Un article sur le soulèvement paysan en Inde né de l’opposition à des mesures libérales infligées au secteur agricole, complété par quelques remarques sur les 4 principales multinationales capitalistes qui dominent le secteur du négoce agricole, ABCD - Archer Daniels Midland, Bunge, Cargill et le français Dreyfus - qui contrôlent jusqu’à 75% à 90% du commerce mondial des céréales.
- L’agro-industrie capitaliste mondialisée et financiarisée étrangle les petits paysans en Inde et partout ailleurs
- Le capitalisme dévore tout et concentre les leviers entre quelques mains, même pour des produits vitaux
INDE. 12.05.2021. COVID : MODI EST UN DANGER POUR LE MONDE ENTIER LE SOULÈVEMENT PAYSAN SE BAT POUR NOUS TOUS, ET BIEN PLUS QUE NOUS LE PENSONS
AIDONS-LE, FAISONS-LE CONNAÎTRE !
A l’heure où le Gange charrie des cadavres probablement dus au covid, des instituts de santé britanniques et américains estiment que le variant indien du covid fait sans doute actuellement plus de 30 décès par minute en Inde étant donné sa virulence et sa contagiosité. Or l’Asie du Sud commence elle-même a être contaminée. Les services hospitaliers du Sri Lanka, du Nepal et des Maldives sont débordés. Ceux du Pakistan et du Bangladesh commencent à atteindre leurs limites, l’Asie du Sud-Est est menacée et 44 pays dans le monde ont recensé la présence du variant indien sur leur territoire.
Personne ne sait bien sûr comment tout cela peut évoluer, mais la Fédération Internationale de la Croix Rouge avertit que sans action sanitaire coordonnée importante d’urgence, on avance vers une catastrophe humaine d’une dimension qui pourrait être mondiale.
Modi a détruit ce qui restait du système de santé publique en Inde, les hôpitaux manquent de tout et les indiens meurent.
Mais Modi étend aussi le covid dans tout le pays et au-delà par ses mesures de confinement et de couvre-feu qui privent les travailleurs « migrants » (originaires de la campagne et qui travaillent en ville) de leur travail, de leurs revenus, de leurs logements et les obligent à retourner dans leurs campagnes natales pour tenter d’y survivre... mais aussi y propager le virus. Entassés dans des transports bondés, dormant à même le sol dans des gares archi-pleines, sans aucun test ni mesures sanitaires, ils étendent l’épidémie dans des villages où n’existent aucun système de santé.
Or, il y a beaucoup plus que 100 millions de travailleurs migrants en Inde, dont beaucoup proviennent des castes et tribus les plus basses et les plus pauvres. Ils travaillent sur des chantiers précaires dans des secteurs allant de la construction et des briqueteries aux travaux ruraux ou domestiques ou encore comme petites marchands ambulants. Leurs migrations sont négociées et organisées par des entrepreneurs qui profitent des dettes de ces travailleurs. Aujourd’hui, beaucoup de femmes de ménages ou de domestiques sont chassés de leur travail sans rien parce que leurs employeurs craignent qu’ils ne soient contaminés.
Par ailleurs, plus de 90% de la main-d’œuvre « industrielle » ou urbaine indienne travaille dans l’économie informelle sans aucune protections sociales, dont 75% sont des migrants. Le petit pourcentage de la main-d’œuvre qui reste encore dans l’économie « protégée » par des lois est poussé dans l’économie informelle à une vitesse vertigineuse. Les conditions de travail et les conditions d’emploi de la grande majorité de cette main-d’œuvre, en particulier dans les zones urbaines, rappellent la phase initiale de l’industrialisation où les droits sociaux contre la maladie, la vieillesse, le chômage n’existaient pas, pas plus que la sécurité et la dignité.
Le travail dans l’économie informelle souvent journalier signifie une insécurité totale : il se peut que vous deviez travailler 12 heures par jour chaque jour pendant tout le mois ce qui n’assure pas toujours un repas quotidien ou que vous ne travailliez que quelques jours par mois. Et si vous ne travaillez pas un jour, ce jour-là, il n’y a pas de dîner pour vous et votre famille. Comme les travailleurs « migrants », ces travailleurs du secteur informel, avec le confinement, perdent leur travail, c’est-à-dire leur revenu, sans aucune aide sociale.
Le covid et le confinement signifient donc à terme pour cette main-d’œuvre désespérée et précaire, qui vit dans des conditions d’esclavage, où le contrôle réel de leur vie est un rêve lointain, la mort de faim en plus du risque du covid.
