Il n’y a jamais eu de démocratie en France, plutôt un genre de démocrature, une oligarchie élective, mais à présent le bloc bourgeois et ses alliés d’extrême droite, Retailleau en tête, veulent carrément basculer vers une franche dictature, un régime totalitaire, suite logique des précédents gouvernements macronistes.
Pour assurer l’Ordre et la sécurité des riches bourgeois et pour accentuer/maintenir l’hégémonie capitaliste, la pseudo-démocratie et « l’Etat de droit » (voir note plus bas) c’est encore trop souple, trop lent, ça résiste, ça bloque parfois, alors rien ne vaut une bonne vieille dictature, un régime policier totalitaire, mais moderne, efficace, avec des formes, des formules, des hautes technologies.
Avec Macron et son nouveau gouvernement de droite, ce « macrolepenisme », on s’attendait à pareille saloperie.
A présent, après les questions climatiques et écologiques, on est au pied du mur aussi dans le domaine politique. Tout se rejoint dans une seule et même Machine, à briser, fissurer, dissoudre, contourner, exploser, miner, démanteler, paralyser, saper, déserter...
Si « en théorie » il n’est jamais trop tard, l’exemple de la Tunisie (voir plus bas) nous montre que si on attend trop pour se révolter franchement face à régime ultra-autoritaire ça devient bien plus difficile. Et aussi que des changements radicaux sont nécessaires, un replâtrage réformiste n’est que le terreau du prochain régime dictatorial.
C’est l’occasion de ressortir un extrait d’un post de Cerveaux Non Disponibles de 2020 :
Pour qu’un changement profond, radical, advienne dans notre société, il faudrait que ceux qui profitent du système actuel ne soient plus ceux qui décident. Et cela ne pourra se faire en douceur. Et cela ne pourra pas se faire « par secteur de lutte ».
La révolution ne sera pas écologique. Elle ne sera pas féministe. Elle ne sera pas anti raciste. Elle ne sera pas sociale. Elle sera tout cela à la fois. Ou ne sera pas.Rien de nouveau dans ce constat, déjà clamé depuis des années. Le fameux « tous ensemble ou tous perdants » . Il n’empêche, chacun doit désormais se poser la question de son désir ou non de changer profondément le système. Qu’importe sa sphère de lutte, si l’on pense que le problème est systémique, il faut accepter que pour régler le problème, il faudra renverser le système. Et que pour y arriver, il faudra dépasser, de très loin, ses simples affinités militantes. Et pousser au même moment, au même endroit, et tous ensemble.
- Le gouvernement s’enfonce toujours plus loin vers l’extrême droite, Retailleau en tête - Avec l’absolution de Macron
RETAILLEAU : L’EXTRÊME DROITE AU POUVOIR
– Obsession de l’ordre, attaques contre « l’Etat de droit », propos et projets racistes ... –
C’est connu, en France, le Ministère de l’Intérieur est le vrai poste clé, sans doute plus important que le Premier Ministre. Celui qui commande la police détient le pouvoir réel, et peut ensuite gravir les plus hautes marches du pouvoir. C’est ainsi que Sarkozy est devenu président, et que Darmanin espère l’être.
Nous avons en France un Ministre de l’Intérieur néofasciste : Bruno Retailleau. Ce sont les partis d’extrême droite qui en parlent le mieux. Prenons Sarah Knafo, députée européenne de Reconquête et compagne d’Eric Zemmour, qui commentait les propos du Bruno Retailleau : « Ça aurait pu être un discours de notre parti ».
Laure Lavalette, du Rassemblement National, déclare : « quand on écoute Bruno Retailleau(...) on a l’impression que c’est un porte-parole du Rassemblement national ». Et Laurent Jacobelli, haut responsable du RN, explique lui aussi sur France Info : « Bruno Retailleau a très bien appris notre programme, il le récite à la perfection et pratiquement à la virgule près, je ne vais pas dire que ça ne nous satisfait pas. »
En à peine deux semaines, le ministre qui vient de l’extrême droite vendéenne, a multiplié les déclarations gravissimes et inimaginables il y a encore quelques mois, dans une ambiance résignée et passive. Récapitulons.
Liquider l’Etat de droit
L’État de droit, en principe, c’est l’égalité devant la loi, c’est la protection des citoyens contre l’arbitraire, c’est le respect des droits fondamentaux. C’est le fondement de la République. Une vieille invention de la bourgeoisie pour éviter de basculer dans la dictature ou la guerre civile.
Le pouvoir en place est tellement radicalisé qu’il veut en finir avec l’Etat de droit. Ni plus ni moins.
