Plusieurs posts de Jacques Chastaing sur la situation du soulèvement paysan en Inde, et sur les pays alentour.
Des infos qui ne sont pas, ou très peu, mises en avant dans les médias du pouvoir, qui ne voudraient pas que ce mouvement indiens de révolte historique se répande ailleurs.
INDE.31.03.2021. LE SOULÈVEMENT APPELLE A UNE MARCHE GÉNÉRALE SUR LE PARLEMENT DÉBUT MAI APRÈS AVOIR CÉLÉBRÈ LE 1er MAI ENSEMBLE AVEC LES OUVRIERS
Aujourd’hui 31 mars les leaders du soulèvement paysan ont appelé l’ensemble de la population à marcher sur le Parlement indien à Delhi la première semaine de mai, sans encore avoir fixé de date précise mais après le 1er mai qu’ils organiseront conjointement avec les organisations ouvrières.
D’autre part, pour la première fois, les paysans ont pu organiser un mahapanchayat avec des pécheurs au bord de l’océan dans l’Etat du Tamil Nadu, 1er mahapanchayat également dans cet Etat. Ainsi, petit à petit, la révolution mahapanchayat continue son petit bonhomme de chemin et étend le pouvoir de la démocratie directe et du mouvement paysan à d’autres Etats et d’autres catégories professionnelles, interdisant toute activité politique et sociale aux représentants du BJP et du JJP ( parti au pouvoir et un de ses alliés) dans les Etats de l’Haryana, du Pendjab et à l’Ouest de l’Uttar Pradesh.
Par ailleurs, le blocage de la principale plateforme logistique du pays continue tout autant que les péages autoroutiers gratuits depuis 5 mois et les blocage des stations d’essence du groupe Reliance principal soutien à Modi
INDE.30.03.2021 LE SOULÈVEMENT PAYSAN ANNONCE QU’IL COUPERA L’ÉLECTRICITÉ AUX BÂTIMENTS GOUVERNEMENTAUX
Bien que l’Inde entière soit en partie arrêtée par la célébration des fêtes nationales de Holi et Hola Mohalla, le soulèvement paysan a réussi à donner sa marque à ces fêtes traditionnelles où on brûle symboliquement le Mal en faisant brûler un peu partout des mannequins et effigies du président Modi et des deux principaux capitalistes qui le soutiennent Adani et Ambani (dont les produits sont boycottés et dont la principale plateforme logistique est à l’heure actuelle bloquée par un piquet de paysans et d’ouvriers, de jeunes et de femmes).
Pour les jours qui viennent le soulèvement paysan a annoncé d’une part qu’il couperait l’électricité aux bâtiments gouvernementaux tenus par le BJP (parti au pouvoir) et ses alliés dans 16 Etats du pays et d’autre part qu’il allait s’attaquer au cœur du pouvoir de Modi, l’Etat du Gujarat, tenu d’une main de fer par sa police mais où les paysans commencent à gronder et ont annoncé qu’ils allaient tenir eux aussi des Mahapanchayat pour défier le pouvoir de Modi, comme dans le reste du pays.
Le mouvement paysan a montré lors du blocage général du pays du 26 mars qu’il avait un large soutien de la population. Cependant pour gagner, il lui faudra passer d’un large soutien des classes populaires au combat commun mené avec les ouvriers et les employés en utilisant l’outil de la grève seul à même de faire céder le pouvoir.
Le soulèvement paysan l’a compris qui essaie par tous les moyens de s’adresser aux ouvriers et employés en leur proposant le combat commun et reprenant à son compte leurs revendications pour en faire un soulèvement commun paysan/ouvriers.
Il a marqué plusieurs points dans ce sens en mars en réussissant à forcer les principales directions syndicales ouvrières à mener des actions communes contre les privatisations du secteur public qui touchent toute la population puisque Modi veut tout privatiser et dans la journée de blocage général.
Cependant jusqu’à présent, les directions syndicales ouvrières ont réussi à mener le double jeu de paroles de soutien et de rien de concret derrière. Ainsi contre les privatisations ou pour la journée de grève générale du 26 mars, elles ont déclaré qu’elles participaient mais n’ont rien fait pour mobiliser et peut-être même au contraire.
Leur problème est que ce qui fait la force du soulèvement paysan, y compris dans l’opinion, c’est qu’il n’est pas lié aux partis qui dirigent le pays en alternance depuis des décennies mais qu’il n’est lié qu’aux intérêts paysans, alors que les principales confédérations syndicales ouvrières sont, elles, très liées aux partis et placent leur politique dans le sillage de leurs calculs électoraux, pour au fond, ne rien changer au système et ne pas du tout passer par le rue pour changer quoi que ce soit. Ainsi, se contentent-elles de journées d’action sans suite, sans plan, le plus souvent par profession, par Etat et sans aucune efficacité.
