Oui, tout le monde déteste la police

Petit argumentaire, pour expliquer pourquoi nous haïssons le bleu.

mercredi 13 mars 2019, par janek.

ACAB

Afin de comprendre cet acronyme et en prendre conscience, il faut changer son point de vision et ne pas voir la police en tant qu’individu mais en tant que système, en tant qu’institution, (c’est pour cela que nous parlerons de « la police » et non pas de « policiers ») et cette institution n’est que le pathétique reflet de son gouvernement et de son système de domination capitaliste, c’est-à-dire coloniale et raciste, patriarcale et sexiste, violente et protégée par une justice bien loin d’être indépendante.
POUVOIR POLICE JUSTICE sont les trois têtes hideuses du cerbère.
Le contraire n’est qu’un récit fictif créé par l’État pour légitimer le fonctionnement et la violence de cette institution. Et par analogie, les violences policières sont des violences d’État.

La police a été créée par et pour la bourgeoisie et les dominants dont elle protège les intérêts et la sécurité afin de maintenir un apartheid social, ethnique et de classe par la coercition.
La police n’a jamais été la police du peuple, elle n’a pas été créée pour cela.
La police a toujours été l’instrument de la politique des pouvoirs en place : chasse de libraires et écrivains séditieux, arrestation et/ou déportation des prostituées, des mendiants et des miséreux, vers les colonies au 17e, répression contre le peuple et les ouvriers (insurrection de Lyon 1867, la Commune en 1871…), chasse aux déserteurs et objecteurs durant la 1re guerre mondiale, la police fasciste et collabo durant le régime de Pétain, maintien de l’élite coloniale en Algérie, la police de Papon qui organise des ratonnades et fait justice elle-même dans les années 60 (1961 affaire de la Goutte d’Or et massacre du 17 octobre 1961 lors de la manif pacifiste du FLN, 1962 affaire du Métro Charonne…)

Aujourd’hui elle est le maton qui maintient « l’ordre » dans les quartiers populaires, la milice qui dégueule 11 000 grenades en 10 jours dans la ZAD de Notre Dame des Landes et plus de 13.500 lors de la manifestation des Gilets Jaunes du 01/12/2018 à Paris, qui blesse, mutile et tue : 2000 blessé·es côté manifestant·es dont 20 éborgné·es, 5 mains arrachées, 80 blessé·es graves, 1 mort…
La police a depuis quelques années le sinistre devoir de réprimer avec une violence sans précédent et totalement démesurée, tout soulèvement social : manifestations CPE, Nuit Debout, Loi Travail, ParcourSup...

La police est un appareil au service d’un système pyramidal de dominations dont la fonction est de contrôler, réprimer et écraser les classes populaires et c’est en cela que la police ne fait pas et ne fera jamais partie de la classe ouvrière ou populaire. C’est l’œil et le bras armé et assumé, à la solde de l’État.

Elle maintient le système libéral aujourd’hui à bout de souffle car à grands coups de délocalisation, de précarisation du travail, de pertes des acquis sociaux et de surexploitation des ressources naturelles, le capitalisme n’a plus rien de bon à proposer, si ce n’est la montée du populisme et du fascisme et ne vous faites pas d’illusion, les dominants useront de tous les moyens pour rester en place.
La colère et la haine contre la police sont le fruit d’une construction qui se nourrit à force de contrôles au faciès, de GAV abusives, de palpations sans fondement, d’humiliations quotidiennes, d’usage illégitime de la violence. Et on reparlera de violences anti-flics lorsque les opprimés et la police se retrouveront face à face avec les mêmes armes, les mêmes protections que ces chiens de garde.

La Police est coloniale et raciste

Les méthodes datant de la colonisation en Algérie (Brigade de surveillance des Nord-Africains), se sont transmises à la police actuelle qui est d’ailleurs priée par l’État de gérer les quartiers populaires par des politiques de répression néocoloniales : contrôles au faciès, fouilles, couvre-feu, interdiction de se rassembler dans les halls d’immeubles…
Les contrôles d’identité discriminatoires quasi quotidiens dans les quartiers populaires, tiennent plus du harcèlement, de l’humiliation et de la domination que du contrôle : 80% des noirs et des arabes se sont fait contrôler contre 14% du reste de la population, afin de désigner et stigmatiser l’ennemi intérieur. 90% des personnes assassinées par la police sont issues de l’immigration.
Selon une étude CEVIPOF, plus de 50% des policiers votent FN, même s’ils ne sont pas forcément la source du racisme, ils en deviennent les acteurs.
Depuis 2000, la rhétorique de l’invasion, de l’ennemi désigné, de la culture du résultat et l’ethnicisation de problèmes sociaux font partie intégrante du mode de pensée de la police, pour preuve il existe dans le logiciel de la police une case « indésirable » pour désigner les personnes contrôlées ou arrêtées (Affaire de la plainte collective des jeunes du quartier Rozanoff dans le 12°).
La police et ses techniques s’exportent aussi ! Ingérence et néo colonialisme …. Des formateurs sont envoyés en Bosnie Herzégovine, Kosovo, République Démocratique du Congo, les Territoires Palestiniens, Afghanistan, Irak, Haïti et Côte d’Ivoire.

