Ne dis jamais Plus jamais ça !

Texte de Reactiva traduit du castillan par Le blog de l’antitourisme

mercredi 8 janvier 2025, par anti-tourisme.

Le 15 décembre 2024, deux pétroliers russes se sont échoués durant une tempête dans le détroit de Kertch entre la Russie et la Crimée, la péninsule ukrainienne annexée par Moscou. Ces deux naufrages ont non seulement causé la mort d’un marin mais également une marée noire s’étalant jusqu’à Sébastopol ; le Kremlin annonçant lui-même une « catastrophe écologique » due aux quelque 4000 tonnes de mazout qui se seraient déversées en mer…
Le texte qui suit a été publié, il y a un an, durant les contestations de janvier 2024 en Galice face au manque de réactivité des autorités à prendre en charge la pollution causée par la marée blanche de microbilles de plastique provenant d’un des six conteneurs perdus le 8 novembre 2023 par le navire Toconao au large de la Galice. 26 tonnes de petites billes destinées à la fabrication d’objets en plastique se seraient alors déversées dans l’océan. ¡Nunca Màis ! (Plus jamais ça !) était le slogan fanion apparu en Galice au moment de la marée noire suite au naufrage du pétrolier le Prestige, le 13 novembre 2002.
Les pollutions du littoral ont des répercussions sur le tourisme et le tourisme, des conséquences sur les pollutions du littoral. On rappellera ici que, selon WWF et le directeur général de la Fondation de la Mer, près de 230 000 tonnes de déchets sont déversées chaque année en méditerranée et que 95 % de ces déchets sont des plastiques dont la moitié serait directement liée au tourisme…

Le blog de l’antitourisme

« Ils ne se révolteront que lorsqu’ils seront devenus conscients et ils ne pourront devenir conscients qu’après s’être révoltés. »
(George Orwell, 1984)

Une fois de plus les déchets du capitalisme se répandent sur les plages, enfin, une petite partie seulement, puisque la plupart d’entre eux finiront au fond des océans ; et cela ne semble perturber personne. Il ne s’agit pas ici d’une marée noire dégoûtante, grasse et cancérigène, mais plutôt de microplastiques, des millions et des millions de petites billes de plastique délétères contenant quelque 15 substances toxiques, dont la plus importante est un certain Tinuvin 622, partiellement soluble dans l’eau et toxique pour les organismes aquatiques, auxquelles s’associeront divers autres déchets. Mais là où on les retrouve, il s’agit, sans aucun doute, de déchets très modernes et indéniablement beaucoup plus sympathiques et réconfortants qu’une nappe de goudron poisseuse. Ces microbilles sont disséminées sur toute la côte nord de la péninsule ibérique. Elles envahissent les plages et c’est pourquoi nous n’avons pu les ignorer, car, nous n’en doutons pas, s’il s’était agi de conteneurs remplis de batteries de voiture à l’abri des regards, personne n’en aurait entendu parler. Que la fête du progrès capitaliste se poursuive !

Les politiciens de tous bords se rejettent la faute, comme si un parti pouvait s’intéresser aux plages recouvertes d’ordures. Et tous les médias de masse débattent de manière hypocrite et pathétique des défaillances des transports, de la nécessité d’établir davantage de contrôles et de lois permettant un transport de marchandises sans surprise et plus respectueux de l’environnement. Et même si les journalistes, les politicards ou politicardes et les écologistes considèrent ce fait comme une catastrophe évitable, en vérité il n’en est rien. C’est un dommage collatéral de la production et du trafic de marchandises sous le capitalisme, à l’instar des accidents du travail, de l’empoisonnement de la terre, de l’atmosphère, de la mer ou de nos propres corps, tous entièrement liés au développement du capital. La destruction de la flore et de la faune, la guerre, l’exploitation et la mort d’une partie de la population, émanent de ce système marchand. Le désastre ne peut être évité que si l’on met un terme définitif à ce dernier, mais sa reconduction reste le dénominateur commun de tous les politiciens et politiciennes de l’éventail politique parlementaire.

Dans sa soif d’augmenter ses bénéfices, le système diminuera ses dépenses en réduisant les salaires, les effectifs, les investissements dans la prévention des risques professionnels, etc. Et les désastres persisteront, car ils ne résultent pas d’une démarche malintentionnée ou d’un manque de régulation sociale-démocrate, mais parce que les règles de l’économie sont ainsi faites. Une économie qui privilégie le profit à la vie. Si les gouvernements nous vendent aujourd’hui leurs engagements à mettre fin au changement climatique et à encourager les énergies vertes, ce n’est que pour bourrer le marché de nouveaux produits, dont les coûts écologiques de production ne sont jamais discutés, et encore moins leur finalité – qui n’est pas d’améliorer les conditions de vie des personnes ni de l’environnement, mais de remplir certaines poches, comme toujours. On ne se pose jamais les bonnes questions. Pourquoi avons-nous besoin de plastique ? Pourquoi vivons-nous comme si les ressources étaient illimitées sans contester le modèle de production ? Pourquoi fabriquons-nous des marchandises qui nous asservissent plutôt que de produire uniquement pour satisfaire des besoins réels ? La question de fond n’étant jamais abordée, le système demeure inchangé dans son essence.

