Liberté d’expression : Procès de Gé et du média Ricochets

La montagne accouche d’une souris... - Jugement le 17 novembre

samedi 7 novembre 2020, par Enquêtes libres.

Ce mardi 3 novembre avait donc lieu le procès de Gé pour "provocation à la dégradations, la destruction, la dégradation volontaire dangereuses pour les personnes" en tant que webmaster prétendu du média ricochets.cc. Une plainte déposé par le Prefet de la Drôme lui-même.

Reporté une première fois, le procès se déroule à huis clos avec pour seul public 3 journalistes. Aucun des proches de Gé (à part un.e éventuelle conjoint.e) n’a été autorisé à assister à l’audience pendant que les supermarchés accueillent leurs consommateurs...

La juge principale commence par énumérer ce qui est exactement reproché à Gé au terme de la procédure d’enquête et d’avoir commis l’infraction suivante :
« Pour avoir sur le site ricochets.cc le 26 avril 2020, dans le département de la DROME en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, étant webmaster du site internet de publication par tout moyen de communication au public, par voie électronique, en l’espère via internet, directement provoqué à la commission de destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes définies par le livre 2 du code pénal (Loi du 29 juillet 1881, art.24 (2e), 61 et 62) (Loi du 29 juillet 1881, art 24 (2e), 61 et 62) en l’espèce. »

L’avocat de Gé, Raphaël Kempf pose dans un premier temps différentes clauses de nullité portant sur les termes de l’accusation et sur la procédure de l’enquête. Des clauses de nullité auxquelles la procureure n’a rien à rétorquer au grand étonnement de la juge principale. Comme si elle approuvait l’avocat, mais malgré tout n’osait pas désavouer le préfet et l’enquête ?

Gé est ensuite interrogé par la juge sur son rôle dans les médias. Est-ce lui qui a écrit l’article ? Non lui répond Gé. Est ce lui qui est webmaster du site ou directeur de publication ? réponse négative à nouveau.
Gé décide alors de faire une déclaration pour faire part du préjudice qu’il a subit suite à la perquisition qui a eu lieu à son domicile et à la confiscation de son matériel informatique professionnel qu’il n’a toujours pas récupéré (la perquisition a eu lieu le 9 juillet 2020). Une discussion avec la juge s’engage sur sa situation professionnelle, ses revenus sans plus de questions sur le média ricochets et sur l’article incriminé publié par le site.
Remarquons au passage qu’à aucun moment, ni durant l’enquête ni au tribunal, il n’a été demandé si l’article en question était encore en ligne sur Ricochets.cc. Si cet article était si dangereux que ça, ils s’en seraient inquiétés.

Vient alors le temps des réquisitions qui seront étonnement courte de la part de la procureure qui reconnaît même que les éléments prouvant l’implication de Gé sont faibles, juste le fait que le compte bancaire qui a payé le dernier hébergement du site est le compte de Gé. Elle reconnaît aussi que les investigations sur son matériel informatique n’ont rien donné.
Malgré un dossier d’accusation vide, elle demande tout de même 4 mois de prison avec sursis au grand étonnement de l’avocat de Gé qui prend ensuite la parole.
Ses propos portent alors sur la liberté d’expression et son importance, sur l’article incriminé, qui loin de provoquer une vague de violence a entrainé des discussion politiques et philosophiques sur le fil des messages du site faisant suite à l’article, sur le fonctionnement de ricochets qui est un média participatif. Il a aussi interrogé la disproportion des moyens de l’enquête avec les faits reprochés. En effet, il a été activé lors de celle ci une demande d’entraide internationale, une cellule spéciale d’analyse juridique chargée d’enquêter sur les génocides et les crimes de guerre, 2 perquisitions ont été menées.... pour donner quels éléments ? Une simple reconnaissance du compte bancaire de Gé comme compte qui a réglé l’hébergement du site.
A l’issu de sa plaidoirie il a demandé la relaxe et la restitution du matériel informatique de Gé. La décision sera rendu le 17 novembre.