La police est patriarcale et sexiste

Avez-vous déjà discuté avec une femme, une personne trans ou bien gay, qui s’est rendue au comico pour porter plainte pour violences ou viol ? La parole des victimes est constamment mise en doute, on essaie de les dissuader de porter plainte, on les fait culpabiliser et cela est la preuve du sexisme et de la culture du viol qui règne au sein de la police. Et les femmes policières ne sont pas exemptes quand il s’agit d’exercer une oppression sexiste.
L’institution de la police est fondée sur une base de violence viriliste.
Sans rappeler les diverses mises en examen de policiers pour viols (le cas Théo, pléthore de dossiers de prostituées violées, rackettées, et dernièrement le viol d’une touriste canadienne au 36 Quai des Orfèvres) ou de violences et de meurtres conjugaux. Et ces femmes de flics portent encore moins souvent plaintes que les autres femmes par peur de ne pas être crues, de se voir refuser la plainte ou tout simplement être mises sous pression par la corporation.
Le taux des violences conjugales dans la police est 3 fois plus élevé que celui de la population générale.
Depuis l’instauration de l’État d’urgence, les policiers peuvent garder leur arme en dehors de leur service : une facilité de plus pour tuer…
Mais lorsqu’ils blessent, agressent ou violent, ces policiers ne sont pas seulement des hommes mais également des représentants de l’ordre, ce qui leur donne un double pouvoir sur leurs victimes.

La Police est capitaliste

Avec la politique du chiffre qui consiste à optimiser le rendement et la productivité de la police, il n’y a plus de temps ni de motivation pour les enquêtes au long court, il faut faire du flagrant délit et pour ça les agents ont recours à la facilité : des Infractions à la Législation sur les Stupéfiants donc des mecs qui fument des joints plutôt que les têtes de réseaux et des Infractions à la Législation sur les Étrangers en traquant les sans-papiers et non pas les réseaux de passeurs. La police fait des arrestations au faciès sur les classes populaires de couleur.
De plus, les brigades comme la BAC collaborent étroitement avec les fabricants pour élaborer ou améliorer les modèles d’armes de maintien de l’ordre comme les flash-balls et les lanceurs de balles défensives ou lacrymo (LBD40, Kann44, GLI F4).

La police est violente et protégée

La justice est au service de la police et celle-ci est le socle du fonctionnement de la justice…
Il ne manque pas d’exemples de plaintes contre des policiers pour violences ou homicides requalifiées en homicide involontaires, légitime défense ou violences sans intentions de donner la mort, et finissent pour 1/3 par des non-lieu, voire du sursis et dans seulement 3% des cas par des peines de prison ferme…
Les lois votées sous Hollande ont étendu la notion de la légitime défense et ont alourdi les peines pour outrage et rébellion, et ceci ne peut que faire augmenter le nombre des « bavures » policières.
En 10 ans, sur 94 morts au moins 47 hommes désarmés sont décédés après avoir subis des violences des forces de l’ordre. Seules trois affaires ont abouti à la condamnation d’un fonctionnaire.
Le fait que la police soit protégée en son sein (esprit de corps) et par la justice, a pour effet pervers d’induire un sentiment de toute puissance, entraîne des abus d’autorité et les recours décomplexés à la violence.
Et le peu de flics qui ose se transformer en lanceurs d’alerte se met alors en marge et en danger vis-à-vis de ses équipiers, qui n’hésitent pas à le lui faire salement payer (menaces, dégradations, harcèlement, non-assistance en cas de danger en intervention, rétrogradation ou blocage de l’évolution professionnelle…)

Il est impossible de se débarrasser de la violence policière sans se débarrasser du capitalisme et des dominations qu’il génère.
Dans une société sans rapport de domination, nous pourrions inventer autre chose que la police que nous connaissons actuellement, comme des moyens de défense et d’auto-défense populaire et collective, et une justice réparatrice plutôt qu’une réponse carcérale.