Or cette destruction du tissu social de grande dimension en Inde est largement responsable de l’extension extrêmement rapide de l’épidémie. Les migrations de ces travailleurs en sont un des mécanismes.
Cette destruction du tissu social indien date de la colonisation britannique et c’est sur cette sur-exploitation qu’a reposé la révolution industrielle dans le monde. Ce délitement du tissu social a un peu reculé avec les indépendances, mais a par contre pris un nouvel essor important avec le tournant libéral des années 1990 encore accéléré par les années de pouvoir de Modi depuis 2014, qui avait l’objectif de détruire ce qui pouvait rester de services publics et de protections étatiques, notamment contre les petits paysans, le secteur qui résistait le plus à la libéralisation de l’économie.
Car en effet, le secteur paysan, malgré ses difficultés, est certainement bien moins atomisé socialement que le secteur industriel et résiste de toutes ses forces depuis des décennies et tout particulièrement depuis 6 mois au délitement social que voudrait lui imposer le gouvernement.
Modi n’essaie pas seulement de détruire les protections étatiques du monde rural et ses solidarités pour les capitalistes de l’agro-alimentaire indien comme Ambani et Adani. Ces derniers ne font que donner une saveur locale à sa politique qui est en fait dictée par des groupes mondiaux, les 4 principaux capitalistes qui dominent le secteur, ABCD - Archer Daniels Midland, Bunge, Cargill et le français Dreyfus - qui contrôlent jusqu’à 75% à 90% du commerce mondial des céréales.
Le but de ces derniers en détruisant ce qui reste de protections étatiques pour les paysans indiens - comme ailleurs-, mais le monde paysan indien est celui qui résiste le plus et avec une dimension colossale, est de diviser la production agricole mondiale d’une manière qui soit géographiquement pratique pour les entreprises, et pas du tout utile pour les besoins en nourriture de la population de chaque pays. Cela pourrait signifier par exemple que le riz et le blé pourraient être cultivés dans une partie du monde, qu’une autre partie serait spécialisée seulement dans certains légumes ou fruits tandis que d’autre encore pourraient l’être pour le maïs, la moutarde, le colza, ou le bois, etc. sans laisser aucune place aux cultures vivrières
Alors quand les paysans indiens - et d’autres dans le monde - résistent à ces transformations, leur combat n’est pas qu’indien mais à des répercussions mondiales. Ils nous protègent de la pandémie parce que la pandémie actuelle dans la configuration que souhaitent les grands capitalistes, sans la production vivrière des petits paysans, avec l’atomisation sociale qu’elle implique, nous aurait conduit à un génocide aux proportions énormes du fait de la perturbation généralisée des chaines d’approvisionnement alimentaire dans le monde.
En ce sens, la résistance paysanne à Modi depuis 6 mois, nous protège tous dans le monde du covid et des épidémies à venir.
Leur combat économique pour leur survie et politique contre la dictature de Modi rejoint bien sûr, celui de tous les travailleurs et des écologistes dans le monde mais il se trouve par leur situation particulière de 600 millions de paysans dans un des plus grands pays agricoles du monde, à l’épicentre des combats contre les problèmes de changement climatique et des calamités entraînées par de plus en plus de pandémies et d’épidémies à venir dans le monde.
C’est probablement pour cela que la presse française, fait obstinément silence sur le combat des paysans indiens. Elle et ses milliardaires sont intéressés à leur défaite.
Face à cela, nous devons faire connaitre le combat des paysans, sa signification, sa portée et son importance pour nous tous et tout faire pour les aider, ne serait-ce qu’en commençant par briser la chape de silence que les médias français, notamment, imposent sur ce soulèvement paysan indien.
Post de Jacques Chastaing
Inde : malgré le cataclysme du covid, les paysans marchent à nouveau vers Dehli - Le soulèvement paysan est plus fort que jamais face à un gouvernement qui panique et qui montre tous les jours un peu plus à de plus en plus de monde, qu’il se fiche totalement de l’ensemble de ses concitoyens, pour juste essayer de sauver les affaires d’une infime minorité de milliardaires.
- L’agro-industrie capitaliste mondialisée et financiarisée étrangle les petits paysans en Inde et partout ailleurs
- Le capitalisme dévore tout et concentre les leviers entre quelques mains, même pour des produits vitaux
Les multinationales des matières premières agricoles
Le capitalisme marchandise tout à outrance, y compris les produits agricoles essentiels.
