Le débat selon LREM 2/2

« C’est moi qui donne le micro, c’est pas une communauté auto-gérée ici » Macron, le 1er Février lors du grand débat devant des élus.

dimanche 3 novembre 2019, par CamilleClaudel.

Deux textes écrits par deux personnes présentes dans la salle le 24 octobre dernier lors de la soirée « débat » organisée par la députée De Lavergne à Eurre.
Deuxième texte, réflexion sur l’illusion de débat que véhicule l’organisation de ces soirées.

Appelons un chat un chat et ne confondons pas réunion d’information et débat. Les députés ont le droit d’organiser des soirées de propagande pour parler de leurs projets, mais que les choses soient annoncées clairement. Il est tant d’arrêter de faire passer cette propagande pour de la consultation.

Le 24 Octobre, la députée En Marche (EM) d’Emmanuel Macron, Mme de Lavergne organisait une soirée sur le thème de la réforme des retraites, à Eurre. Elle avait convié - pour nous la vendre - son « cher » collègue, Mr Laurent Pietraszewski (1), chef de file à l’Assemblée sur le sujet.

Je ne détaillerai pas point par point toutes les raisons pour lesquelles je critique cette réforme. Certains présents à la rencontre le feront étant donné la pertinence des interventions que j’ai entendue. Je dirai juste concernant l’esprit de cette réforme qu’elle n’est qu’une illustration de plus de la transformation culturelle finale voulue par le Président, dictée par ceux qui le conseillent, la poignée des plus riches de notre pays, et mise en oeuvre par les élus à ses ordres. Cette transformation culturelle est la néolibéralisation définitive de toute notre société. Elle s’exprime concrètement, nous pouvons tous le constater, par la marchandisation et la financiarisation de tous les aspects de nos vies. Celle-ci laissant de côté la solidarité et la redistribution qui ont fait la force et la fierté de notre pays depuis si longtemps et qui fonctionne, contrairement à tout ce que l’on veut nous faire croire depuis des décennies. Et c’est ainsi dans tous les domaines auxquels s’attaquent ce système prédateur (chômage, droit du travail, éducation, santé, transport etc etc).
Je commenterai plutôt la forme de ce genre de rencontres, puisqu’il m’a été donné d’assister à plusieurs d’entre elles. La soirée était intitulée « débat ». Mais quel terme mal choisi que celui-ci ! A l’image du grand débat, ce genre de rencontre se rapproche plutôt de la conférence.

En effet, l’invité d’honneur, en qualité de sachant, vient parler debout devant un parterre de gens présents pour entendre sa vérité sur le sujet traité. Après ce temps d’exposé, le parterre est invité à poser ses questions, en levant la main. De préférence très courtes les questions, pas trop dérangeantes et posées gentiment. A celles-ci le sachant répondra en justifiant la position du gouvernement par une succession d’éléments de langages soigneusement appris. Les députés, les animateurs de la soirée et les quelques partisans En Marche n’ont eu de cesse lors de cette soirée, tout comme lors des autres soirées, de demander aux personnes prenant la parole ‘quelle est votre question’, et de tenter d’écourter au maximum chacune des prises de parole.

Ce qui nous amène à affirmer que de débat il n’est donc nullement question ici. En effet, lors d’un débat, les membres y prenant part, peuvent exprimer leur opinion. Selon une définition, « un débat est une discussion ou un ensemble de discussions sur un sujet, précis ou de fond, à laquelle prennent part des individus ayant des avis, idées, réflexions, opinions plus ou moins divergentes ».
Mais de cette divergence, de cette contradiction, les députés et les personnes venues écouter benoitement la parole du député et donc celle du gouvernement, ne veulent pas.
Nous avons écouté l’exposé des députés. Nous les avons même entendu prétendre que tout n’était pas encore décidé. Alors pourquoi lorsque certains prennent la parole exiger d’eux une question, et ne pas juste entendre leurs opinions. Pourquoi répéter sans cesse ‘quelle est votre question’.
Pourquoi se plaindre comme le faisaient des partisans de EM « de trop nous entendre », qu’ils n’étaient pas venus pour cela.

Pourquoi tant s’attacher aussi à la forme des ces interventions, si ce n’est pour évacuer le fond. Pour les partisans d’EM et les députés, l’intervention d’un homme est jugée trop longue, taxant son intervention de monologue. A un autre homme, on dit la même chose et qu’en plus « il sort du sujet, que l’on est pas là pour entendre ça ». Mais c’est justement le propre du débat d’élargir la réflexion à d’autres sujets. En l’occurrence ici parler capitalisme et répartition des richesses à propos des retraites faisait sens pour lui et pour beaucoup dans la salle. C’est justement le fond de la question. A une femme dont le ton déplait au député, habitué comme tant d’hommes politiques à ce que l’on prenne des pincettes pour s’adresser à eux, il demande pourquoi elle est ‘énervée’, essayant une fois de plus de faire diversion sur la forme de la question et de ne pas s’attacher à son fond. Passons sur le fait que par la suite il n’a pas fait ce genre de commentaire aux hommes qui prenaient la parole sur le même ton.
Renvoyer son interlocuteur à la forme est toujours l’occasion pour ces personnes de se mettre dans la posture de celui qui est là pour discuter face à celui ou celle avec qui on ne peut pas discuter. Nous étions ce soir là à deux doigts de nous faire traiter de violents. Ce que certains n’ont pas dû se gêner de faire lorsqu’en nombre nous sommes sortis. Aujourd’hui, tout devient violence dans la bouche de certains, à dessein. C’est l’outil le plus simple pour discréditer l’autre.