Luna Negra


Forum de l’article

  • Oui, tout le monde déteste la police Le 14 mars 2019 à 21:01, par Etienne

    Je ne saurais moins être d’accord. Que fait la police ? On pourrait penser qu’au paléolithique, dont les sociétés souches nous donnent une image partielle, il n’existait pas de police. C’est en réalité faux, dans le sens où chacun était le policier de l’autre : dans des sociétés où, par exemple, on vivait tous dans une même longue case, une notion comme l’intimité existait à peine. On était constamment sous le regard de l’autre, et des opinions, paroles, pensers décourant de l’ordinaire pouvait être considérés comme déviants et dangereux. L’anthropologie nous renseigne sur cette dimension.
    J’ai vu en Afrique se faire la police et se rendre la justice en direct : c’était en l’occurrence au bord du Niger, loin de toute ville : un batelier frappait de sa rame un jeune homme accusé d’avoir tenté d’abuser d’une jeune fille. Mais était-il vraiment coupable ? Qui le saura ? Et si un coup de rame l’avait tué, la peine aurait-elle été proportionnée ? Mais la justice se rendait en direct aussi dans le Mississipi, où pour une peccadille, la foule blanche pendait des noirs. Ce type de justice peut-être illustré par un exemple tiré de « Les yeux de ma chèvre ». Une vieille femme est accusée de sorcellerie, non pas parce que qu’elle est coupable : mais la justice, le rétablissement du cours des choses, demande un coupable, quel que fût-il. Elle est vieille, faible, sans parent : le bouc émissaire idéal. On voit au travers de ces quelques exemples que d’une part, une forme de police a toujours existé, que d’autre part même la police et la justice directes peuvent ne pas être « justes ».
    Après ce détour par les sociétés souches ou anciennes, revenons aux groupes complexes et populeux dans lesquels nous vivons. Il faut à ce point explorer les relations de haine et proximité qui relient anarchie, libertarisme, libéralisme. Leur modèle ne serait-il pas l’homme nietzschéen, homme supérieurement libre, sans attache et sans joug ? Le type d’une telle conception est l’entrepreneur mafieux : qu’il vende de la drogue, trafique des enfants, des femmes, des cigarettes ou des voitures, c’est toujours le même homme. Le théoricien hyperlibéral Hayek les défend sur le même pied, celle de la liberté de la personne. On voit dans Gommora la jeune femme d’un capo mafiosi sincèrement outrée qu’on s’attaque aux intérêts mafieux de son époux : son raisonnement est simple, simpliste même : si les autres femmes (des autres chefs) ont droit à plein de luxe, la fortune, pourquoi pas mon mari et moi ?
    L’absence de police, fût-elle celle directe des sociétés souches, revient à mettre la brutalité, la force, l’absence d’empathie au centre du jeu social : les Iks, par exemple, sont une société dont tous les cadres ont été détruits : on y voit un vieillard pousser dans le feu un enfant pour s’accaparer la nourriture qu’il a dans la bouche.
    Il faut mal connaître ce qu’est la pègre, ce versant sombre et hypernarcissique de l’humanité. Il faut souhaiter une rencontre personnelle avec la vraie pègre pour comprendre, rencontre yeux à yeux avec celui qui sans remords, sans une once d’empathie, vendra ta fille sur un trottoir du Caire après l’avoir enjôlée. Celui qui fait travailler des milliers d’ouvriers auquel il laisse à peine de quoi manger, sans états d’âme, pour s’acheter des tableaux de maîtres en se déclarant mécène. Il faut ne pas connaître l’existence et les actes réels de ces gens pour imaginer une société sans police.
    De tels hommes sont rares, dangereux, asociaux : ils mènent pourtant le monde. Ce dont il faut nécessairement changer. Mais la plus grande partie de l’humanité n’aspire qu’à une chose ; la tranquillité, la paix. Et pour cela, elle a inventé la médiation d’une entité nommée « police ». Elle permet d’interposer entre la victime et le commettant un tiers, la police, non engagée dans le conflit. Pas d’implication directe du policier dans le différend, tandis que le défendant évite aussi le conflit direct avec son opposant.
    Il faut accepter une chose : la loi de la personne ne recoupe pas nécessairement celle du groupe. Le bien-être de la personne – que chaque égo souhaite maximiser – ne se confond pas avec le bien-être du groupe, sans lequel pourtant la personne ne peut pas vivre. Nous ne pouvons pas ne pas vivre sans ce tragique, cet irréconciliable dilemme.
    Refuser toute police, comme refuser toute règle, c’est se ranger du côté Hayek-maffieu, principe asocial par essence. Il n’existe pas de société sans police ou règle. Le problème réside bien plus dans l’absence de démocratie, qui fait de la police, l’instrument de la domination avant tout des oligarchies qui se sont accaparé le pouvoir. Il ne faut pas se tromper de combat : non pas refuser toute institution de médiation et de résolution de la violence, mais faire en sorte que cette instance de médiation de d’apaisement contribue réellement au bien être général. Nous n’avons pas pour cela les institutions adéquates. Une forme de police sera toujours nécessaire : mais il fait construire une police dont les actions et le contrôle relèvent du peuple, et non pas des oligarchies temporairement au pouvoir, même si ce temporaire dure depuis 6000 ans. Pour moi la structure de telles institutions, réellement démocratiques, doivent s’appuyer sur le tirage au sort. Dire non à toute police, sans nuance, c’est dire oui au violent, à l’homme sans empathie, sans pitié, qui mettra tes enfants sur le trottoir sans états d’âme, c’est dire oui au monde libertarien dont rêve Trump avec ses acolytes, rejoints après de trop sommaires analyses par les meilleures volontés anarchistes.

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