Dans le Journal du Dimanche, l’hebdomadaire de Bolloré, Retailleau est allé affirmer que « l’Etat de droit, ce n’est pas intangible, ni sacré ». C’est une déclaration d’extrême droite pure et dure. Cela veut dire que le gouvernement souhaite outrepasser ses propres lois. Cela devrait inquiéter l’intégralité de la classe politique, même à droite. Cela veut dire que plus personne n’est protégé ni à l’abri.
Dans n’importe quel autre pays européen, de tels propos provoqueraient une déflagration majeure. En France, c’est un ministre de Macron qui déclare ça tranquillement.
Questionné sur ces propos, Retailleau a expliqué : « J’ai simplement dit qu’il fallait déplacer le curseur dans l’État de droit, comme nous l’avons fait au moment du terrorisme et du Covid ». Autrement dit, basculer dans l’état d’exception permanent, en suspendant les libertés fondamentales, en interdisant aux personnes de circuler et en généralisant l’état policier. Pendant le Covid après les attentats, ces mesures dictatoriales étaient justifiées par « l’urgence » et devaient être « temporaires » et encadrées. Retailleau veut tout simplement changer de régime pour de bon.
Obsession de l’ordre
La devise de la France était, il y a longtemps, Liberté, égalité, fraternité. Aujourd’hui, respecter ces trois mots peut vous envoyer en garde à vue, ou vous causer des poursuites pour « apologie du terrorisme ». La nouvelle devise, c’est « ordre, ordre, ordre ». Retailleau l’a scandé lors de son discours d’investiture à trois reprises, sa priorité est de « rétablir l’ordre ».
C’est une rhétorique de guerre civile, qui sert à justifier une répression féroce. A l’entendre, la France serait un pays totalement hors contrôle. Pourtant, les seules choses vraiment hors contrôle, ce sont les gouvernants qui ne tiennent pas compte d’une élection, les profits des ultra-riches, et le saccage des droits sociaux qui mettent en danger des millions de personnes.
Dans le Figaro, Retailleau est allé plus loin : « L’ordre dans les rues, l’ordre aux frontières, l’ordre dans les esprits aussi, car il nous faut revenir à des évidences simples : un policier n’est pas une assistante sociale, un délinquant n’est pas une victime, un pays n’est pas un hall de gare. » L’ordre dans les esprits, tout un programme digne des régimes totalitaires : installer un policier dans la tête des individus.
La police toute puissante
Lors de son premier discours, il s’est exclamé : « honte à ceux qui distillent dans leurs discours la haine vis à vis de nos forces de l’ordre. C’est indigne et je ne laisserai jamais faire ». Le lendemain, il lançait des poursuites contre un député insoumis qui avait eu le malheur de dénoncer les violences policières en Kanaky. Non seulement la police tue en toute impunité, mais il est désormais interdit de le dire.
Il a ensuite sillonné les médias pour répéter : « j’utiliserai tous les pouvoirs réglementaires dont je dispose, notamment pour dissoudre les groupuscules ultraviolents qui s’en prennent à nos policiers et à nos gendarmes. » On peut s’attendre à une augmentation des dissolutions d’associations contestataires et de groupes militants, dans la continuité de Darmanin.
Retailleau a aussi repris la proposition de Zemmour et de Le Pen sur la « présomption de légitime défense » pour les forces de l’ordre. Un policier ayant tué ou mutilé serait ainsi considéré par principe comme innocent. C’est effectivement une rupture majeure dans l’Etat de droit. Gravissime.
Racisme décomplexé
En juillet 2023, lors des révoltes après la mort de Nahel, il déclarait sur France Info que « certes, ce sont des Français » qui y ont participé, « mais ce sont des Français de papiers » et qu’« il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques ». Selon lui, les noirs et arabes ne seraient donc pas de « vrais » français, sur le plan racial, seulement sur le papier.
Maintenant qu’il est ministre, il déclare que « l’immigration n’est pas une chance ». Les générations d’immigrés qui ont façonné la France apprécieront. Et qu’il veut un « référendum sur l’immigration », ce qui est inconstitutionnel, ou encore qu’il souhaite prolonger jusqu’à 210 jours la durée d’enfermement des exilés.
Dans les Centres de Rétention, la durée d’enfermement avait été fixée à dix jours en 1993, puis portée de « manière exceptionnelle » à quatre-vingt-dix jours en 2018, et 210 jours, soit sept mois environ, en matière terroriste. C’est cette durée que souhaite généraliser le ministre. On pourra enfermer une personne sans-papier 7 mois sans procès, sans qu’elle n’ait commis aucun délit. Rappelons que la rétention était, elle aussi, censée être exceptionnelle et courte.