Le soulèvement paysan qui, lui, est général et politique et sait très bien que pour avoir satisfaction il faudra renverser Modi, essaie de passer par dessus ce frein et l’a montré plusieurs fois par sa tactique mais n’a pas réussi jusqu’à présent.
La prochaine échéance sérieuse dans la construction d’une coordination paysans-ouvriers sous le contrôle de la base se place autour de la lutte conte la privatisation des ouvriers de l’aciérie Vizag dans l’Andhra Pradesh.
En effet, les ouvriers de base de cette aciérie (33 000 salariés et bien plus de sous-traitants) ont pris au sérieux la lutte contre la privatisation. Ce qui caractérise cette lutte, c’est l’intervention massive de la base dans le conflit qui l’influence fortement. Ainsi ils ont réussi à entraîner une bonne partie de la population de l’Etat - qui fait 50 millions d’habitants- , avec eux avec déjà trois grèves générales dont une spontanée de trois jours bien suivies partout dans l’Etat, et une menace de grève illimitée avec blocage total de l’Etat dans les jours qui viennent, avec pour cela, surtout, un appel au soulèvement paysan pour mener cette lutte en commun. Bien sûr, les paysans ont répondu positivement et si ça avait lieu, cette coordination de l’Andhra Pradesh pourrait s’étendre à tout le pays pour faire une coordination nationale paysans-ouvriers.
Mais l’Etat de l’Andhra Pradesh est dirigé par le parti du Congrès, grand parti bourgeois de centre gauche qui dirige le pays en alternance avec le BJP et qui ne veut pas remettre en cause le capitalisme en Inde mais qui est le principal parti d’opposition au BJP aujourd’hui. Or certains de ses membres ou alliés se trouvent à la tête d’une partie des syndicats qui participent à l’animation de la lutte à l’aciérie Vizag et font tout pour empêcher la base de e coordonner avec les paysans.
Ainsi il avait été annoncé un meeting commun avec les leaders paysans pour lancer la grève illimitée, mais les directions syndicales ont réussi - jusqu’à présent - à repousser ce meeting et à la remplacer par une grève de la faim des leaders ouvriers, qui est évidemment une impasse.
On en est là. On verra dans les prochains jours comment se dénouera la situation, mais quoi qu’il en soit, ce genre de situation ne peut que se représenter (c’était déjà arrivé au début du mouvement paysans avec les chauffeurs de bus de Bengalore qui avaient fait appel aux paysans et du coup avaient gagné) tant que les paysans mainti
PAKISTAN : L’OPPOSITION A SABOTÉ UN MOUVEMENT SOCIAL HISTORIQUE POUR DE PETITS INTÉRÊTS ÉLECTORALISTES MAIS LE MOUVEMENT CONTINUE DANS LA RUE
Cela fait des mois et des mois que la contestation sociale occupe l’actualité au Pakistan, avec le covid, contre la vague de privatisations, les licenciements, les salaires baissés ou non payés, contre la misère qui frappe ouvriers et paysans ou sans emplois contre également les violences policières et ethniques.
Sur ce fond de luttes sociales importantes des ouvriers des aciéries, des enseignants, des personnels de santé, des fonctionnaires, des paysans, des journalistes..., il s’était constitué il y a 6 mois un front politique de 11 organisations d’opposition - le PDM (Pakistan Democratic Movment) dont plusieurs ont déjà fait partie des gouvernements précédents- s’appuyant sur cette colère sociale pour virer le gouvernement en « allant le chercher » chez lui dans ses palais de la capitale Islamabad. Si le gouvernement ne démissionnait pas de lui-même au 31 janvier 2021l’opposition unifiée appelait à une longue marche populaire partant de toutes les régions du pays pour converger sur le palais présidentiel de la coalition militaro-islamiste au pouvoir.
Durant l’automne et l’hiver 2020, cette opposition unifiée a suscité l’enthousiasme et d’énormes espoirs au moment où les paysans indiens menaient un combat parallèle et a réalisé des rassemblements géants avec d’énormes foules d’une dimension historique jamais vus dans l’histoire du Pakistan.
Mais voilà, il y avait des élections législatives partielles en février et sénatoriales début mars.
