Post vérité et poncifs à bobos

lundi 18 février 2019, par Etienne.

« Plus globalement, sans surprise, il existe une corrélation positive entre le fait d’avoir suivi des études supérieures et la confiance accordée envers la science et les statistiques. »

J’aime beaucoup cette dernière phrase concluant la présentation que fait Monique Dagnaud , sociologue, directrice de recherche au CNRS, de l’ouvrage de Maurizio Ferraris, « Post vérité et autres énigmes » (PUF), critique publiée par Medias citoyens du Diois.

Les poncifs, c’est rassurant. Il y a quelques mois, France inter organisait un débat entre « genses bien », c’est-à-dire diplômés, pas au chômage, avec des professions prestigieuses, telles que chercheur, sociologue, enseignant, journaliste et toutim. Avé l’assent pointu, ce brillant aréopage analysait la relation entre absence de diplômes et vote d’extrême droite.
Conclusion : quand on n’a pas trop de diplômes, on vote à l’extrême droite, parce que l’on manque des outils intellectuels pour comprendre que tel n’est pas notre véritable intérêt. L’antithèse implicite étant que si les esprits étaient éclairés, c’est-à-dire diplômés, ils voteraient responsable et respectable, c’est-à-dire pas aux extrêmes (par définition populistes).

Il n’advenait pas à l’esprit de ces brillants intellectuels qu’objectivement il peut-être péférable pour un pauvre, un ouvrier, une assistante maternelle, un chômeur, un smicard, etc, de voter à l’extrême droite, et qu’à l’inverse il est objectivement préférable, quand on est diplômé de voter Macron ou socialiste.

Soyons clair : le RN/FN n’est pas un parti populaire. Il est un parti conservateur qui souhaiterait figer pour toujours chacune des classes sociales dans son rôle naturel (telle est l’idéal, par exemple, du mouvement Corpus Christi : chacun à sa place naturelle, les serviettes à la serviette, les torchons avec les torchons, et le monde sera bon). Reste que le FN/RN a su nourrir, un peu comme le FIS en Algérie ou les frères musulmans en Egypte, avec les classes populaires une relation de meilleure qualité que tous les autres partis, fussent-ils de gauche.

Café du commerce à Saint Germain des Prés !

Quoi qu’il en soit, le Café du commerce existe aussi à Saint Germain des Prés, et je ne supporte pas la bêtise, fût-elle cultivée.

Quant à la science, elle a bon dos et ressemble, dans ses biais, à l’argument du vote d’ignorance pour le FR/RN. Les scientifiques, rarement pourvus de l’appareil logico-philosophique nécessaire à l’évaluation de la validité des sciences, ignorent le plus souvent qu’il existe une critique des fondements de la science, et notamment de leur langage d’élection, les mathématiques. Ainsi, l’axiomatique étudie en quoi et avec quelles conséquences les axiomes fondateurs de la mathématique, centrale dans le langage des sciences, sont des a-priori infalsifiables (au sens de Popper) et non pas des vérités absolues.

On peut affirmer que deux et deux font quatre, mais à justesse seulement si l’on comprend en quoi les nombres sont déjà des catégories synthétiques (à l’instar des classes d’équivalence des morphismes mathématiques), tout comme d’ailleurs le concept (merci Kant) ; comment les opérations arithmétiques ou symboliques peuvent et doivent s’assimiler à des gestes psychiques, analogues au fond aux catégories de la grammaire fondamentale [1] telles que le verbe ou le nom, ou encore l’acte et la puissance dans la philosophie d’Aristote, ou bien la « catégorie d’action » dans l’analyse dimensionnelle (chez Feynmann par exemple).

La cave obscure de l’entendement

A ces niveaux, nous sommes dans la cave obscure de l’entendement humain, trop obscure pour que la logique discursive puisse en rien dire. Mais tout comme avant Freud, l’inconscient n’existait pas, pour nombre de scientifiques, la science ne comporte pas d’arrière monde inconscient. Là est le scientisme.

Niveaux infra-rationnels nécessairement infra-scientifiques, dans le sens où leur description fait appel aux catégories sémantiques (nom, verbe, opération…), elles-mêmes épiphénomène de ces catégories psychiques infra-scientifiques ; en un cercle vicieux impossible à détriquer. C’est un peu comme tenter de se regarder les yeux dans les yeux (sans miroir) ou de tenter d’entendre le bruit d’une main unique qui applaudit.
Dès lors, les pseudo-scientifiques ignorant la relativité fondamentale de tout discours, scientifique ou autres, ne peuvent se déclarer scientifiques. Leur ignorance ou leur déni font d’eux des scientistes, c’est-à-dire qu’ils font d’abord un usage dogmatique de la science.

Or si la science est un dogme, elle n’est plus science. Quelle est la scientificité des pesticides ? Quelle est la scientificité du nucléaire ? On voit qu’on peut toujours trouver une rationalité derrière ces entreprises : besoin d’énergie pour le nucléaire, de rendements pour les biotoxiques, etc…Mais il s’agit toujours de rationalité relative : besoin d’énergie pour consommer massivement, besoin de biotoxiques car les sols s’épuisent. Ici et là, les rationalités sont relatives, jamais absolue, pas plus qu’il n’est possible de trouver une raison première au monde (le premier moteur d’Aristote) ou de prouver un axiome.

Il faut donc réécrire, avec plus de justesse, la phrase inaugurale de cet article :

« Plus globalement, sans surprise, il existe une corrélation d’intérêts positive entre le fait d’avoir suivi des études supérieures et la confiance accordée envers la science et les statistiques, d’autant plus que ces dernières constituent un outil pratique et symbolique de domination de classe ».

Mais je vois au fond de la salle piquer du nez les scientifiques, débordés par trop d’abstraction et une complexité trop subtile pour leurs grossiers outils pseudo-rationnels.

Notes

[1domaine scientifique ayant peu à voir avec la grammaire triviale qu’on enseigne aux écoles,


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