Edgar Morin, dans un moment philosophique, paru dans les colonnes du Monde et relayé par Médias citoyens du Diois, prétend plusieurs choses.
Les Gilets jaunes ratent leur destin, la possibilité de mettre l’écologie au centre qui les libérera, espère-t-il, du capitalisme.
Les Gilets jaunes manquent de pensée directrice.
L’écologie nous libérera-t-elle du capitalisme ? Contrairement à ce que croit Edgar Morin, il est parfaitement possible que s’instaure sur cette planète une société profondément inégalitaire et en même temps écologique.
C’est d’ailleurs la voie de salut que les élites se dessinent pour elles-mêmes : l’écologie ET la préservation du modèle capitaliste. La fiscalité prétendument écologique, la bagnole électrique, sont les symboles et moyens éclatants de ce piège.
Ce n’est pas à force d’écologie qu’on se débarrassera du capitalisme, mais en se débarrassant du capitalisme qu’on construira un avenir soutenable, durable, agréable, écologique.
Le mouvement des Gilets jaunes n’a pas de pensée directrice
Le mouvement des Gilets jaunes n’a pas de pensée directrice, écrit encore Edgar Morin.
Il n’est pas certain que cela soit vrai. Au moins négativement. Ainsi n’entend-on personne réclamer plus de taxes. Personne ne demande non plus le maintien d’E. Macron. L’essentiel au demeurant n’est pas là. Il est, dans la construction collective d’une base politique commune, d’un désir transversal aux Gilets-jaunes. De ce point de vue, même si tout s’arrêtait demain, ce temps-parenthèse aura été pleinement constructif. Le moteur, lent, complexe, du processus de maturation et d’invention qu’initient les Gilets jaunes, sera l’intelligence collective.
Aussi perspicace que se croit un grand esprit, il l’est toujours moins que l’oeuvre collective. Surprenant qu’après avoir consacré une partie de son œuvre à défendre le point de vue de la complexité, Edgard Morin ne la reconnaisse pas et n’identifie pas son foisonnement quand elle s’éploie dans la sphère morale et politique.
Experts ? Mais comment ?
Dernière remarque. Dans les temps extraordinaires, quantité de privilégiés se mettent soudain à parler au nom de tous. Bie que leurs voix soient minoritaires, on n’entend qu’eux. Sur les ondes, c’est un défilé incessant d’experts, d’universitaires, de journalistes, d’élus, de savants, glosant sur les Gilets jaunes.
Pour la plupart, ils sont loin de leur objet : deux ou trois petits tours sur un rond-point, quelques paroles avec des Gilets jaunes en chair et en os, beaucoup de préjugés, et voici nos experts prêts à palabrer et théoriser dans les médias. Ils « comprennent », les Gilets jaunes. Mais pas pauvres comme la plupart des Gilets jaunes. De leur objet, ils n’ont, en fait, aucune expérience. En vrai, ce sont des experts ignares. Mais on n’entend qu’eux.
Ils s’illusionnent sur leur propre expertise, que les médias relaient, reflètent, amplifient, tandis que la galerie séduite s’ébahit devant le talent, le savoir, la compétence, par un réflexe un peu mimétique comparable, à l’envers, à celui de l’anémone qu’une nageoire frôle.
Se croyant experts et monopolisant la parole dans les médias de leur famille, ils finissent par succomber à l’erreur fréquente de confondre l’universel et le nombril.
Experts ?
Mais comment ?
Leur point de vue est minoritaire. Ce n’est qu’au travers de la loupe des moyens industriels de la communication de masse qu’il apparait central et consensuel.
Ils n’ont pas l’expérience de leur objet. En quoi leur bilan pourrait-il parler conduire à écouter leurs avis, à leur faire une place, quand c’est justement par défiance envers le bilan, économique, fiscal,, social, environnemental d’une kyrielle d’oligarchies plus ou moins emboîtées, qui n’ont pas réussi, que les Gilets jaunes se sont assemblés.
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