Dans le secteur agro-industriel, il n’y a pas que les enseignes de supermarchés et les fabricants de pesticides qui posent problème, on trouve aussi les multinationales géantes (dont le français Dreyfus) qui accaparent les terres, détruisent les cultures vivrières et les petits paysans, jouent les denrées agricoles de base en Bourse, et répartissent les productions selon leurs intérêts et leurs jeux concurrentiels :
Bolloré, Crédit agricole, Louis Dreyfus : ces groupes français, champions de l’accaparement de terres - Alors que 868 millions de personnes souffrent de sous-alimentation, selon l’Onu, l’accaparement de terres agricoles par des multinationales de l’agrobusiness ou des fonds spéculatifs se poursuit. L’équivalent de trois fois l’Allemagne a ainsi été extorqué aux paysans africains, sud-américains ou asiatiques. Les plantations destinées à l’industrie remplacent l’agriculture locale. Plusieurs grandes entreprises françaises participent à cet accaparement, avec la bénédiction des institutions financières. Enquête.
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En ces périodes de tensions alimentaires et de dérèglements climatiques, c’est bien l’agriculture qui semble être l’investissement le plus prometteur. « En 5 ans, nous sommes passés de 800 millions à 6,3 milliards de dollars d’actifs industriels liés à l’agriculture », se réjouissait le directeur du conglomérat, Serge Schoen. Le groupe Louis Dreyfus illustre la course effrénée à l’accaparement de terres agricoles dans laquelle se sont lancées de puissantes multinationales. Sa holding figure parmi les cinq premiers gros traders de matières premières alimentaires, avec Archer Daniels Midland (États-Unis), Bunge (basé aux Bermudes), Cargill (États-Unis) et le suisse Glencore. Ces cinq multinationales, à l’acronyme ABCD, font la pluie et le beau temps sur les cours mondiaux des céréales.
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expropriation des paysans, destruction de la biodiversité, pollution par les produits chimiques agricoles, développement des cultures OGM... Sans que les créations d’emplois ne soient au rendez-vous.
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Les acteurs de l’accaparement des terres, privés comme publics, sont persuadés – ou feignent de l’être – que seul l’agrobusiness pourra nourrir le monde en 2050. Leurs investissements visent donc à « valoriser » des zones qui ne seraient pas encore exploitées. Mais la réalité est tout autre, comme le montre une étude de la Matrice Foncière : 45% des terres faisant l’objet d’une transaction sont des terres déjà cultivées. Et un tiers des acquisitions sont des zones boisées, très rentables lorsqu’on y organise des coupes de bois à grande échelle. Des terres sont déclarées inexploitées ou abandonnées sur la foi d’imageries satellites qui ne prennent pas en compte les usages locaux des terres.
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Banques et assurances françaises se sont jointes à cette course à la propriété terrienne mondiale. L’assureur AXA a investi 1,2 milliard de dollars dans la société minière britannique Vedanta Resources PLC, dont les filiales ont été accusées d’accaparement des terres. AXA a également investi au moins 44,6 millions de dollars dans le fond d’investissement Landkom (enregistré dans l’île de Man, un paradis fiscal), qui loue des terres agricoles en Ukraine. Quant au Crédit Agricole, il a créé – avec la Société générale – le fonds « Amundi Funds Global Agriculture ». Ses 122 millions de dollars d’actifs sont investis dans des sociétés telles que Archer Daniels Midland ou Bunge, impliquées comme le groupe Louis Dreyfus dans l’acquisition de terres à grande échelle.
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on ne compte plus les entreprises et les fonds d’investissement français qui misent sur les terres agricoles. Bonduelle, leader des légumes en conserve et congelés, possède deux fermes de 3 000 hectares en Russie où il cultive haricots, maïs et pois. La célèbre marque cherche à acquérir une nouvelle exploitation de 6 000 ha dans le pays. Fondée en 2007 par Jean-Claude Sabin, ancien président de la pieuvre Sofiproteol (aujourd’hui dirigée par Xavier Beulin président de la FNSEA), Agro-énergie Développement (AgroEd) investit dans la production d’agrocarburants et d’aliments dans les pays en développement. La société appartient à 51% au groupe d’investissement LMBO, dont l’ancien ministre de la Défense, Charles Millon, fut l’un des directeurs. Les acquisitions de terres agricoles d’AgroEd en Afrique de l’Ouest sont principalement destinées à la culture du jatropha, transformé ensuite en agrocarburants ou en huiles pour produits industriels.
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S’agit-il d’aider les populations rurales des pays pauvres à produire leurs propres moyens de subsistance ou de favoriser les investissements de l’agrobusiness et des fonds spéculatifs sous couvert de politique de développement et de lutte contre la malnutrition ? Les dirigeants français préfèrent regarder ailleurs, et stigmatiser l’immigration.