Comme le RN, il veut aussi supprimer l’AME, l’aide médicale d’Etat, qui permet de soigner les personnes étrangères : « On la réforme (...) Je ne veux pas que la France soit le pays le plus attractif d’Europe pour un certain nombre de prestations sociales d’accès aux soins ».
Même la bourgeoisie du 19e siècle avait compris qu’il fallait laisser un minimum de soins aux classes populaires, parce que les épidémies pouvaient frapper tout le monde. Dans le monde de Retailleau, il est pertinent de priver une partie de la population de soins, par pur racisme, et de laisser potentiellement proliférer des maladies.
Le ministre d’extrême droite veut aussi entrer en conflit avec les pays étrangers sur la question des expulsions, il parle « d’assumer un rapport de force. S’il y avait un blocage, il y a la question des visas, l’aide au développement et les tarifs douaniers ». Lancer une guerre économique avec des pays qui vendent à la France du gaz et du pétrole, très malin.
Transition
Enfin, Retailleau a affirmé lors d’une interview pour justifier son ralliement au gouvernement que « ce n’est pas Emmanuel Macron qui gouverne, ce sera Michel Barnier ». Il a raison : Macron a nié le résultat d’élections qu’il avait convoquées, puis laissé les mains libres à la droite et à l’extrême droite.
Rappelons qu’il y a quelques jours, le Ministre de l’Économie macroniste a dit qu’il ne voulait pas travailler avec l’extrême droite, et il a été immédiatement recadré par Michel Barnier et menacé d’être viré sur le champ. Il s’est excusé, et a annoncé le lendemain qu’il travaillerait bien avec le RN. En revanche, le Ministre de l’Intérieur multiplie des propos dignes de Jean-Marie Le Pen, et il est validé.
Retailleau n’est donc qu’un symptôme, il est soutenu par Macron qui lui a offert le pouvoir. Les Républicains et leurs 5% de voix vont appliquer leur programme avec le RN. Macron officialise avec son coup de force, une transition vers le régime néofascisme qu’il a toujours désiré, et que tout le monde anticipe déjà lors des prochaines élections.
Il ne s’agit plus de tergiverser. Toutes les personnes qui ne veulent pas basculer officiellement dans un pays d’extrême droite doivent se mettre en mouvement.
(via Contre Attaque)
NOTE sur l’Etat de droit
En réalité, "l’Etat de droit" c’est une belle saloperie et une belle fumisterie.
"L’Etat de droit" enrobe dans de belles théories et formules l’absence de démocratie réelle, la domination et le séparatisme des classes bourgeoises, des technocrates et oligarques, les inégalités sociales structurelles, les deux poids deux mesures, le racisme d’Etat, le colonialisme, le totalitarisme capitaliste et ses ravages, la féroce répression politicère, les multiples violences d’Etat, la surveillance/fichage généralisés, etc.
Ok, cet "Etat de droit" nous a prémuni jusqu’à aujourd’hui d’une franche dictature et/ou d’un système totalement corrompu, mais rappelons quelques faits :
- Chronique du système policier français : état de droit à géométrie variable, terrorisme étatique et policier, surveillance de masse, promotion des flics les plus brutaux... - Les dérapages, bavures, violences policières, dérives font en fait intégralement partie du régime policier et du terrorisme d’Etat
- Ni démocratie ni état de droit ni démocrature ni illibéralisme ni dérives du pouvoir, mais un régime autoritaire en marche vers le néo-fascisme - Pour des stratégies et actions à la hauteur du « fascisme déjà là ».
- en 2021 : Chronique du système policier français : néo-fascisme, chasse à l’homme, fabrication de faux coupables, acharnement judiciaire, dislocation brutale de manifs... - La France à la veille d’un néo-fascisme ? - Le régime policier continue de tisser sa toile partout
- Mais de quel « État de droit » parle-t-on au juste ? - Débat public, État de droit et pas de danse avec Pierre-et-Vacances
- L’Etat et le capitalisme, agents permanents d’insécurité et de séparatisme violents - Le système en place détruit, contrôle et sépart sous prétexte de « votre sécurité »
Que la peur change de camp
Que la peur change de camp
En juin dernier, des millions de français et françaises se sont déplacés aux urnes pensant faire barrage à l’extrême-droite. Depuis, Macron a nommé un ministre de la droite conservatrice. Lui et sa clique sont bien décidés à continuer les attaques antisociales et autoritaires, assumant même un virage encore plus à droite et tissant toujours plus de ponts avec l’extrême-droite.
