155 assignations à résidence en vue des JO : « une vague de répression attendue mais colossale »
Ce mercredi, Gérald Darmanin a indiqué que 155 mesures d’assignations à résidence avaient été lancées en lien avec les JO. Une vague de répression qui s’appuie sur des outils forgés par le PS et reflète les craintes de l’exécutif dans un contexte de forte crise politique.
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Parmi ces mesures, on compte en premier lieu des refus d’accréditation, permettant au ministre d’interdire à certaines personnes d’accéder aux Jeux selon des critères largement arbitraires, visant notamment « 131 personnes fichées S, 18 personnes fichées pour radicalisation islamiste, 167 personnes fichées à l’ultragauche et 80 à l’ultradroite ». Mais la répression ne s’arrête pas là : 164 perquisitions et 155 assignations à résidences administratives - appelées « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) » - auraient été réalisées en lien avec les JO 2024. « Une vague de répression attendue mais colossale »
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En particulier, le recours massif à des assignations à résidence administratives est loin d’être anodin, comme l’explique l’avocate : « Les assignations à résidences administratives, c’est le règne de l’arbitraire. Le ministre de l’Intérieur, après information du procureur, peut tout simplement contraindre une personne à rester chez elle : vous recevez une lettre et tant que vous n’avez pas contestée la mesure devant le tribunal administratif, c’est à dire devant l’État qui se juge lui-même, vous devez rester chez vous, au risque de recevoir une sanction pénale lourde ». Alors qu’elles visent généralement des personnes sortant de prison « dans la continuité de la peine », « la nouveauté avec les JO, c’est que l’on voit beaucoup personnes visées alors qu’elles n’ont jamais eu de condamnation, ou alors il y a très longtemps »
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« C’est une procédure qui a été énormément utilisée après les attentats de 2015 par le PS, qui a décrété et prolongé l’état d’urgence à répétition, et qui s’est servi des assignations à résidence pour enfermer des parts entières de la population musulmane, mais aussi des militants de ce qu’il a lui-même commencé à appeler ’l’ultra-gauche", à commencer par des militants écologistes dans le cadre de la répression de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, explique Me Elsa Marcel. Depuis la loi SILT de 2017, c’est devenu un outil commun du dispositif juridique. ». Une procédure qui, dès son introduction, est utilisée par les forces de gouvernement comme une arme de répression politique.
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Recours au nettoyage social, aux QR codes, à la vidéo surveillance, à la pénalisation directe et désormais assignations a résidence... Plus encore avec le discrédit jeté sur le gouvernement dans une séquence politique marquée par l’instabilité, c’est définitivement sous le signe du tout répressif que l’exécutif est contraint d’aborder les JO. Une situation qui doit être dénoncée par l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier, à l’heure où les artistes de la cérémonie d’ouverture montrent la voie à suivre en menaçant d’entrer en grève.
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Entretien avec Me Pascual et Me Kempf
L’état d’urgence permet toutes sortes de mesures administratives contraignantes utilisées depuis un an contre une multiplicité de gens toujours plus grande. Face à elles, il ne s’agit pas de faire valoir un bon usage de l’état d’urgence, restreint à la prévention de la « menace terroriste » mais plutôt de comprendre dans les détails les rouages de cette machine afin de l’affronter par tous les moyens possibles. Ici, A. Pascual et R. Kempf, avocats au barreau de Paris, décryptent dans le détail deux outils permis par la loi sur l’état d’urgence : les assignations à résidence et surtout les interdictions de manifester que l’on a vu se multiplier au printemps. Attendu que l’État ne se privera pas d’en redistribuer s’il en venait à expulser la ZAD et à bien d’autres occasions encore, ces avocats conseillent également quelques moyens pour se défendre, voire pour contre-attaquer.
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il y a une logique préventive – dans le langage du pouvoir – qui s’applique à des gens qui n’ont pas commis de délits. Comme dans Minority Report de Philip K. Dick : on prend des mesures contre quelqu’un parce que l’on pense qu’il va commettre une infraction. On assiste à un changement de paradigme qui pose problème car notre système judiciaire s’est construit sur l’idée que des personnes ne peuvent être punies que si l’on démontre qu’elles ont commis un acte préalablement interdit par la loi. Ici, on est presque dans le délit d’opinion : on reproche aux gens des idées, des comportements qui ne sont pas forcément punis par la loi mais qui laissent penser que la personne pourrait être dangereuse et commettre des délits. Les termes de la loi sur l’état d’urgence sont vagues et laissent le champ libre à l’administration pour les interpréter. Celle-ci se fonde sur des notes blanches, c’est-à-dire des documents écrits par les services de renseignement mais qui n’ont ni dates, ni signatures, ni auteurs : on ne sait pas d’où elles émanent. Elles affirment qu’un individu est dangereux parce qu’il aurait proclamé un jour qu’il était favorable à Daech ou qu’il aurait participé à telle manifestation.
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