Dans un premier temps, l’opposition unifiée a déclaré qu’elle ne participerait pas à ces élections, qu’elle savait de toutes façons truquées et organiserait une campagne de meetings régionaux destinés à organiser la longue marche.
Mais, en s’approchant des dates, l’opposition a déclaré alors qu’il ne fallait pas mener la politique de la chaise vide et qu’elle ferait donc les deux, participer aux élections et préparer la longue marche pour virer le gouvernement par la rue.
Puis, à quelques semaines des élections, elle déclara tout d’un coup qu’elle n’arrivait pas à faire les deux ensemble et donc qu’elle suspendait la longue marche pour la durée des élections.
Il y avait cependant foule à ses meetings électoraux parce que le peuple pakistanais espérait toujours que les meetings électoraux étaient une étape de la préparation de la longue marche pour virer le gouvernement.
Mais il arriva ce qu’il arrive toujours, le pouvoir truqua tant et si bien les élections comme il le fait à chaque fois, que le résultat fut certes en faveur de l’opposition mais très loin de ce qui était espéré alors que tout le monde s’attendait à une forte défaite du pouvoir.
Et tout dégénéra.
L’opposition, furieuse, montrant ce qui la motivait au fond, entra dans une bagarre pour de nouvelles élections non truquées mais aussi dans des querelles internes pour savoir qui des différents partis allait prendre tel ou tel siège au Sénat, notamment la direction du Sénat et la direction de l’opposition au Sénat.
Pour tenter de régler les différents, comme les élections étaient truquées quasi ouvertement, une des leaders de l’opposition proposa une démission collective des sièges d’élus dans tout le pays et de se concentrer uniquement sur la longue marche.
Que n’avait-elle pas dit !
Démissionner de ses postes de députés ou sénateurs ? Il n’en était pas question et l’opposition unifiée éclata repoussant dans la foulée l’idée de vouloir renverser le pouvoir par la rue, seules les élections valaient : la longue marche fut repoussée à un avenir lointain sous des prétextes bidons, il faisait désormais trop chaud, il y allait avoir le ramadan... certains en profitant pour aller discuter avec l’armée dans leur coin et passer des accords secrets privés, etc, etc, etc...
Un moment désarçonné, la vraie opposition dans la rue a néanmoins repris et les manifestations de cheminots, d’enseignants, de personnels de santé, de paysans, de fonctionnaires ou d’opposition aux violences policières et ethniques se multiplient ces derniers jours, les paysans, les journalistes en lutte, les victimes de violences ethniques ayant repris le projet de « longue marche » sur Islamabad. Il reste encore à les unifier... mais ça ne saurait tarder.
Leçon du jour : ne jamais faire confiance à un politicien professionnel ! Au Pakistan comme ailleurs...
INDE. 27.03.2021. LE SOULÈVEMENT PAYSAN TIENT DE PLUS EN PLUS EN MAIN L’AGENDA QUOTIDIEN DU PAYS APRÈS LE SUCCÈS DU BLOCAGE GÉNÉRAL DE L’INDE HIER, IL PROLONGE L’ACTION AUJOURD’HUI EN CONTINUANT A BLOQUER DURANT 4 JOURS LA PRINCIPALE PLATEFORME LOGISTIQUE DU PAYS ET IL COMMENCE LA GRANDE FÊTE NATIONALE DES COULEURS DE MANIÈRE ORIGINALE
Après l’immense succès du blocage du pays hier, le plus grand depuis l’indépendance selon ses organisateurs, qui a montré d’une part l’influence nationale croissante du soulèvement et d’autre part son influence montante sur de larges couches de la population dépassant le monde paysan, le soulèvement continue en se donnant une dimension clairement anticapitaliste en faisant le siège à partir d’aujourd’hui et pour 4 jours par le biais de sa jeunesse, de la principale plateforme logistique du pays à Kila Raipur d’où sont importées et exportées la majeure partie des marchandises appartenant au principal groupe capitaliste indien, Adani, soutien majeur de Modi.
Par ailleurs, dans les jours qui viennent, va se décider si les ouvriers de l’aciérie Vizag (33 000 salariés et bien plus encore de sous-traitants) dans l’Andhra Pradesh vont partir en grève illimitée contre leur privatisation en menant leur lutte avec les paysans comme ils l’ont déclaré.
Ce pourrait être un tournant de la situation d’une part parce que ce sont toutes les secteurs professionnels de tout le pays qui sont menacées de privatisation et que jusque là, les directions syndicales n’ont voulu mener des luttes que profession par profession. Or là, les ouvriers ont décidé et l’ont montré plusieurs fois dans les jours et semaines qui précédaient avec un grand succès qu’ils voulaient appeler toute la population dans une lutte commune déterminée contre les privatisations.
