La salle était pleine jeudi 29 février pour la réunion publique d’information sur le projet contesté de pylone à antennes mobiles à Mirabel et Blacons.
Près de 150 personnes étaient présentes, il manquait des chaises !
C’était une réunion d’information standard obligatoire dans le processus de planification étatique lancé en 2018 appelé « New Deal Mobile » (quel nom !) qui oblige les opérateurs téléphoniques à installer des antennes relais dans les zones « moins dotées » pour réaliser une sorte de « service public ».
Pas moins de 6 élus étaient présents à la tribune, dont le maire Jean-Philippe Roche. Avec eux un communiquant de SFR et une représentante de l’entreprise Circet chargée de réaliser les travaux d’infrastructure de ce projet de pylone pour téléphonie haut débit.
Voici un résumé subjectif de la réunion, avec quelques infos et remarques :
Les habitant.e.s présent.e.s, très majoritairement opposé.e.s au pylone, étaient surpris.e.s et mécontent.e.s de constater la présence de SFR et Circet, ils-elles pensaient dialoguer uniquement avec la mairie.
Le collectif d’opposition au pylone a distribué à l’entrée un document avec des questions et demandes.
Les élus ont essayé de s’excuser sur le fait qu’ils aient « oubliés » d’informer à l’avance la population et d’organiser débats et concertations sur ce projet de pylone. Le processus avait commencé pourtant en juin 2023...
Les personnes présentes leur reprochent beaucoup ça et sont très déçues, d’autant que la mairie s’était faite élire sur un projet participatif et écologique.
- Mirabel et Blacons : la mairie très contestée durant la réunion publique du 29 février sur le projet de pylone
- La tribune des élus et le diaporama de SFR
Les élus présents ont rappelé que c’était l’Etat seul qui avait « choisi » leur commune pour un pylone à antennes relais, et qu’une mairie n’avait pas de recours légaux pour s’y opposer, hormi les questions de PLU une fois le projet lancé.
N’empêche que la mairie a « facilité » le projet en fournissant un terrain communal à SFR (sinon SFR aurait du trouver un volontaire privé). Ce qui n’a pas plus aux opposants au projet.
En gros, si la mairie maîtrise le terrain, on peut choisir la couleur du pylone et les variétés d’arbustes de la haie autour, youpi !
Après avoir privatisé les réseaux de télécommunications, l’Etat impose aux opérateurs privés via son « New Deal Mobile » une sorte de « service public », en les obligeant à couvrir les zones moins peuplées peu ou pas rentables d’un point de vue capitaliste.
Le communiquant de SFR a d’ailleurs rappelé plusieurs fois qu’installer ce pylone n’était pas rentable pour son entreprise (une amende est prévue si l’opérateur n’exécute pas le boulot demandé par l’Etat).
Avec un diaporama, il a expliqué quelques éléments sur les catégories d’antennes, la saturation du réseau local, la nécessité d’ajouter des antennes, les besoins pour les services de sécurité. Pour justifier le projet, il a même évoqué les jeunes qui ne peuvent pas se payer l’abonnement Box et qui se rabattent sur un forfait mobile moins cher pour l’accès internet !
Mieux qu’un fonctionnaire, il a tenté par tous les moyens de jutifier les bienfaits de l’ajout d’un pylone à antennes mobiles à Mirabel et Blacons.
Non sans susciter des rires, réactions, remarques de la part des personnes présentes.
- Mirabel et Blacons : la mairie très contestée durant la réunion publique du 29 février sur le projet de pylone
- SFR vend le haut débit mobile par tous les moyens
Plusieurs personnes ont évoqué d’autres options imaginables, comme :
- Renoncer aux utilisations haut débit des mobiles (notamment internet, et surtout la vidéo, les jeux vidéo...)
- Refuser la 5G et ses nouveaux usages et objets gourmands en énergies et matières premières (alors qu’on a besoin de forte sobriété pour préserver le climat et les écoystèmes)
- Fournir des accès Box internet à prix réduit aux plus pauvres (Orange a seulement une offre Box à 16€)
- Renoncer aux réseaux mobiles et revenir au fixe
- Prioriser la fibre dans les zones blanches mobile
- Installer une antenne, plus petite, au plus près de la « zone blanche » (au nord de la commune)
Au delà des questions de zones blanches, le New Deal Mobile vise à installer le haut débit mobile pour internet le long des grands axes routiers et des lignes de chemin de fer. Il s’agit d’une politique volontariste, d’une planification, d’un choix technologique imposé d’en haut comme d’habitude.
Une fois que des besoins sont fabriqués, que les lignes fixes disparaissent, alors le mobile devient « indispensable », on est prisonnier des choix technologiques de l’Etat et du capitalisme.