Alors que dire du procès ? Tout d’abord qu’il est vraiment étonnant que la procureure, qui porte l’accusation n’a quasiment pas parlé et qu’elle a, par sa réaction aux clauses de nullité énumérés par Maitre Kempf et par son réquisitoire rachitique, reconnu que le dossier d’accusation était vide, sans argument probant. Ce qui ne l’a tout de même pas empêché de demander de la prison ! Il semble se confirmer que le but de cette enquête et des poursuites étaient surtout de recueillir des infos sur un ou des militants locaux (traités par les enquêteurs de manière répétée du vocable flou de membres de l’ultra-gauche et autre anarcho-autonome, une qualification utilisée par l’Etat et les mass-médias pour dénigrer les opposants politiques), de faire du fichage, de l’intimidation et du renseignement sur les milieux contestataires de la région, et secondairement d’embêter le média Ricochets qui semble-t-il dérange les pouvoirs.

Alors même que des médias vraiment indépendants et libres sont primordiaux dans une démocratie, (et encore davantage dans le régime policier autoritaire actuel), voilà que des représentants de l’Etat, loin des belles déclarations récentes sur la sacralité de la liberté d’expression, intensifient les nuisances aux médias indépendants de contre-pouvoir. La loi sécurité globale en discussion actuellement à la commission des lois en est un autre exemple (voir cet article de Reporterre https://reporterre.net/Interdiction-de-diffuser-des-images-de-policiers-drones-reconnaissance-faciale-ce-que). En effet, cette loi propose notamment d’interdire la diffusion d’images de force de l’ordre où le visage de ces forces de l’ordre ou un moyen de les reconnaître apparaitrait. Une loi qui, si elle avait existé à cette époque, aurait empêché que l’affaire Benalla n’éclate. Une loi qui aurait aussi empêché les enquêtes concernant la mort de Cédric Chouviat et concernant les violences sur Geneviève Legay.
Voir aussi ces articles sur cette proposition de loi liberticide :

Dire aussi qu’il ressort de ce procès une certaine frustration qu’une discussion en profondeur sur la liberté d’expression n’est pas pu avoir lieu faute de répondant aux propos de Maitre Kempf.

Crtique de l’article du Dauphiné Libéré

Enfin dire qu’une fois de plus, le traitement médiatique pratiqué par le Dauphiné libéré (dans son article de ce jeudi 5 novembre) est pour le moins orienté et parfois même mensongé, quand par exemple la journaliste dit que Gé n’admet pas avoir des liens avec ricochets (puisqu’il a seulement dit qu’il n’était pas l’auteur de l’article ni celui qui l’avait publié), quand aussi elle affirme que les enquêteurs ont établi que le nom du responsable du site web correspond au pseudonyme du prévenu. Jamais cela n’a été mentionné en ces termes durant le procès. Juste qu’une personne avec ce pseudonyme, dont Gé n’a pas nié qu’il était le sien, avait payé l’hébergeur du site internet.
Une fois de plus, le dauphiné déforme la réalité, adopte d’emblée le point de vue des forces de répression, pour discréditer le prévenu et le média dans lequel il s’implique. Ce média Ricochets qui se définit comme un média de contre pouvoir et qui n’hésite pas à gratter là où les médias traditionnels ne vont plus, trop dépendant qu’ils sont de leur propriétaire et de leurs annonceurs publicitaires.

Rendu du jugement au tribunal de Valence le 17 novembre à 13h30

Rdv est donc donné au 17 novembre pour connaître le rendu des juges qui devraient, au regard du déroulé du procès et de l’enquête, prononcer l’acquittement de Gé et la restitution de son matériel informatique.

P.-S.

Compléments

- Lire aussi ce récit de Gé : J’ai dansé dans ma cellule de garde à vue - Récit poétique et légèrement romancé d’un court emprisonnement à Valence

- Pot de soutien à Ricochets, pour aider Gé à payer les frais d’avocat

- Une cagnotte est en ligne pour aider l’ensemble des personnes ciblées par la répression.


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