Il n’y a plus d’avenir vivable pour personne à très court terme dans le cadre du capitalisme

Lettre ouverte d’Adèle Haenel

lundi 15 mai 2023

Lettre ouverte Adèle Haenel

« J’ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma pour dénoncer la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels et, plus généralement, la manière dont ce milieu collabore avec l’ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu’il est. Disons-le clairement : alors que la biodiversité s’effondre, que la militarisation de l’Europe s’emballe, que la faim et la misère ne cessent de se répandre, quelle est cette obsession du monde du cinéma — collégialement réuni aux César, en promotion pour ses films — de vouloir rester “léger” ? De ne surtout parler de “rien”.
Dans un contexte de mouvement social historique, on attend de voir si les pontes du cinéma comptent — comme les sponsors de l’industrie du luxe — sur la police pour que tout se passe comme d’habitude sur les tapis rouges du Festival de Cannes.
Il y a urgence : il n’y a plus d’avenir vivable pour personne à très court terme dans le cadre du capitalisme.
Remplir de vent l’espace médiatique a un but, celui de rendre l’ordre bourgeois aussi naturel que le bleu du ciel et de rendre inaudibles, marginales, les voix de celleux qui organisent la résistance pour que tous les humains puissent vivre dignement et qui essayent d’arracher un avenir à cette planète. Continuer de rendre désirable ce système est criminel. Il y a urgence : il n’y a plus d’avenir vivable pour personne à très court terme dans le cadre du capitalisme. Il est urgent de vocaliser cette alarme le plus fort possible.
Mais elles et eux toustes ensemble pendant ce temps se donnent la main pour sauver la face des Depardieu, des Polanski, des Boutonnat. Ça les incommode, ça les dérange que les victimes fassent trop de bruit, ils préféraient qu’on continue à disparaître et crever en silence. Ils sont prêts à tout pour défendre leurs chefs violeurs, ceux qui sont si riches qu’ils se croient d’une espèce supérieure, ceux qui spectacularisent cette supériorité en se vautrant dans des bruits de cochon, en chosifiant les femmes et les subalternes.
Les chefs se lèvent et pètent, les larbins du capital ricanent et applaudissent. Ils sont agrippés à leurs coupes de champagne rosé, prêts à chanter à ces ultrariches lobotomisés par le pouvoir toutes leurs plus belles chansons pour leur dire qu’ils seront toujours les plus innocents. Que c’est vrai les pauvres sont pauvres et c’est malheureux, que les femmes sont violées et c’est malheureux aussi, mais que ce n’est la faute ni des riches ni du système qui les exploitent. Et d’ailleurs la grande industrie produit à dose homéopathique des films sur les pauvres héroïques et des femmes exceptionnelles, histoire de capitaliser toujours davantage sur notre dos sans donner aucune force à notre mouvement. Que tout le monde reste bien à sa place. Je le redis : la HONTE.

Je vous annule de mon monde. Je pars, je me mets en grève.

Face au monopole de la parole et des finances de la bourgeoisie, je n’ai pas d’autres armes que mon corps et mon intégrité. De la cancel culture au sens premier : vous avez l’argent, la force et toute la gloire, vous vous en gargarisez, mais vous ne m’aurez pas comme spectatrice. Je vous annule de mon monde. Je pars, je me mets en grève, je rejoins mes camarades pour qui la recherche du sens et de la dignité prime sur celle de l’argent et du pouvoir.
Depuis 2019 je poursuis mon travail artistique dans la collaboration théâtrale et chorégraphique avec Gisèle Vienne. C’est une artiste qui construit une des œuvres les plus puissantes que j’ai jamais rencontrées. Face au détachement, à la vacuité et à la cruauté que l’industrie du cinéma érige en principe de fonctionnement, le sens, le travail et la beauté qu’elle met en permanence en jeu sont une lumière qui me permet de garder la foi dans ce que peut vouloir dire la puissance de l’art. »

— Adèle Haenel

Il n’y a plus d’avenir vivable pour personne à très court terme dans le cadre du capitalisme

