L’immobilier, l’urbanisme, sont une plaie béante et permanente, une catastrophe qui détruit pour de longues durées un paysage, un site, un village.
L’urbanisme est complètement à l’image du modèle de société en place.
Quelques articles sur le sujet et quelques réflexions.
1/4 Le rêve français de la « maison avec jardin » détruit les terres agricoles - En France, plus de la moitié des logements sont des habitations individuelles. Et les constructions de maisons neuves continuent, malgré le coût écologique de l’étalement urbain.
« Le modèle à l’ancienne du pavillon avec jardin dont on peut faire le tour n’est plus soutenable et nous mène à une impasse » ; « Ce modèle d’urbanisation qui consacre à chaque espace une fonction unique, qui dépend de la voiture pour les relier, constitue une impasse écologique, économique et sociale. »
CQFD
- Drôme : étalement urbain et maisons individuelles sur terres agricoles, encore et encore
- Urbanisation sauvage à l’Est de Aouste-sur-Sye : villas sur les bonnes terres et les anciens jardins
La Drôme, comme beaucoup d’autres départements, participe largement à ce phénomène très délétère d’un point de vue écologique et social (exemple de projets en cours sur Crest).
Aucune loi n’empêche ça, bien au contraire, les règles de la propriété et de l’héritage, les prix de l’immobilier, l’appât du gain pour les propriétaires de terrains, poussent à ces désastres et en tout cas ne peuvent pas du tout les empêcher. Maires, vendeurs et promoteurs ont le champ libre, ici comme ailleurs, le BTP est la vache sacrée de la croissance, et la justification suprême de l’emploi impose sa loi, le libre marché règne et continue les ravages qui lui sont consubstentiels.
Il faudrait une volonté très forte d’une mairie et d’une grosse part des habitants pour arriver à faire, en partie, autrement.
Suite du dossier de Reporterre :
- 2/4 Logements vacants : retaper du vieux plutôt que construire du neuf - Réhabiliter les milliers de logements vides en France, plutôt que d’en construire de nouveaux, l’idée fait son chemin auprès d’opposants à des projets immobiliers. Problème : il est bien moins coûteux de construire du neuf.
- 3/4 Bâtir sur les jardins, une alternative aux gros projets immobiliers - Construire sur son terrain, dans son jardin ou à la place de son parking. Partir d’espaces déjà urbanisés pour bâtir de nouveaux logements est une autre manière d’envisager les projets immobiliers. Et de lutter contre l’artificialisation des terres. (...) les projets de construction réalisés avec des habitants sont souvent mieux acceptés que ceux décidés sans consultation par des élus et des promoteurs (...) « Pour les communes, aujourd’hui, il est plus facile de trouver un aménageur ou un promoteur qui part d’un terrain vierge que des professionnels qui sont capables de développer et de coordonner des centaines de micro projets, comme l’ajout d’un étage à une maison. »
- 4/4 Le pavillon est dépassé, ils choisissent l’habitat collectif - Jardin et buanderie partagés, chambre d’amis en commun... Reporterre a rencontré les habitants de deux habitats partagés pionniers à Lille : « C’est comme une vie de quartier ! » - Ne pas grignoter trop de sols, ni multiplier les grandes tours… Comment satisfaire les besoins en nouveaux logements – entre 2,7 millions à 3,9 millions sur la période 2017-2030 [1] – tout en préservant l’environnement ? D’autant que chaque ménage occupe de plus en plus d’espace, en raison de la recomposition des familles et du vieillissement de la population. Selon l’Insee, on est passé d’un peu plus de trois personnes par ménage, en 1968, à 2,3 en 2016. Le nombre de mètres carrés par personne est passé de 31 en 1984 à 40 en 2006.
La réponse pourrait passer par la mutualisation : c’est ce que permet l’habitat participatif, qui consiste à partager sous diverses formes des espaces d’un logement collectif. On dit aussi habitat partagé ou habitat groupé. Ce mouvement se développe progressivement depuis les débuts des années 2000, et intéresse de plus en plus de citoyens et de collectivités. Il reste toutefois timide en France. Il y a aujourd’hui près de 270 habitats de ce type ayant abouti, 170 en travaux et 500 à l’étape de la réflexion ou d’étude, selon le mouvement Habitat participatif France.
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- Urbanisation dévastatrice à Montélimar, étalement de villas et de zones artisanales
Une marée noire qui pollue un littoral, on est choqué, c’est soudain et ça pue alors on ne peut l’ignorer.
En revanche, l’urbanisme, ses zonages et son étalement hideux de villas et de zones commerciales/industrielles, se met en place dans le temps, sur des mois, des années.
Les changements se font progressivement, par vagues, par tranches de chantiers, alors on remarque moins les ravages, surtout que de plus en plus de monde change souvent de lieu de résidence et de travail.
Une usine ou un lotissement remplace une terre agricole, une route s’élargit sur les champs, des ronds points « fleurissent », un immeuble privé remplace une villa, des caméras s’ajoutent au fil des années, les bancs à l’ancienne sont remplacés pas des sièges individuels avec dispositifs anti-SDF (obstacles pour empêcher de s’allonger), un périphérique s’allonge, un nouveau quartier apparaît, des entrepôts logistiques gigantesques s’installent sur les meilleures terres agricoles près des autoroutes, etc.
La civilisation industrielle a besoin de toujours plus de place, de croissance économique et démographique, de multiplier les chantiers, les travaux, les transformations, il s’agit de rester dans la course de la concurrence, de l’attractivité et de générer par tous les moyens toujours plus d’argent à partir de l’argent capitalisé.