Le New Deal Mobile sert aussi à faciliter le télétravail (voir notes plus bas), les start up en « province », le confort des riches dans leurs résidences secondaires. En réalité, la question des pauvres qui ne peuvent pas se payer un abonnement box et des zones blanches est utilisée opportunément pour vendre le déploiement en grand du haut débit qui est surtout utile au développement capitaliste, au tout numérique et aux rationalités cybernétiques (IA et tout ce qui va avec : big data, robots télécommandés à distance, capteurs connectés, objets connectés, régulations automatisés, forte accroissement de la surveillance et du traçage, etc.), au bonheur des entreprises, des cadres et des bourgeois.
Le New Deal Mobile, c’est l’habituel développement techno-capitaliste facilité/guidé par l’Etat.
L’Etat est beaucoup plus empressé de faire du « service public » pour l’accès internet haut débit fibre et mobile que pour les services publics type hôpitaux, médecins, éducation, services sociaux, bureaux d’impôts, etc., qui eux sont détruits ou réduits.
D’ailleurs, le déploiement planifié du tout numérique complété par le New Deal Mobile sert à faciliter la suppression des services publics « physiques » et leur remplacement par des services numériques à distance. L’Etat pourra dire : « grâce au haut débit partout vous pourrez accéder facilement aux sites web administratifs, faire des téléconsultations médicales par visio avec IA et médecins roumains ou cubains ».
Et puis ça permettra en cas de « besoin », on l’a vu durant le Covid, de river les gens chez eux dans les métavers et autres mondes virtuels. En attendant les « voyages » touristiques virtuels à la maison pour « épargner la planète et les taux de CO2 ».
Tout ça sont des choix de société forts, très impactants, qui ont été faits sans nous. Macron s’est d’ailleurs bien gardé de suivre les avis de la « convention citoyenne » appelant à une vraie prudence concernant la 5G.
En l’absence avérée de démocratie réelle (voir plus bas), les décisions sont prises d’en haut par les oligarques et technocrates liés au capitalisme, et les communes et leurs habitants n’ont rien à dire, juste à participer à des réunions publiques bidons pour les « informer » de ce qui leur tombe dessus et pour lesquelles elles n’ont généralement aucun recours légaux.
Et bien sûr, quand des contestations usent de moyens non-légaux, les autorités, aidées par les médias dominants, répriment, traitent de factieux, de terroristes et d’anti-démocrates.
La position des élus de Mirabel et Blacons évolue ?
Les élus présents ont indiqué que sur un plan personel ils sont plutôt opposés à ce pylone, et même à l’inflation du haut débit mobile (5G/4G).
Face à la contestation (inattendue ?), ils commencent à revoir leur position et semblaient bien embarrassés.
Il semble qu’ils pourraient s’opposer au projet actuel.
Vont-ils se contenter de proposer un autre terrain ou de renvoyer SFR à une recherche d’un terrain privé pour son pylone ?
Vont-ils prendre une position contre l’inflation du haut débit et contre la 5G ?
Vont-ils oser désobéir à l’Etat ?
La commune et les habitants vont-ils s’allier à d’autres communes et à d’autres collectifs d’habitants pour porter une contestation plus large et plus ferme ? (une contestation plus large aurait été facilitée si l’info avait circulé largement dès l’été 2023...)
De nombreux habitants semblent prêts à les soutenir dans une démarche d’opposition aux choix étatiques du tout numérique.
Fin de la « consultation » publique le 07 mars.
Conseil municipal le 13 mars, où la mairie pourrait revoir son choix de fournir un terrain à SFR...?
Il paraît que les avis exprimés lors de cette réunion du 29 février seront envoyés au préfet, qui, comme d’habitude, ne manquera pas de s’assoir dessus (pour rester poli).
Des infos sur la contestation de ce pylone et de la 5G en général
Jusqu’à ce jeudi 07 mars vous pouvez faire part de vos remarques, désaccords et autres à la mairie de Mirabel et Blacons, dans le cadre du processus standard de « consultation ».
- Pétition en ligne contre le pylone à Mirabel (déjà plus de 900 signatures)
- Plus d’infos sur ce projet et sur la 5G, + contact du collectif local (contacts mairie et lien vers le dossier du projet de pylone SFR)
- Un CR du rassemblement réussi le 17 février
Infos plus générales :
- Déjà au moins 29 antennes 5G dans la vallée de la Drôme !
- Carte des antennes : https://cartoradio.fr/#/
- Tableau de bord interactif du déploiement de la 5G : https://dataviz.arcep.fr/shiny/observatoire5G/ (on peut voir les sites et le déploiement pour la Drôme)
La récurrente question de la démocratie
Structurellement, dans un modèle de société fondé sur l’Etat et le capitalisme, il ne peut pas y avoir de démocratie, et la course au pouvoir, à l’argent, à la technologie et à la vitesse, s’impose sur toute autre considération.
