Hypothèse (r)évolutionnaire I

Pour ne pas subir

jeudi 23 juin 2022, par Hypothèse (r)évolutionnaire.

Enfants, nous avons pris connaissance du monde
en même temps que de sa fin imminente […].
On avait déjà décidé pour nous qu’il n’y avait rien à faire.
Marielle Macé, Nos cabanes


Dans son sens le plus courant, une révolution est un phénomène de courte ou moyenne durée, qui produit une modification en profondeur du cadre politique et économique dans lequel elle a lieu. Ce changement radical peut se faire au profit d’une nouvelle classe dominant.e, ou au bénéfice de l’auto-détermination des peuples. Dans ce dernier cas, la révolution sera dite socialiste, prolétarienne, anarchiste, communiste ou plus largement : émancipatrice. Bien entendu, ce n’est pas parce qu’une révolution revendique l’émancipation qu’elle aboutie à ce résultat. La Révolution française de 1789, en partie populaire, a permise l’accession au pouvoir de la classe bourgeoise. Et la révolution russe de 1917, d’une classe de dirigeant.e.s formée et légitimée par le parti unique. Il n’y a aucune garantie.
C’est une immersion dans l’inconnu, avec ce que cela comporte de crainte et de fantasme. Nul.le n’a à priori envie de voir ses choix de vie et son quotidien bouleversés. Personne n’a le désir de voir sa destinée basculer au grès d’événements hasardeux. Les grandes insurrections, les répressions, les guerres civiles qui accompagnent parfois les moments révolutionnaires ont de quoi effrayer. Mais voilà, une révolution ça ne se décide pas. Ça s’impose à une société lorsque les oppressions et les contradictions deviennent intenables, lorsque les structures politiques, économiques et sociales cèdent sous les coups répétés de réalités nouvelles.

Notre époque accumule les dysfonctionnements d’ampleur : inégalités grandissantes, crises économiques et financières à répétitions, perte de confiance envers les institutions, dérèglements climatiques sans précèdent, épuisement des ressources essentielles, pandémies, etc. Et les événements s’enchaînent avec une intensité et une frénésie rare. Peut-on vraiment croire que la Ve République, si défectueuse, puisse survivre à de tels chocs ? Ou le capitalisme ne pas une fois encore muter, en une forme tout aussi autoritaire ? Ou les peuples ne pas se soulever face aux injustices ? À n’en pas douter, nos réalités risquent de changer en profondeur durant les décennies à venir : des révolutions vont s’opérer. Il ne s’agit donc pas de savoir si on désire un changement radical ou non, mais plutôt si l’on y prend part : on fait ou on subit.

Souvent, on fait la révolution pour ne plus subir. Il paraît plus souhaitable de la faire pour que plus personne ne subissent, que chacun.e puisse inventer sa propre place. Autrement dit, une véritable révolution émancipatrice ne se fait pas contre quelqu’un.e.s, mais contre les systèmes de pouvoir. Au-delà des bons sentiments, cet idéal politique a le mérite de s’opposer aux tentatives de recycler le pouvoir, et aux fantasmes monolithiques. Il participe d’un imaginaire qui ne se projette pas dans un monde meilleur, mais dans une multiplicité de mondes, dans une continuité de cultures complémentaires, contradictoires et parfois antagonistes.

Les personnes qui désirent ardemment l’émancipation des individu.e.s et des peuples, qui se font solidaires des luttes et ennemi.e des oppressions, qui ne réduisent pas l’humain à sa condition moderne, ces personnes-là ont tout intérêt à faire la révolution. Encore faut-il savoir ce que faire la révolution veut dire. C’est cette question que nous traiterons au fil de cette chronique. Non sous le prisme d’un programme politique ou d’une méthode d’action en particulier. Encore moins par le biais d’un appel à l’éveil des consciences.
Mais en cherchant à clarifier les enjeux de l’émancipation à travers plusieurs questions :
quelle dynamique nous a menée aux désastres contemporains ?
Qu’est-ce qui, aujourd’hui, trace d’autres voies ?
Comment arriver à soutenir et amplifier ce qui semble désirable ?

P.-S.

La liberté n’est malheureusement pas une chose toute proche à retrouver,
un objet familier qui aurait été dérobé par surprise.
C’est une chose à inventer.
Simone Weil, Luttons-nous pour la justice ?


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