Ce n’est pas une surprise. Voilà 150 ans que les anarchistes ont rappelé le rôle du système électoral : préserver le pouvoir pour mieux continuer les mêmes politiques. Ce n’est pas par les urnes que l’on met un point d’arrêt à l’exploitation capitaliste, la domination étatique, aux ravages industrielles et aux oppressions racistes. Il faudra lutter dans la rue, les quartiers, les villages, les boîtes et les écoles. Seul un rapport de force suffisant, par les moyens que l’on jugera nécessaires, peut infléchir la pente glissante dans laquelle nous sommes engagé-es.
La gauche n’a jamais été une solution, pas même pour faire barrage à l’extrême-droite. Penser l’inverse, ce serait oublier, entre autres :
(...)
Nous avons tout intérêt dès aujourd’hui à nous auto-organiser entre potes, collègues, camarades, voisin-es, et ce sans chef-fes ni représentant-es ; à nous coordonner à travers des assemblées populaires où les décisions sont prises directement par les individu-es en lutte à égalité. Il n’y aura pas de sauveur suprême et nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes.
Il est temps de laisser libre cours à la révolte qui nous anime. De toute façon, la meilleure défense, c’est l’attaque : monter des caisses de grève, riposter dans la rue face aux nervis d’extrême-droite, descendre à plusieurs dans les administrations qui nous fliquent, se rassembler à la moindre expulsion de squats d’exilé-es ou de locataires, multiplier les sabotages (comme cela a été le cas sur les lignes TGV à la veille de cette fête de l’aliénation que sont les Jeux Olympiques), et pourquoi pas prendre exemple sur les révolté-es kanaks ou renouer avec la détermination des gilets jaunes, et plus encore. Il est temps que la peur change de camp.
Nous n’avons de toute façon plus le choix : ce sera soit la révolution sociale, soit de la survie constamment à la merci du pouvoir dans un monde toujours plus invivable…
(...)
DIVERS
- La méthode communiste du parti de masse : Lutte hégémonique et classes populaires rurales. Le combat antifasciste à la lumière de Gramsci - La faiblesse de la gauche et la force de l’extrême droite dans un certain nombre de territoires ruraux et semi-ruraux, mais aussi de petites villes, est une composante essentielle du débat stratégique actuel, que doit affronter la gauche de rupture. En s’appuyant sur une lecture de Gramsci et sur un effort d’actualisation de l’élaboration gramscienne au regard des coordonnées sociales et politiques de notre temps, Yohann Douet propose une contribution importante à ce débat.
(NOTE : cette vision élude le problème de la hiérarchie et de la centralisation, et de plus, selon la critique de la valeur-dissociation, les prolétaires ne sont pas/plus les sujets révolutionnaires centraux)
- Le gouvernement s’enfonce toujours plus loin vers l’extrême droite, Retailleau en tête - Avec l’absolution de Macron
Des parallèles éclairants faits avec la situation en France :
Entretien avec Amine Snoussi, journaliste tunisien exilé en France avant les élections
Entretien avec Amine Snoussi, journaliste tunisien exilé en France avant les élections
Amine Snoussi est journaliste, il a notamment couvert la politique tunisienne pour les médias “Jeune Afrique”, le “Huffington Post” et pour des journaux français. Opposant au régime autoritaire de Kaïs Saïed, il écrit aujourd’hui majoritairement pour des rédactions anglophones. C’est notamment la couverture de la dérive raciste du régime qui va lui valoir d’être forcé à l’exil il y a quelques mois. Ses proches et certaines personnalités politiques lui confirment : « Tant que ce régime est en place, je ne pourrais pas revenir ». Il nous éclaire sur la situation dans le pays, alors que les élections présidentielles auront lieu le 6 octobre.
(...)
Sur l’extrême droite, oui je vois le parallèle ainsi que sur la léthargie des acteurs. Peut-être que le plus gros parallèle est sur la radicalité, il y a beaucoup trop d’acteurs en France qui croient que lutter contre l’extrême droite c’est adapter son discours. Nous on a essayé, et ça n’a pas fonctionné, ça a juste apporté plus de dictature et d’autoritarisme. Le seul moyen de résister c’est d’entraîner une mobilisation populaire et pour ça il faut radicaliser son discours, il n’y a pas d’autres solutions.
(...)
Oui il y a un parallèle en France parce qu’il n’y a pas de radicalité qui s’installe alors que la menace d’extrême droite est là et gouverne déjà en partie.
(...)
Article complet : https://contre-attaque.net/2024/10/04/entretien-avec-amine-snoussi-journaliste-tunisien-exile-en-france-avant-les-elections/