D’autre part, ils ont appelé les paysans à venir mener cette lutte en commun avec eux.
Cela pourrait donner un premier exemple d’une coordination entre ouvriers et paysans par dessus les directions syndicales qui là aussi pourrait servir d’exemple ailleurs et changer le caractère du soulèvement paysan pour en faire véritablement un soulèvement général.
Bien sûr, ce n’est pas fait ; les enjeux sont tellement importants que les directions syndicales et politiques font tout pour que ça n’arrive pas. Les paysans de leur côté ont montré qu’ils étaient disponibles pour une telle politique. Un meeting commun ouvriers/paysans devrait être tenu dans les jours qui viennent. On verra donc.
Enfin, dans les jours qui viennent, les 28 et 29 mars, se tiennent deux grandes fêtes nationales indiennes, le Hola Mohallah, grande fête sikh et le Holi, fête nationale indienne qui dépasse les religions et est connue dans le monde entier comme la fête des couleurs où les gens se jettent des poudres de couleurs au visage et sur le corps.
Or, le soulèvement paysan, va affirmer sa présence dans les deux cas.
Il a prévu pour le cœur du Hola Mohallah, un meeting géant paysan et pour le Holi, il a appelé, comme cela se fait traditionnellement, à brûler ce jour-là le Mal, en l’occurrence les effigies de Modi et les lois anti-paysans et anti-ouvriers.
Bref, le soulèvement s’inscrit de plus en plus dans tous les aspects de la vie quotidienne et met de plus en plus à nu le pouvoir de Modi qui ne peut même plus célébrer une fête tranquillement, à nu comme des paysans qui ont arraché aujourd’hui les vêtements d’un député du BJP pour lui jeter de l’encore noire sur la peau, le début d’une fête des couleurs à la tonalité très politique.
DANS CETTE PERIODE DE VIOLENCE MILITAIRE EN BIRMANIE, LES PEUPLES ZO DE BIRMANIE, BANGLADESH ET INDE DÉNONCENT L’ABSURDITÉ DES FRONTIÈRES QUI LES DIVISENT
L’organisation ZORO (ZO Réunification Organisation) qui tente de réunifier malgré les frontières les peuples Mizo, Kuki, Zomi et Chin des trois pays, a brûlé publiquement en Inde à Aizawl la capitale de l’Etat du Mizoram, les décrets du gouvernement Modi qui a ordonné à quatre États indiens du nord-est frontaliers du Myanmar d’identifier et d’expulser les ressortissants du Myanmar qui se sont réfugiés dans le pays fuyant la dictature militaire, ce qui revient à les tuer.
Le soutien du gouvernement indien aux militaires birmans révolte les nombreuses tribus qui se partagent entre les frontières indiennes, birmanes et bengalaises et pourrait bien réveiller à terme les guérillas toujours latentes dans la région.
En attendant, les membres des tribus accueillent à bras ouverts leurs frères qui fuient les violences militaires contre les ordres de Modi. « On a toujours vécu à cheval sur les frontières nationales, ce n’est pas maintenant que ça va changer », pour des femmes et des hommes dont la maison pour certains comme à Longwa village au milieu de la frontière, a sa cuisine en Inde et sa chambre en Birmanie.
26 MARS 2021. LE PLUS GRAND BLOCAGE DE L’INDE DEPUIS L’INDEPENDANCE
Cette photo de blocage d’une voie ferrée parmi d’autres en Inde aujourd’hui 26 mars pour donner une idée de l’importance de la participation de la population à l’appel des paysans à bloquer le pays.
Les Etats du Pendjab, Haryana et Andhra Pradesh - soit 107 millions d’habitants - ont été bloqués à 100%, ceux de l’Uttar Pradesh, Madhya Pradesh, Telengana, Rajasthan, Bihar, Maharashtra, Karnataka, Odisha, Delhi, Jharkhand, Jammu Kashmir soit 660 millions d’habitants, ont été bloqués dans une grande partie de leurs districts (départements), par exemple 65 districts sur 75 dans l’Uttar Pradesh et cela malgré les énormes pressions policières, arrestations préventives de centaines de leaders paysans la veille, violences... et le fait que dans 5 Etats où se déroulent des élections, les paysans avaient appelé à laisser le scrutin se dérouler normalement, donc pas de grève des transports, pas de barrages...
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