéral et bienveillant, mou et démocratique, dont témoignent les débats des institutions savantes ou politiques autour des lois de bioéthique. Car, quelle que soit la loi votée en 2020, les rapports des diverses institutions (comité national d’éthique, comité d’éthique de l’inserm, Académie des sciences, Académie des technologies, OPECST,…) convergent pour demander des mesures nouvelles orientées vers la « qualité » humaine.

L’expérimentation pour réaliser la transgenèse d’embryons dans les meilleures conditions n’a de sens que si on prévoit de fabriquer des bébés génétiquement modifiés. Or, cette question n’est jamais vraiment mentionnée. La « recherche », toujours mythifiée, permet d’avancer vers ce but sans l’avoir décidé officiellement.

Le cas de la « PMA pour toutes », qui a monopolisé l’attention des médias et donc de la société, est emblématique de la référence à « la science » pour faire accepter de nouvelles règles. De fait, la technologie offerte aux femmes seules ou lesbiennes au nom des récents progrès est l’insémination artificielle qui est ancienne et d’une grande simplicité. Elle fut inventée au 14e siècle pour les chevaux ! Susceptible d’être pratiquée de façon autonome, comme font les lesbiennes américaines depuis les années 1960, sa médicalisation a surtout l’avantage de déresponsabiliser les demandeuses en fournissant le sperme, qui plus est contrôlé par l’État. Or nul texte ne délimite les investigations autorisées pour contrôler la « normalité » des donneurs et leur « appariement » avec chaque receveuse, bien au delà des critères d’apparence physique que mentionnent les banques de sperme et, encore une fois, déjà propices à une politique eugéniste. Ce que poursuit la nouvelle loi c’est la médicalisation des existences au détriment de l’autonomie mais aussi l’affirmation que tout problème ou frustration humain peut et doit recevoir une réponse technique, une vision qui conduit droit au transhumanisme. Exiger de ne pas être malade ou handicapé, d’avoir des enfants tout en refusant le rapport sexuel, que ces enfants soient « de qualité », exiger de ne pas mourir…La science y travaille et la « bioéthique » s’efforce de faire accepter tous ces progrès.

Il est effectivement frappant, et inquiétant, de constater comment l’idéologie du progrès technique, comme celle de la croissance, est l’occasion de regrouper un bloc massif de croyants au Progrès, de droite et de gauche, contre une minorité marginalisée et moquée. Dans le cas de l’AMP cette minorité reçoit le renfort problématique de catholiques parfois intégristes. A côté des banalités qui signent la démission à agir ou même à penser (« mais ça se fait déjà dans d’autres pays » ou « on ne peut pas arrêter le progrès »…) les partisans de l’ingénierie du vivant ont la conviction que toutes les promesses sont réalisables et qu’il n’existe pas de limites aux désirs ou ambitions humaines. Malgré les avancées de la pensée écologiste, nombre de ses propagandistes n’acceptent pas les restrictions proposées par ceux qu’ils nomment « conservateurs ». Ce qui est grave, c’est qu’au moment où la destruction des cultures et modes de vie deviendra évidente, l’analyse critique de cet « effondrement » sera rendue impossible par ce que les éthiciens nomment avec gourmandise « l’évolution des mentalités ».

La médecine dite personnalisée recherche des corrélations entre certaines particularités des génomes et la survenue de diverses affections, mais elle demeure impuissante devant bien des angoisses provoquées par ses prédictions. Quelles solutions procréatives seront proposées aux innombrables personnes dépistées à risque ? Ne pas avoir d’enfant ? adopter ? changer de partenaire ? ou plus surement passer par la FIV avec DPI. Reste que les données recueillies alimenteront les Big data dont sont gourmandes l’industrie de la santé mais aussi la police, les assurances ou les multinationales de la consommation, bref le contrôle algorithmique des populations. C’est là que conduit une conception de l’humain comme machine améliorable en fétichisant des normes arbitraires et en refusant d’intégrer les individus différents. Les révisions des lois de bioéthique sont aux acquis humanistes ce que les « réformes » sont aux acquis sociaux : des entreprises de démolition déguisées en projets de société et refusant des principes dépassés. La révision n’est que l’occasion d’élargir le possible et la bioéthique devient l’outil nécessaire pour proposer sans cesse de nouvelles licences à une opinion publique préparée pour les accepter. Tout en travaillant à cette évolution des esprits, comme font les publicistes, les faiseurs de bioéthique, stimulés par des chercheurs et des industriels, ânonnent que d’autres pays sont déjà plus avancés et qu’on ne peut pas rester en arrière en négligeant la compétition et le progrès.

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Le Meilleur des Mondes est en gestation

Oui, la technique s’est emparée de la procréation, et cela va s’accentuer, car les structures biomédicales sont preneuses de clients, et beaucoup de personnes, qui pourraient s’en passer, sont demandeuses de ces techniques. Environ un tiers des personnes entrées en parcours de FIV auraient pu avoir des enfants sans y recourir.
Il s’agit de couples inféconds, mais pas stériles, placés dans le circuit bien huilé des FIV pour avoir un bébé plus rapidement. Attirés par l’interventionnisme médical, ils sont prêts à tout pour procréer, même si les parcours sont lourds, et ils sont demandeurs d’une multitude de techniques, proposées par les laboratoires mais dont l’utilité n’a jamais été démontrée : examen préalable du spermatozoïde injecté, éclosion assistée de l’œuf, culture prolongée des embryons… Car il y a une envie toujours plus grande de « modernité », de « progrès technique » dans la procréation. Plus question de passer par de simples stimulations hormonales ou une explication du fonctionnement du cycle comme le faisaient les gynécologues avant.

