La juge des libertés et de la détention (JLD) avait pourtant rejeté la demande de prolongation de sa détention provisoire, lors de l’audience – à huis clos – du 2 août. Le parquet de Paris a fait appel et obtenu gain de cause : lundi 12 août, la détention provisoire d’Antonin Bernanos a été prolongée de quatre mois par une décision de la cour d’appel de Paris.
« On reste très déterminés, puisqu’on n’est pas non plus surpris d’une telle décision », déclare Geneviève Bernanos, mère du militant, contactée par téléphone. « La mobilisation doit absolument se confirmer, espère-t-elle, parce que les messages qu’on nous fait passer sont extrêmement durs. »
Geneviève Bernanos dit se battre pour son fils mais aussi pour « tous ceux qui osent porter une autre parole, qui sont dans le collimateur et visés par une répression très dure ». Elle craint une rentrée sociale très difficile : « Ce qui est important, c’est ce que ça dit du message du gouvernement, par la voix de son ministère public : continuer une répression sans faille contre tous ceux qu’ils considèrent comme un danger pour la République. »
Antonin Bernanos, étudiant en sociologie à l’EHESS âgé de 25 ans, a été arrêté le 15 avril, à la suite d’une bagarre – à laquelle il nie avoir participé – qui a opposé « des militants antifascistes aux fascistes de Génération identitaire, des Zouaves Paris et de la Milice Paris », expliquait quelques jours plus tard un communiqué de Libérons-les, un collectif de « solidarité contre la répression ».
L’arrière petit-fils de l’écrivain Georges Bernanos est placé en détention provisoire le 18 avril et mis en examen pour « violence commise en réunion sans incapacité en récidive » et « vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours en récidive », après la plainte déposée par un militant, blessé, de l’autre camp, qui a identifié formellement Antonin Bernanos « comme faisant partie du groupe », « sans pouvoir dire quel(s) coup(s) ce dernier lui a porté(s) ».
Cinq « antifas » sont placés en garde à vue puis mis en examen. Quatre sont placés sous contrôle judiciaire, sauf Antonin Bernanos, placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de Fresnes, en isolement médiatique, « un régime très à part, mais qui n’était pas légal », d’après l’un des ses avocats, Me Arié Alimi. Antonin Bernanos a par la suite été transféré à la prison de la Santé à Paris, fin juin.
Pour la cour d’appel, la détention provisoire est « l’unique moyen d’empêcher une concertation frauduleuse » entre Antonin Bernanos et « ses co-auteurs ou complices », avant l’interrogatoire de la juge d’instruction prévu le 20 août.
Son arrestation a eu lieu quelques jours après qu’il eut fini de purger sa peine pour l’affaire du quai de Valmy. Antonin Bernanos a été condamné en 2017 à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, pour avoir participé en mai 2016 à l’attaque d’une voiture de police, qui finirait en flammes. Il a toujours nié les faits reprochés.
Geneviève Bernanos rappelle, tout comme son avocat dans sa plaidoirie, que dans cette affaire son fils s’est présenté à toutes les convocations. Elle déplore l’argument du procureur qui invoque le maintien en détention pour être sûr qu’il se rende à la première audition par le juge d’instruction prévue le 20 août. Et la mère du militant d’affirmer : « En aucun cas la libération d’Antonin ne l’aurait empêché de se présenter le 20 août, puis de retourner dans le lieu de sa surveillance sous bracelet électronique. »
Cette première convocation est tombée quelques jours après le rejet de la demande de prolongation de sa détention provisoire par la juge des libertés et de la détention. « Il y a un calendrier assez malsain, estime Me Arié Alimi, contacté par téléphone. On a attendu quatre mois, et ça n’est qu’au moment d’une remise en liberté potentielle que la juge d’instruction décide de fixer en plein mois d’août une audition. Ça correspond véritablement à une volonté d’influencer la décision de la cour d’appel, en disant : il faut d’abord qu’il soit interrogé avant d’être remis en liberté. » Selon lui, il s’agit d’une « méthode souvent utilisée par les juges d’instruction pour maintenir quelqu’un en détention provisoire ».
La cour ordonne la prolongation également pour empêcher « une pression sur les témoins et les victimes, ainsi que sur leur famille », en précisant qu’il y a « des facteurs qui démontrent une certaine connaissance des uns par les autres et inversement ». En outre, la cour précise que la détention est l’unique moyen « de prévenir le renouvellement de l’infraction », estimant que le risque est « actuel et prégnant ».
Lors de la première audience du 2 août, la juge des libertés et de la détention s’était pourtant prononcée pour une remise en liberté sous surveillance électronique. Les proches d’Antonin Bernanos, que l’on retrouve notamment dans le collectif Libérons-les, dénoncent cette prolongation : « La justice persiste dans son acharnement contre Antonin, et manifeste une fois de plus son tournant autoritaire à l’encontre de celles et ceux qui osent défier l’État », postaient-ils sur les réseaux sociaux juste après l’annonce de la décision par l’AFP.