Mais n’est ce pas un peu facile de se mettre dans cette posture, d’invoquer la démocratie, lorsque qu’en même temps, pour un débat qui n’en est pas un, dans une salle des fêtes de village, on a une quinzaine de gendarmes pour accueillir le public et des policiers en civil dans la salle ? De quel cêté est le plus gros déploiement de force ?
Effectivement ce soir là, la réalité numéraire faisait que nos interventions étaient très nombreuses. Mais nous avons eu la délicatesse de quitter relativement tôt la salle après plusieurs de nos interventions. La raison principale est aussi que nombre d’entre nous de pouvaient plus supporter cette mauvaise foi des députés répondant aux questions prévues à l’avance des partisans d’EM. Ce qui s’est dit ce soir là, en dehors de nos interventions, il suffit de regarder un média grand public pour l’entendre.

Enfin, la soirée à été introduite par un power point qui a fait grincer des dents nombre d’entre nous. Le plus notable était les oublis grossiers de ce document et son caractère volontairement orienté. A ce titre, l’exemple de la première page et les commentaires de la députée sont édifiants. On nous a montré très rapidement une vignette avec un tableau illisible de tous les régimes de retraites actuels, écris en tout petit, avec plein de cases partout. Et la députée de dire ‘ce tableau est illisible mais c’est volontaire’.
Il est juste à l’image du travail fait par le néolibéralisme depuis des décennies. Faire penser aux gens que tout est trop compliqué et qu’il va donc falloir tout simplifier. C’est comme si demain on présentait l’Histoire de l’humanité condensée en tout petit sur une frise illisible. Les régimes de retraites sont le fruit de l’histoire. Il n’y a pas forcement de problème dans le fait qu’un système soit compliqué. Le problème serait qu’il soit inefficace. Ce qui n’a d’ailleurs jamais été dit par les députés, puisque le système est efficace dans la plupart des cas. Nous ne disons pas qu’il ne peut pas être amélioré. Mais pour autant simplification et amélioration sont deux choses très différentes.
Comment, sans un travail de propagande commencé il y a des décennies, dans le but de nous diviser, et dont les députés qui organisent ces soirées se font les chantres, le peuple aurait il été amené à penser que s’il existe des systèmes de retraites plus avantageux, de santé ou autre, cela nuit à leur condition. Comment, sans ce travail acharné et incessant de modification des esprits aurions nous pu abandonner à ce point l’esprit de solidarité qui régnait après la seconde guerre mondiale lorsque ces systèmes de protection ont été mis en place et ont permis d’anéantir presque complètement l’indigence dans laquelle devaient vivre les plus vieux et les plus pauvres. Comment sans ce travail de propagande auraient ils pu chasser de la plupart des esprits le lien de cause à effet entre la mauvaise réparation des richesses et la détérioration des conditions de vie de la majorité.

Heureusement le mouvement des Gilets Jaunes est passé par là, à ouvert les yeux à beaucoup d’entre nous sur cette manipulation des esprits. Et nous inviter à ce genre de ‘débat’ fait partie de ce travail d’apprentissage. Nous l’avons dit en partant, nous reviendrons.

- Partie 1

P.-S.

(1). Concernant Mr Laurent Pietraszewski, on trouve que depuis 1990 et jusqu’à son election en tant que député EM il a été en fonction au sein du groupe auchan au sein des ressources humaines au département « évaluation professionnelle et gestion des carrières ». Au niveau politique, juste après son engagement pour EM il a été nommé rapporteur d’une des fumeuses loi travail qu’EM a fait passer juste après son élection. Voici ce que l’on peut trouver dans l’article du site entreprises.news le 11 juillet 2017 intitulé « Cet ancien DRH d’Auchan qui sauve les ordonnances de Macron » : « Reste, évidemment, la question la plus délicate qui plane : le rapporteur, ancien salarié d’Auchan, favorise-t-il l’intérêt de son ex- employeur ? Les mauvaises langues ne tarderont pas à dire que oui. Les ordonnances font en effet la part belle aux grandes entreprises. Et la grande distribution dont le rapporteur est issu est concernée au premier chef par ce sujet ».

Illustration : M. Laurent Pietraszewski


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