Par où commencer ?
A la suite de l’appel des soulèvements de la terre et à la réelle problématique du partage de l’eau et de son accaparement, nous sommes partis dès mercredi pour Melle pour donner de l’aide à l’organisation. Mais je vais passer directement à ce qui c’est passé Samedi. Je sais que les images ont déjà circulé en boucle sur les réseaux, mais chaque témoignage personnel est important en ce qui concerne la boucherie qui a eu lieu… Il faut que la vérité éclate avec l’intensité des 4000 grenades qu’ils nous ont balancés dans la gueule.
Mes doigts en tremblent encore ce lundi matin où je tape ces mots sur le clavier. J’écris, il n’y a que ça pour m’apaiser. Ceci est une mini-partie de tout ce qui est arrivé ce jour là, sans aucun recul sur cet immense champs de bataille, nous n’avions pas la possibilité de voir tout ce qui se passait en même temps.
Nous étions dans le cortège Loutre Jaune, nous savions en conscience que c’était le groupe « Deter », nous savions aussi que les forces de l’ordre seraient violentes, nous étions équipés, très bien équipés même, armés de nos lunettes, de masques et de parapluies nous avions la volonté de « protéger » et d’être sur le front.
Lorsque nous arrivons sur place, nous voyons cette méga-bassine au milieu de rien, entourée de gendarmes sur armés, de leurs fourgons et canons à eaux. En hauteur, perchés au sommet de la bassine, des tireurs sont postés. Une véritable forteresse ! Sauf qu’au temps des château forts, les deux parties étaient armés, 99% d’entre nous n’avaient que leur présence humaine et pour certain, des cailloux…
Une toute petite partie du cortège fait déjà face aux forces de l’ordre à ce moment là, les lacrymo et les grenades détonnent toutes les 2 secondes.
Levé des parapluies, nous courrons rejoindre les camarades. Avec des pelles et de la terre, les lacrymo sont enterrées pour les désamorcer, certaines personnes arrivent à les renvoyer avec leurs raquettes de tennis, très vite, les premiers blessés, une personne tombe à quelque mètres de nous, il y a tellement de gens qui courent, de bruits de grenades, qu’on arrive pas à savoir par quoi il a été percuté sur le coup, les médics le prennent en chargent et nous les accompagnons pour que la victime puissent être déplacée hors de la boue et des projectiles. La personne en question est vraiment mal en point, du sang sort de ses oreilles, de son nez et de sa bouche, nous faisons un cordons de sécurité autour, on crie au médic pour avoir de l’aide. Les médecins sont efficaces et restent calme malgré le fait qu’eux-mêmes finissent par avoir du sang de la victime sur leur blouse. Non loin, le bruit des grenades incessant continue. Le gaz lacrymogène arrive a nouveaux jusqu’à nous alors qu’on essaye en vain de le maintenir éveillé, on le déplace à nouveau difficilement avec le plus de précautions possible pour sa sécurité. Au loin, nous voyons arriver une brigade en quad tirant sur les gens tels des cow-boys !
La personne blessée mise au calme et entouré de suffisamment de médic, nous retournons au front, à droite, le canon à eau est au taquet, les voitures de gendarmes brûlent et je ne peux m’empêcher de ressentir un petit sentiment de victoire. Une nouvelle personne est blessée et nous le portons aux secouristes, la première victime y est encore, les médecins continuent encore à le penser et à changer les bandages. Il a des hémorragies internes, le but à présent est d’essayer de le maintenir en vie… Je ne comprend pas pourquoi les secours ne sont pas encore là et la sentence tombe, ils sont bloqués par les forces de l’ordre, j’ai la rage... nous restons à nouveau à leurs cotés, car la personne que nous avons amené est en état de choc et a besoin de soutient, iel a peur d’aller à l’hôpital, car il y a des balances là bas et iel pourrait finir en GAV.
Une fois accompagné par un médecin et en sécurité, nous retournons au front et les soulèvements de la terre appellent à se retirer. Mais moi, à ce moment là, je suis tellement la tête dans le guidon que je vois plus ce qu’il se passe vraiment autour de moi, je crois même que je suis tellement dans le déni de la violence vécu que lorsque j’entends qu’on arrête parce que les street médic n’ont plus de matos, sur le coup, je m’agace en demandant pourquoi ? Ils ont pas prit ce qu’il fallait ? Et là, on me dit qu’il y a près de 200 blessés ! Je n’arrive pas encore à réaliser… C’est au retour au campement que je vois vraiment beaucoup de personnes abîmées au visage par des LBD, des éclats de grenades, les bandages sur la tête, les jambes, les bras, certains n’arrivent pas à marcher. Sur le retour on nous propose de monter une serre ??? C’est quoi ce délire ? On vient de vivre une guerre… PFFF….. Nous rentrons au campement, les détonations continuent car les militants font péter leurs réserve afin de ne pas se faire choper avec. Des voitures ont été saccagées par des pro bassines pendant notre absence.
Dans notre véhicule, on écoute le discours odieux et mensonger de Darmanin, c’est un coup de massue supplémentaire... 2h après, on arrive enfin à Melle, et là bas, c’est la fête, les soulèvements de la terre s’applaudissent de la victoire parce qu’au retour iels ont réussit à saboter les canalisation. C’est festif au possible, mais moi je n’y arrive pas, j’arrive pas à danser et à sourire, je vois le visage du camarade en sang dans ma tête, je prend conscience en pleine gueule de toute la violence qu’il y a eu pourquoi ? Pour des bassines vides !! L’État était prêt à tant de violence pour protéger ça et perpétuer dans sa connerie ?
Pourquoi les gendarmes n’ont pas baissés les armes à un moment en se disant que cette bassine à la con avait moins de valeur que toutes ces personnes venues du monde entier pour préserver l’eau ? J’entends aussi des gens autour de moi démunis qui on le sentiment d’avoir été de la chair à canon pour faire le buzz médiatique pour les soulèvements…
Non… Ce soir là, je n’ai pas eu le goût de la fête, juste une profonde amertume au fond de mon coeur.
Je ne remercierais jamais assez les camarades qui on été présent.e.s, la solidarité était incroyable et je sais à présent que nous pourrons compter les un.es sur les autres. Quand aux flics, je faisais avant une distinction entre la police et la gendarmerie, mais quand je crierais mort aux vaches, ils seront tous dans le même panier !