Un point sur les manifs et quelques remarques persos sur l’idée d’une grève forte des secteurs clés.
NANTES, SAINT-NAZAIRE, TOULOUSE : MANIFESTATIONS INTERDITES, TRAVAIL ET GRANDES SURFACES AUTORISÉS
Travaille, consomme, et ferme ta gueule
Les magasins sont remplis, les métros et les tramways aussi. Le gouvernement pousse la population à retourner au travail et à aller consommer. Il faut bien faire tourner l’économie, même si cela met en danger la santé. Par contre, « l’Etat d’urgence sanitaire » est très pratique pour interdire la possibilité de s’opposer.
Demain, samedi 16 mai, des appels à se rassembler circulent dans plusieurs villes. A Nantes, Saint-Nazaire et Toulouse, les préfets ont décidé d’interdire purement et simplement les rassemblements. Ce vendredi, le Préfet de Nantes Claude d’Harcourt a pris plusieurs arrêtés : « interdiction de manifestation et de rassemblement le 16 mai 2020 à Nantes », « interdictions » identiques à Saint Nazaire, mais aussi « interdictions de boire et de regroupements statiques sur certains espaces publics à Nantes ». S’exprimer ou s’arrêter au bord de l’eau ou sur les pelouses pour prendre un apéro est prohibé. La ville ne doit servir qu’aux flux de marchandises. Mais c’est une autre histoire.
Dans son arrêté, le préfet dénoncer les appels venus de « la mouvance des Gilets Jaunes » qui « risquent de générer des risques de promiscuité et de troubles à l’ordre public, notamment aux abords de commerces potentiellement très fréquentés le samedi après-midi. » Les choses sont très claires. Il ne s’agit pas tellement de veiller à la santé de la population, mais plutôt de ne pas déranger les commerces « très fréquentés ». Les autorités interdisent les manifs pour garantir les achats.
Même refrain à Toulouse : « compte-tenu de l’état d’urgence sanitaire en vigueur », le préfet interdit « tout rassemblement de plus de 10 personnes » et précise : « du 17 novembre 2018 au 14 mars 2020, des manifestations non déclarées du mouvement des « Gilets jaunes » dans le centre-ville de Toulouse ont donné lieu à des événements graves. » Ici encore, c’est la volonté de faire taire une mobilisation sociale qui est explicitement mentionnée. Dans la formulation des autorités, le risque sanitaire semble n’être qu’un prétexte pour bailloner les Gilets Jaunes. Le préfet de Toulouse s’est d’ailleurs expliqué : « les commerces ont fermé pendant deux mois. Il faut leur laisser reprendre la vie ».
Pendant le confinement, le préfet de Nantes ne disait pas autre chose, fin mars dans la presse, en plein pic épidémique : « les entreprises de la région doivent poursuivre ou reprendre leur activité […] l’économie ne doit pas s’arrêter ».
Pour le pouvoir et ses agents, l’état d’urgence sert à faire appliquer ce triptyque : travaille, consomme, et ferme ta gueule.
Post et visuel de Nantes Révoltée (les sources sur leur article
- Manifestations interdites / Travail, grandes surface, transports en commun autorisés
- Travaille, consomme, et ferme ta gueule
voir aussi :
- Angers. Gilets jaunes : le préfet interdit toute manifestation « revendicative » samedi 16 mai (lol, comme si les manifestations revendicatives amenaient moins de distanciation physique sanitaire que les transports en commun, les foires et les salons... Deux poids deux mesures, sans vergogne)
- Toulouse. Le MEDEF demande l’interdiction de la manif des Gilets jaunes, le préfet s’exécute - Suite à un courrier signé par le MEDEF 31, le préfet de Haute-Garonne a décidé d’interdire de manifestation les Gilets jaunes à Toulouse ce samedi. Une attaque anti-démocratique grave sous couvert de lutte contre le Covid et de défense de la reprise de l’activité économique dans les commerces du centre-ville. (lol, on sait depuis longtemps que le système préfère la vie de la marchandise à la vigueur de la vie démocratique)
Remarques persos
Les pouvoirs instrumentalisent clairement la crise sanitaire dont ils sont en grande partie responsables pour tenter d’empêcher toute contestation car ils savent que pas mal de gens bouent de rage.