Outre la marchandisation, inévitable tant qu’il n’existe pas de régulation mondiale, la perspective la plus grave est la recherche de la « qualité » de l’enfant et sa sélection avant sa naissance via le diagnostic pré-implantatoire [DPI, qui permet de sélectionner, dans le cas d’une FIV, les embryons qui seront implantés dans l’utérus – ndlr]. Actuellement, le DPI est peu développé : il sert seulement à détecter les embryons ayant hérité de maladies rares dont les parents sont porteurs ; pour y avoir accès, les couples sont obligés de passer par le lourd processus de la FIV ; enfin, il y a peu d’embryons à tester, au maximum une dizaine. Mais nous serons bientôt débordés par une découverte, faite au Japon sur des souris, et vraisemblablement accessible à l’homme d’ici une dizaine d’années : la transformation de cellules de peau en ovules et en spermatozoïdes. Fini les contraintes de la FIV, et notamment le lourd prélèvement des ovules.

Il n’y a plus de véritable bioéthique car le législateur ne réfléchit plus en termes de morale mais de compétition entre pays. La bioéthique devient le simple instrument de légitimation des technologies les plus avancées. En outre, les comités d’éthique (CCNE, INSERM, Académie de médecine…) ont une audace nouvelle à aller toujours plus loin dans la technicisation. Je ne vois qu’un frein possible à cette course vers le transhumanisme : d’ici 2050, la crise environnementale devrait nous prendre à la gorge avec une telle violence que nous serons obligés de nous concentrer sur notre survie plutôt que notre amélioration… La catastrophe environnementale est certaine, la catastrophe anthropologique l’est donc moins.

Est-ce qu’on veut entièrement succomber à l’idéologie libérale ?

Ces questions sont complexes, et il serait long d’en faire le tour.
On voit que des positions irréconciliables existent. Elles ne pourront pas être résolues et ramenées au consensus.
Dans des démocraties réelles à taille humaine, donc libérées de l’Etat et du capitalisme, avec de multiples débats, éclairages, point de vue, engeulades, peut-être serait-il possible d’atténuer les divergences.
Mais à l’heure actuelle, c’est impossible, et ce sont donc les plus forts du moment, les plus nombreux, les plus riches, les plus influents, les plus habiles à l’emporter dans les joutes merdiatiques qui l’emportent.

Est-ce que tout ce qui compte c’est la liberté du choix individuel sans limites ni sens ?
On a vu ce que ça a donné sous le règne du système marchand et de la consommation, sous le régime de la Croissance et du productivisme.
Dans le système totalitaire capitaliste et étatiste, on croit être libre, mais en réalité on ne fait que répondre aux besoins des marchés, aux peurs orchestrées par la pub et les merdias, aux planifications des technocrates, on espère résoudre les problèmes largement créés par la civilisation industrielle en s’enfonçant dans ses griffes enrobées de velour.
On croit être libre, mais on devient esclave du complexe techno-industriel.
On croit être puissant.e, mais on est qu’un rouage interchangeable et totalement impuissant.e de la méga Machine.
On croit être autonome, mais on est totalement dépendant.e des produits industriels, de l’autoritarisme régulateur et centralisé de l’Etat et du pouvoir des techno-scientistes.

Le mantra du moderne et du progrès porté par la technique et l’économie de marché ne peut plus masquer catastrophes, désastres, pertes de sens, aliénations, esclavages 2.0, angoisses, solitudes, etc.

Projet de loi bioéthique : chosification de l’être humain et techno-médecine à outrance - De nouveaux marchés
Fécondation in vitro

Dans le domaine de la « bio-techno-médecine » comme dans les autres, la fuite en avant technologique, la mainmise des savant.e.s, des spécialistes et des techno-capitalistes sur nos corps et nos vies, ne résoudra par les problèmes sociaux et écologiques, mais ne fera que les amplifier et en créer d’autres.
Pour « améliorer » nos vies individuelles et sociales, pour les vivre pleinement en fait, tout en préservant les écosystèmes et les autres êtres, il existe d’autres voies que la fuite en avant dans l’eugénisme techno-capitaliste et ses avatars.
Et alors, la puissance, la liberté et l’autonomie auront un autre goût, bien plus sauvage et passionnant, que la javel des labos et la froideur des 0 et des 1.

Ce qui nous contraint et nous pourrit la vie, ce n’est pas tellement les contraintes biologiques inhérentes à l’espèce, mais plutôt les carcans totalitaires, les inégalités sociales, les tyrannies... dressés partout par la civilisation industrielle, ses Etats et son capitalisme.
Que ces méga Machines suicidaires et dévastatrices promettent de nous libérer avec de nouveaux instruments technologiques de leur cru devrait suffire à nous alerter sur leurs intentions, leurs outils et leurs conséquences.


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