Les choix de société sont déterminés par les puissants et par les exigences du technocapitalisme, et les besoins de la société sont fabriqués par la Machine techno-industrielle et commerciale, au lieu d’être discutés collectivement et choisis démocratiquement en tendant compte des critères de compatibilité avec une société démocratique, avec la préservation du climat et de la biosphère, et sans nuire/exploiter des travailleurs ici ou ailleurs.
Sans vraiment s’en rendre compte (?), les élus de Mirabel et Blacons (comme quasiment tous les élus) reproduisent ce système hiérarchique et centralisé.
Dans cette réunion du 29 les élus étaient alignés à une table avec micro, il n’y avait pas de cercle où tout le mond est au même « niveau ».
Les élus se sont octroyés le droit de décider seuls (un droit gravé et justifié par le système institutionnel en place) d’accepter ce projet de pylone, reproduisant ainsi à petite échelle le fonctionnement autoritaire à grande échelle de l’Etat et des institutions politiques.
Par ce fonctionnement, les habitants sont toujours réduits à un « public » voué au rôle de réceptable à informations et décisions venues d’en haut, et invitées seulement à « poser des questions », pas à critiquer, à décider ou à proposer quelque chose.
La présence systématique de flics dès qu’un embryon de contestation émerge atteste aussi de ce modèle de fonctionnement non-démocratique et autoritaire.
Lors du rassemblement du 17 février une voiture de gendarme circulait autour, et le 29 une voiture de la gendarmerie était stationnée en face de la salle à la fin de la réunion (en profitant sans doute pour prendre des photos et ficher).
Infos officielles sur le New Deal Mobile
Voici des infos de l’Etat sur ce « New Deal Mobile » :
- https://www.maddyness.com/2022/08/23/new-deal-mobile-la-fin-de-la-fracture-numerique/
- https://www.arcep.fr/la-regulation/grands-dossiers-reseaux-mobiles/la-couverture-mobile-en-metropole/le-new-deal-mobile.htm (...) Dans le cadre du New Deal mobile, Bouygues Telecom, Orange et SFR, ont l’obligation de couvrir 90% du réseau ferré régional en très haut débit mobile (4G), le long des voies à l’extérieur, au 31 décembre 2025. (...)
- Et le suivi de l’Arcep du New Deal Mobile (Arcep = Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse)
Observatoire des déploiements 5G (plus de 25000 site en 5G fréquence haute, 3500 Mhz)
La « fracture numérique » sert aussi de prétexte au déploiement du tout numérique, du télétravail, des start ups délocalisées, des applications gourmandes, etc. :
Voir ces extraits de cet article :
(...)
Concernant la couverture PFTHD, l’objectif d’une France 100% Fibre en 2025 va de pair avec l’essor du télétravail et l’ambition d’un pays qui décentralise la French Tech. Les chiffres rapportés par le JDD sont d’ailleurs encourageants : la moitié des entreprises labellisées French Tech par Bercy sont aujourd’hui implantées en dehors de Paris et de l’Île-de-France.
(...)
La couverture haut-débit permet de développer l’activité et la compétitivité des entreprises et salariés : indépendants, startups, PME, grands groupes, dans les grandes villes comme dans les plus petites communes. D’une part, cela amène de l’emploi dans des zones jusqu’alors reculées mais offre également un gain de productivité dans l’échange rapide de données à grande échelle, le stockage externe de ces données, « le cloud computing », la fluidité des interfaces audio et vidéo pour le travail collaboratif, le télétravail ou les visioconférences. Nombreux sont les salariés post crise sanitaire à évoquer l’envie de s’installer en zone rurale : le raccordement à la fibre optique participe donc à l’attractivité des territoires.
Le New Deal Mobile a aussi pour objectif de lutter contre un phénomène plus discret, l’illectronisme, intrinsèquement lié à la fracture numérique. Cette exclusion numérique sociale, territoriale et générationnelle concernerait 13 millions de Français. Et contre toute attente, elle ne touche pas seulement les personnes âgées. Selon l’INSEE, un jeune Français sur six éprouverait des difficultés à utiliser des logiciels de bureautique comme le traitement texte ou la recherche d’emploi. Un sur cinq n’arriverait pas à remplir les formulaires en ligne des administrations.
Avec ces zones blanches et grises en moins, le New Deal Mobile ouvre de multiples perspectives pour les commerces et entreprises qui cherchent à créer de l’attractivité dans les zones rurales. Sans oublier que l’État soutient l’émergence de startups en région qui créent de l’emploi et participent à la cohésion territoriale.
(...)