Les promoteurs et aménageurs ne sont pas forcément tous des abrutis cyniques avides de fric facile, ils suivent juste la logique du capitalisme, de la marchandise, du clientélisme électoral, des besoins du système technicien, de la quête d’argent pour les communes, de la prison de la mégamachine, tout comme les ouvriers et cadres des usines d’armes, de la chimie, du ciment, du nucléaire ou des pesticides. Il ne s’agit pas de lubbies ou d’erreurs individuelles de dirigeants, mais de la continuation logique d’un système structurel et irréformable.
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Si ça se vend ça se fait
Les gens aiment avoir leur maison à eux avec jardin, les promoteurs adorent vendre des maisons individuelles et des bouts de terrain avec ?
Alors pourquoi ne pas le faire ?
Peu importe que les goûts des gens sont façonnés par les habitudes, les publicités, les lois, les exigences du marché et du travail, les prix de l’immobilier...
Peu importe les ravages écologiques et climatiques, les émissions de CO2, les terres et les zones humides détruites, les animaux éradiqués, les problèmes d’eau suite à l’imperméabilisation, l’énergie gigantesque pour construire et entretenir tout ça, l’étalement sans fin, l’isolement social, l’emprise de la voiture et la dépendance à cette engin, la laideur généralisée malgré les « végétalisations » nouvelle mode..
Peu importe, du moment que ça marche et que c’est très rentable, ça continue, toujours et encore. La civilisation industrielle (le capitalisme et l’Etat) ne voit que la valorisation de la Valeur, la Machine qui tourne, la mise en dépendance des habitants, l’habituation à l’individualisme et au consumérisme. Le reste, l’essentiel en fait, est pour elle accessoire, contingent, à la rigueur du « dommage collatéral » qu’on colmatera vite fait avec quelques rustines : caméras de surveillance, flics de proximité, voisins vigilants, allée arborée, zones de compostage, voies cyclables, deux trois bancs et un massif au bord de la route, et on passe à la zone suivante à défoncer à coup de tracto.
En 2022, il n’y a aucun changement, les maisons industrielles ont juste de meilleurs isolants industriels, davantage de normes et des terrains plus petits (sauf pour les plus riches).
On voit toujours plus de propriétés privés, de pauvres et de jeunes exclus, des migrants relégués toujours plus loin, des acitivités non marchandes exclues, et il y a toujours des SDF et des océans de logements/bureaux vides, des tas de résidences secondaires très peu occupées, toujours aussi peu de bâtiments faits de matériaux naturels (terre, paille, bois). Même les logements sociaux et HLM sont vendus en « accession à la propriété » et finissent par retourner au marché et alimenter la spéculation immobilière.
Toujours autant de refus des habitats légers et réversibles.
Et toujours aussi peu de logements participatifs/coopératifs qui sortiraient du marché de l’immobilier et du piège de la propriété, qui permettraient de diminuer les surfaces bâties, d’utiliser nettement moins de terres et favoriseraient la vie sociale.
Alors les ménages s’endettent à vie pour acheter des mini-maisons plein-pied hors de prix construites vite fait avec des matériaux industriels de mauvaise qualité qui ne dureront pas très longtemps. Le rêve.
Si possible avec piscine, comme on peut le voir sur les photos illustratives, histoire d’ajouter encore du béton et de consommer l’eau qui reste après les énormes besoins de l’agriculture industrielle.
Et partout des voitures, des routes, des parkings, des garages, des bagnoles en mouvement ou à l’arrêt.
- Drôme : étalement urbain et maisons individuelles sur terres agricoles, encore et encore
- Livron-sur-Drôme : étalement urbain de mini enclos privé et de routes
Après les abominables tours clapiers en béton, voici l’étalement de mini-villas entourées de murs et d’asphalte. Passer d’un enfer à un autre, mais plus confortable, en sécurité (toute relative) et au calme chez-soi.
Comme cette « société » est moche et très agressive, on a d’autant plus besoin d’un petit cocon personnalisé, reposant, afin de garder la forme, ...et de continuer à bosser.
La civilisation industrielle ne nous laisse aucun pouvoir ni aucune autonomie, alors dans notre villa et notre mini jardin on a l’impression pour un temps de décider de quelque chose, d’être libre, d’être le maître alors que tout le reste du temps on est esclave (du patron, de la machine, des élus, de l’Etat, de la concurrence, du Marché, de la bureaucratie et de la technocratie). Quelques légumes, un arbre et un composteur nous offre une illusion d’autonomie. La publicité et les magasins de jardinerie/bricolage sont là pour nous flatter en ce sens, et, accessoirement, nous faire consommer des machins divers pour aménager maison industrielle et bout de terrain : pots, fleurs, tondeuse, taille haie, perçeuse, mobilier, déco, TV géante, canap...
Avec le BTP, la jardinerie et le bricolage sont aussi un secteur très lucratif en pleine croissance, dopé par les restrictions de déplacement décidées par le gouvernement durant la pandémie de covid-19.
Le mal est fait
A présent, les ravages sont là, et on ne pourra pas effacer comme ça ce lourd urbanisme, surtout qu’à présent vont venir les pénuries d’énergies et de matières premières...
On va être contraint de vivre avec, de le transformer, d’en faire quelque chose de vivable même si cet urbanisme n’a pas été fait pour ça.
Il serait quand même bien de lutter et de se soulever collectivement pour que les dégâts s’arrêtent là.
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