Forum de l’article

  • Il n’y a plus d’avenir vivable pour personne à très court terme dans le cadre du capitalisme Le 17 mai 2023 à 11:48, par Sandrine

    "Il n’y a plus d’avenir vivable pour personne à très court terme dans le cadre du capitalisme." Est-ce à dire qu’il y aurait un avenir radieux en Chine, en Russie, en Corée du Nord ? Qu’il faudrait remplacer le capitalisme libéral par le capitalisme d’Etat ? S’agit-il de choisir dans quelle impasse se fourrer ? Ou bien de chercher - et surtout construire - une voie nouvelle loin du capitalisme vert (dollar/écolo) ou rouge ? Loin du productivisme donc qui reste pourtant le moteur de TOUS les partis et syndicats institutionnels (le Medef en est un) sans exception, comme l’a montré ce lamentable épisode des retraites où il ne s’est jamais agi d’autre chose que de REPARTIR les fruits de l’exploitation des peuples et de la planète, nullement de remettre en question les fondements du système.

    S’agit-il d’applaudir avec Ignacio Ramonet (ex pilier du « Monde diplomatique ») qui dénonçait récemment dans une obscure feuille révolutionnaire le complot US de Maïdan ou plus récemment des troubles au Sri-Lanka où il voit la main de Washington en oubliant d’y voir la main de Pékin qui a sciemment mis le pays en faillite et placé à sa tête une famille corrompue, en mentionnant au passage que le fils de M. Ramonet, Tancrède – bon bourgeois anarcho-communiste - cette monstruosité philosophique en plein essor -, intervenait (ou devait intervenir) récemment à Aouste sur Sye pour vendre sa soupe ?

    S’agit-il d’applaudir à l’invasion de l’Ukraine ? S’agit-il, comme la « féministe » Clémentine Autain (LFI), de refuser de condamner les pratiques de viol systématique, stérilisation et avortement forcés à l’encontre des femmes ouïghoures ou encore l’holodomir stalinien d’Ukraine tout cela pour dénoncer la pourriture de l’industrie du cinéma, même si sur ce point je partage à 100 % l’analyse d’Adèle Haenel pour avoir été exposée très jeune à cet auxiliaire idéologique de l’exploitation qu’on appelle cinéma*, avec une pensée en passant pour les « génies » Tarentino, Polansky, Malle** (« La petite »), ou dans le domaine de la « chanson » Gainsbourg (Lemon Incest) ?

    S’agit-il pour défendre l’émancipation des femmes de tomber dans le transhumanisme (dont l’idéologie du genre est une version, au demeurant Macron-compatible. S ‘agit-il de choisir la couleur de l’oppression (Adèle Haenel milite à Révolution permanente) ou de changer vraiment, c’est à dire de faire advenir une démocratie réelle et effective qui ne peut que s’éloigner des vielles soupes, quelle que soit leur couleur, qui on conduit la planète au bord du gouffre ? ). Pour éviter Scylla s’agit-il de tomber en Charybde ? La honte !

    * sauf cinéma indépendant
    ** proche de la famille Béghin

    Répondre à ce message

Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
[Se connecter]
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Partagez la page

Site réalisé avec SPIP | | Plan du site | Drôme infos locales | Articles | Thèmes | Présentation | Contact | Rechercher | Mentions légales | Suivre la vie du site RSS 2.0
Médial local d'information et d'expression libre pour la Drôme et ses vallées, journal local de contre-pouvoir à but non-lucratif, média participatif indépendant :
Valence, Romans-sur-Isère, Montélimar, Crest, Saillans, Die, Dieulefit, Vercheny, Grane, Eurre, Loriol, Livron, Aouste sur Sye, Mirabel et Blacons, Piegros la Clastre, Beaufort sur Gervanne, Allex, Divajeu, Saou, Suze, Upie, Pontaix, Barsac, St Benois en Diois, Aurel...
Vous avez le droit de reproduire les contenus de ce site à condition de citer la source et qu'il s'agisse d'utilisations non-commerciales
Copyleft