L’objectif du gouvernement et de ses préfets est d’interdire toute manifestation contestataire d’ici l’été, de compter ensuite sur l’été pour que les gens pensent plutôt aux vacances. Ils espèrent que la rage retombera pendant l’été, et qu’à la rentrée, contraints par la précarité, la crise économique, le chômage et les lois répressives et anti-sociales supplémentaires qui se seront épanouies discrètement en juillet-août les français courberont l’échine et seront préoccupés par leur survie individuelle avant tout.
L’interdiction liberticide des manifs, c’est vrai que c’est moche, on perd des occasions de se rencontrer, de se défouler gaiement, de faire de la com, de se donner de la force.
Mais en même temps, est-ce si grave ? Si on est lucide, on sait bien que les manifs ne font pas plier les pouvoirs, sauf si il y avait vraiment un raz de marée et/ou d’énormes émeutes prolongées, ce qui arrive plutôt rarement.
Donc, au lieu de nous acharner à faire à tout prix des manifs et se prendre des arrestations et des amendes, préparons autre chose.
Les historiens et les anciens syndicalistes vous diront que ce qui peut faire plier un régime et le capitalisme ce sont les grèves, blocages et sabotages (ou sinon la lutte armée de type guérilla, mais ça c’est autre chose, de pas souhaitable). Les manifestations étant un simple complément symbolique et convivial (de moins en moins étant donné la répression féroce) de ces 3 actions exerçant elles réellement un rapport de force.
Depuis des années, il est évident que face à un régime autoritaire surarmé déterminé à asservir, piller et réprimer quoi qu’il en coûte, les manifs ont peu de poids et peuvent même devenir du masochisme, une impasse suicidaire.
Alors, est-ce que les syndicats, syndiqués, travailleurs et travailleuses non syndiqués vont se coordonner pour mener prochainement une grève longue et dure des secteurs clés de l’économie ? Et cela avec des objectifs communs très ambitieux, pas juste pour des primes, des salaires plus élevés et plus de moyens ; mais plutôt une mise à bas de la civilisation capitaliste, une autogestion des structures économiques (après tri de ce qu’on garde ou pas), une prise réelle sur la vie politique.
C’est sans doute pas possible et pas le bon moment avant cet été.
Alors vont-ils, allons-nous, préparer une telle grève pour la rentrée ? Ce serait très fort d’organiser une non-rentrée, un refus de rentrée dans un maximum de secteurs, d’entrée de jeu, boum, on arrête tout, on ne reprend pas, et ce sera pas à cause d’un virus. Tandis que le régime et ses chiens merdiatiques hurleront partout au redressement de l’économie capitaliste et aux bouchées doubles sur fond d’état d’urgence, les envoyer paître, ce serait jouissif.
D’ailleurs, l’économie de marché étant déjà en difficulté (et ça va s’aggraver), le fait de la bloquer efficacement serait d’autant plus percutant, les pouvoirs en viendraient plus vite à nous manger dans la main.
Il reste 3 mois pour coordonner ça, pour faire des provisions de nourriture et d’argent (caisses de grève) afin de tenir longtemps, pour se coordonner et s’entendre sur des objectifs vraiment ambitieux au lieu de se fourvoyer dans d’énièmes revendications sectorielles et des bidules réformistes qui ne changent rien aux problèmes de fond.
Infaisable ? Inenvisageable ?
Si ça ne se fait pas, les éventuels blocages massifs et sabotages clandestins ne pourront sans doute pas suffire, et les manifs, si elles sont ré-autorisées en guise de dérivatifs et pour donner le change de « la-démocratie », encore moins.
Si ça ne se fait pas, alors la précarité et les inégalités sociales s’aggraveront, les services publics continueront à être détruits, le numérique sans contact sous Intelligence Artificielle continuera de détruire la vie sociale, le totalitarisme économique et l’autoritarisme policier/politiques s’aggraveront encore vers la marchandisation de tout, la destruction du climat et des milieux naturels continueront de plus belle, menant à une planète (quasi) inhabitable et au risque accru de nouvelles formes de dictatures.
Les promesses, les raidissements (ou les assouplissements de surface) et les artifices de vocabulaire des puissants n’y changeront rien.
Que voulons-nous vraiment ?
Que le monde « d’après » soit le même qu’avant la pandémie, en pire, ou que les choses changent vraiment, que notre impuissance politique et économique cesse ?
Forum de l’article
page précédente | page suivante
page précédente | page suivante