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- L’agro-industrie capitaliste mondialisée étrangle les petits paysans en Inde et partout ailleurs
- Monoculture géante de palmiers à huile, pour l’agro-industrie alimentaire ou l’industrie des carburants
Les pays pauvres sont riches en terres et en forêts, pillées par des multinationales avec la bénédiction des Etats endettés.
Le chaos écocidaire marchand et financier s’applique aux produits agricoles : blé, soja, riz... et agrocarburants.
Nourrir (mal) l’humanité est un prétexte pour les multinationales pour engranger du pouvoir et appliquer les recettes du profit maximum, peu importe l’écologie et les questions sociales.
Cette logique du toujours plus, de la croissance menant à la concentration des acteurs, de la spécialisation, des cultures d’exportation a mené en Inde à une révolte paysanne très soutenue par les classes les plus exclues.
Les pays non complètement industrialisés comme l’Inde, où les petits paysans sont encore nombreux, représentent un Eldorado pour les transnationales de l’agro-alimentaire, elles y voient des terres à piller et des marchés importants à prendre.
D’autant que les « agro-carburants » deviennent souvent plus profitables que les produits alimentaires. On devra donc se nourrir de carburants ? Ou tout uniformiser en fonction des exigences des multinationales comme dans le film Idiocracy où le produit industriel vert « Brawndo », qui est plein d’électrolytes, paraît plus approprié que l’eau pour boire et arroser les sols ??
Mais les indiens résistent, sont prêts à se battre jusqu’au bout.
Comment les soutenir dans cette lutte qui nous concerne toutes et tous ?
Il est sûrement difficile de boycotter ces multinationales (voir le site lié à la multinationale française Dreyfus - Céréales, oléagineux, sucre, éthanol, café, coton, lait, métaux, engrais, canne à sucre, agrumes... - industrie des biocarburants, du fret maritime et des instruments financiers - Infos sur les activités) car elles sont partout, elles sont en amont de la grande distribution, et la liste des ingrédients des produits emballés n’indiquent ni l’origine des matières premières ni la chaîne des entreprises qui les produisent, transportent et traitent.
N’acheter que des produits locaux traçables de saison, que des produits hors du circuit industriel, refuser les carburants contenant du « biocarburant » ?
Si on veut que l’écocide planétaire s’arrête que tous les humains puissent avoir la possibilité de vivre décemment, il faudra d’un côté démanteler ces groupes et toute la chaîne qui va avec, et de l’autre faire grandir l’autonomie locale via de multiples petits paysans, une alimentation très largement vidée de produits exotiques et industriels. Le tout bien sûr sans capitalisme ni autre forme d’exploitation et de domination des sociétés.
On a laissé venir des monstres, une méga-machine, qui, c’est lié à leur « fonctionnement », dévorent tout pour exister. A présent il faudra les mettre hors service et faire autre chose, afin que nous et les autres vivants puissions continuer à exister !
Sur les « agro-carburants, voici un extrait édifiant de l’article »Les cinq mythes de la transition vers les agro-carburants" :
Pour les grandes sociétés céréalières, certainement. Qu’elles s’appellent ADM, Cargill ou Bunge, elles sont les piliers de l’agroalimentaire. elles sont entourées d’une cohorte tout aussi puissante de transformateurs de matières premières et de distributeurs, eux-mêmes associés à des chaînes de supermarchés d’un côté et, de l’autre, aux sociétés de l’agrochimie, des semences et du machinisme agricole. Sur 5 dollars consommés pour la nourriture, 4 dollars correspondent à l’activité de l’ensemble de ces sociétés. Or, depuis un certain temps, la partie production a souffert d’une « involution » : des quantités croissantes d’investissements (intrants chimiques, ingénierie génétique et machinisme) n’ayant pas augmenté les taux de productivité de l’agriculture, le complexe agroalimentaire doit dépenser plus pour récolter moins.
Les agro-carburants sont la réponse parfaite à cette involution. Subventionnés et en phase de croissance alors que le pétrole recule, ils facilitent la concentration entre les mains des acteurs les plus puissants des industries de l’alimentation et de l’énergie.
Malheureusement, la transition vers les agro-carburants souffre d’une tare congénitale. Ceux-ci entrent en compétition avec la nourriture pour les terres, pour l’eau et pour les ressources. Développés à leur extrême, ils seront utilisés pour produire... des agro-carburants. Une proposition pathétique au point de vue thermodynamique. Ils nous obligent à vivre au-dessus de nos moyens. « Renouvelable » ne veut en effet pas dire « sans limites ». Même si les cultures peuvent être replantées, la terre, l’eau et les nutriments demeurent limités.
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