Pour ce système démentiel, la mer a toujours servi de grand déversoir. On se débarrasse de tous les déchets industriels et ceux issus d’une consommation féroce dans cette grande inconnue. Ce qui ne se voit pas est permis. Les plages du nord de l’Espagne ont toujours regorgé de plastiques, de résidus de l’élevage ou de l’industrie, d’innombrables rejets liquides chargés de substances toxiques et de matières fécales ; faisant de temps en temps profiter les baigneurs et baigneuses de parasites ou bactéries intestinales. Mais en été, il y a un service de nettoyage (inexistant le reste de l’année) effectuant un toilettage des lieux, afin que les touristes s’amusent et consomment heureux.

Chaque année, des milliers de conteneurs se perdent dans le Grand Bleu. Mais cette fois-ci, l’événement a fait la une, du fait de l’hypocrisie des médias, mais surtout parce que cette marée de granulés a atteint les côtes, des côtes de plus en plus dégradées par l’exploitation de leurs ressources, et par un tourisme de masse toujours plus destructeur. Combiné à une spéculation immobilière brutale en pleine expansion – en raison d’une stratégie destinée à vendre le nord de la péninsule ibérique comme destination parfaitement adaptée au changement climatique – le tourisme complique la survie de la population locale.

Le 13 décembre dernier, un habitant de Corrubedo qui tient un bar dans le secteur a été averti par un client de l’arrivée de quelques sacs sur la côte. Il se précipita vers la plage et constata à sa grande surprise que ces sacs blancs ne contenaient pas de cocaïne, mais des petites billes blanches qui dégageaient une forte odeur d’essence. C’est pourquoi il sollicita la garde civile, le conseil municipal et les services de sauvetage maritime. Tout le monde traînait des pieds. En attendant l’aide demandée, notre homme se mit à les ramasser pour empêcher qu’elles ne retournent à la mer. Mais le rivage était déjà recouvert de petites billes et de sacs non éventrés. La nuit tombée, il avait retiré 40 sacs et le lendemain 18, sans qu’aucune aide ne soit arrivée.

Ne dis jamais Plus jamais ça !

Maintenant, un mois plus tard et tous les sacs éventrés, ils nous demandent de nettoyer leur merde, de manière volontaire, bien évidemment. Dans le cas de la Xunta de Galicia[1], le transfert de fonds sera apparemment effectué au profit d’une entreprise qui a un long passé de transactions avec le PP[2] dans la région. Il s’agit de Silman 97 SL, une entreprise de marketing et de communication qui n’a aucune idée des catastrophes environnementales, mais qui s’emparera de cet argent facile pour une supposée formation (basée sur un triptyque d’information) des volontaires sur les plages.

Cette entreprise fait son beurre sur les désastres, et pour que nous, citoyens responsables, fassions des pieds et des mains pour nettoyer, bille après bille, la face du capital à coups de solidarité, laissant le terrain propre en attendant le prochain rejet.

On nous annonce que la compagnie sera difficile à inculper, car il s’agit d’un navire battant pavillon libérien, dirigé par une compagnie maritime des Bermudes basée à Chypre, la marchandise provenant d’une compagnie polonaise dont le fabricant se trouve en Inde... Comme toujours, cela ne coûte rien au Capital de détruire la terre, cela peut même être rentable.

Il en va tout autrement lorsqu’un inconscient se permet de remettre en question l’ordre établi ou l’exclusivité de l’usage de la violence par l’État et ose perturber ce système d’exploitation et de misère. Si l’État s’en empare, cet inconscient se verra torturé et condamné. Notre solidarité va envers les milliers de compagnons et compagnonnes qui souffrent dans les prisons du monde, et avec celles et ceux qui luttent pour la vie et contre le Capital.

Nous ne nous intéressons pas à ce que les pathétiques gens de gauche essaient de nous vendre : un autre capitalisme plus humain et moins excessifs. Nous ne souhaitons pas d’un monde de merde, rempli de plantations d’eucalyptus et de moulins à vent partout, où nous serons exploités sans relâche, sans discrimination de genre ni de race. Nous voulons un monde sans exploitation, un monde qui vaut la peine d’être habité, un monde avec des chênes et des loups, non pas à la marge de ce système, mais plutôt sur ses ruines.

Ou tout, ou rien ! Il est inutile de proposer des alternatives à la folie capitaliste, il faut lutter contre toute la profondeur et l’étendue de cette machinerie complexe, lutter irréductiblement contre toutes les expressions de ce monde d’aliénation, détruire systématiquement toutes les illusions citoyennistes et démocratiques et toutes les visions biaisées.

Nous luttons pour la vie et contre le Capital !

Reactiva, Espagne, janvier 2024

*********

[1] Gouvernement régional de la communauté autonome de Galice. (NDT)

[2]Le président du Gouvernement régional de la communauté autonome de Galice est également président du Partido Popular (PP) de Galice. (NDT)

Voir en ligne : Ne dis jamais Plus jamais ça !

P.-S.

vous pouvez retrouver le texte original ici :
https://panfletossubversivos.blogsp...

Le blog de l’antitourisme a également traduit le texte « Défense des territoires - Attaques contre le capital » de Reactiva, traduction que vous trouverez en suivant le lien :
https://antitourisme38.over-blog.co...


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