Les gilets jaunes : quel étrange mouvement ? Ils demandent la dissolution de l’assemblée nationale. Ils veulent s’organiser en comités citoyens. Ils font peur. Peur à tout le monde.
Au gouvernement d’abord, dont les crânes d’œufs de Bercy avait cru rusé de camoufler une énième et insupportable augmentation d’impôt au prétexte de protection de l’environnement. Une bonne partie de la gauche écolo-bobo tombe à pied joint dans le panneau. Du coup, la bien-pensance socialo-macronienne « qui a du cœur », la bourgeoisie éclairée, les écolos dorés, s’interrogent : dans quel ordre placer les priorités ? Le social d’abord, ou l’environnement d’abord ? L’environnement d’abord, crie-t-on partout en cœur. Car pas question de toucher à la structure politique et économique. Au fond, on en profite bien, on en souffre peu. L’environnement d’abord, pour le social on verra ensuite, comme dirait Manu.
Ce peuple-là ne saurait être le bon.
Même réflexe à l’extrême gauche : le mouvement, spontané, aurait des relents d’extrême droite ! Le mouvement manipulé par Le Pen. Intolérable ! Populisme ! Que faire ? Le peuple, par définition, n’est pas d’extrême gauche. Les gilets jaunes ne peuvent constituer un mouvement populaire. Donnez-nous des Grecs, des Vénézuéliens, mais pas des voisins, des proches, des collègues. Ils nous ressemblent trop, leurs questions sont trop gênantes, les abîmes de perplexité qu’ils ouvrent trop intimes, trop profonds. Faut-il alors changer le peuple avant de faire la vraie révolution ?
Même désarroi, et silence radio, dans les mouvances radicales. On y proclame l’amour pour la démocratie directe. Pour une fois l’occasion se présente. Mais on fait la moue : oui, mais non. Démocratie directe, oui, mais à condition qu’elle soit directe comme il faut, populaire comme il faut. A condition que le peuple pense comme nous. Ce n’est pas le cas. Ce peuple-là ne saurait être le bon.
Bordélique, polymorphe, populaire
Le mouvement, spontané, est bordélique, polymorphe, populaire : il inquiète, justement pour ces raisons. Il intéresse, justement pour ces raisons. Qu’en sortira-t-il ? Personne ne le sait. Mais c’est justement le vaste potentiel de remise en question générale de nos institutions, la possibilité de l’amorce d’une grève générale, le ferment d’une auto-organisation citoyenne que ce mouvement sans bord ni centre esquisse. Voilà pourquoi il dérange toutes les forces politiques traditionnelles, même les plus radicales.
Le 17 novembre, seront peut-être semés les ferments du futur. Chaotique ? Certainement. Peut-être amorcera-t-il une refondation en profondeur des forces politiques dans notre pays et au-delà. Quelles forces politiques manqueront l’appel de la démocratie et le train de l’histoire ? On y verra plus clair dans quelques semaines, quelques mois. Une chose est sûre toutefois : le 17 novembre, l’essence précèdera l’existence…
Le mouvement, difficile à tracer, devrait être représenté à Valence, Montélimar, Orange, Grenoble. A Crest, la page Facebook du mouvement a disparu. Fébrilité des autorités ?
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