Deux flocons, la catastrophe, le citoyen, l’enfant

dimanche 24 novembre 2019, par Etienne.

Le Crestois, dans sa dernière livraison, dresse un panorama des perturbations qu’ont subies nos vies en raison lors du récent épisode neigeux. Une famille a du se loger à l’hôtel, son domicile n’affichant que 8°C.
Qu’en dire ?
Que la famille avait une carte bleue remplie pour se loger à l’hôtel ?
Qu’au paléolithique, au Moyen, et jusque dans les années 50, les hôtels devaient être nombreux, car les chambres de silex devaient être bien froides l’hiver…

Comment on chauffait les hôtels ? Restons-en à des remarques constructives, s’il vous plait.

Panick room

Peut-être avait-on antan autres techniques ? Peut-être connaissait-on les moyens de sa propre résilience personnelle, de sa propre survie ? Peut-être ne dépendait- on pas, à l’instar des nourrissons, d’une mamelle où se brancher pour être ?

Vivre en zone tempérée, soumise à des hivers dont les températures basses peuvent être dangereuses, sans avoir à portée de main un moyen alternatif et autonome de chauffage est tout simplement irresponsable. Tout comme rouler en voiture en hiver sans avoir au moins une couverture qui permettre de passer au moins au nuit, en grelottant peut-être, mais sans mourir (on ne sent pas venir la mort par le froid). A Taïwan, au Japon, les gens préparent chez eux les endroits les mieux susceptibles de résister à un séisme (fréquents) et stockent dans ces « panick room  » eau, radio et lampe de poche, trousse de premier secours, etc, au cas où.

Avoir froid derrière, chaud devant était la règle jusqu’après la seconde guerre mondiale. Le confort est un concept pernicieux. Plus on en a, plus il en faut. Les professions travaillant à l’extérieur ont une bonne résistance au froid, probablement une meilleure santé. Les intérieurs trop chauds leur disconviennent. Confronté au froid, le corps s’adapte, formant un bourrelet de graisse grise. Sous les Tropiques, l’épiderme se transforme également, dans le sens d’une meilleure adaptation à la chaleur humide.

La norme aujourd’hui est l’appartement, ou la maison, chauffée à une température uniforme (quelques degrés en moins peut-être la nuit), salle de bain, toilettes, chambres comprises. Les catalogues des fournisseurs de chauffage s’ouvrent souvent sur une publicité : une famille chez elle, en vêtements légers, tandis que derrière de grandes baies vitrées la neige tombe…

Point chaud

Le 19°C partout dans la maison s’impose comme le standard, même dans les foyers instruits où l’on se déclare écolo, où Bouddha dans son lotus trône quelque part sur un guéridon. Le type de rénovation énergétique proposé aujourd’hui, fondée sur le concept d’enveloppe étanche couvrant de partout la zone habitable, prolonge en fait cette idée d’un confort uniforme partout dans le volume habitable. Le bâtiment basse consommation (BBC), le type de rénovation de l’existant tel que le promeut localement le dispositif Dorémi reposent sur cette idée.

Le point chaud est son antithèse. Il ne s’agit plus de tout chauffer comme en été, mais seulement une petite partie du volume habitable, où se concentrent les activités du foyer en hiver. Dans sa version ancienne, c’est le foyer ouvert (on peut toucher la flamme). Au Népal, on place souvent un réchaud à alcool ou autre, sous une table bordée de couverture. Les jambes sont au chaud et tiennent le corps (plus ou moins chaud) ; les spéléologues ont amélioré le concept, en construisant des « tentes », chauffée d’une manière ou d’une autre. L’objectif n’est pas d’avoir chaud constamment, mais chaud quand il est nécessaire de se réchauffer avant de retourner au froid.

Plutôt que d’isoler des volumes habitables entiers, les programmes de rénovation énergétique devraient s’articuler autour du concept de point chaud. Pourquoi non ? Probablement parce que notre mode de vie est non négociable. Ou bien que ce serait un retour à la bougie, etc…En réalité, le meilleur moyen, le plus rapide, d’y retourner, ou de se retrouver sans marge de manœuvres pour transformer nos modes de vie, est de continuer comme nous le faisons.

Frigo, chauffe-eau, autonomie

Quoi qu’il en soit, il est possible de ménager chez soi, à peu de frais, un point chaud. Par exemple, une structure légère de tasseau qu’on barde de couvertures, de carton, d’un matériau chaud au toucher, qui renvoie les ondes « chaudes » vers l’intérieur et évite le phénomène de rayonnement de paroi froide. J’écris depuis un tel point chaud. Attention toutefois aux flammes ouvertes dans une enceinte trop étanche : l’intoxication au monoxyde de carbone ne se sent pas venir.

Le lit clos est encore une version douillette du point chaud (vos corps sont alors la source de chaleur). Construit sur une légère armature de bois, couverte de jolis tissus, c’est un nid pour l’hiver que les enfants préemptent. On peut faire très simple à pas cher. Dans le cadre d’une construction neuve ou d’une rénovation, on peut aussi faire sophistiqué et élégant à plus cher.

Quant au réfrigérateur, il est bien entendu remplacé en hiver par un garde-manger grillagé, situé dans une partie non chauffée. Tous les bons architectes bioclimatiques le prévoient dans leurs plans. Apparemment, il n’y a pas de bons architectes bioclimatiques.

Sinon ils sauraient également que les chauffe-eau instantanés ne fonctionnent pas que sous les Tropiques – où ils sont très utilisés - mais aussi à Bourdeaux, malgré l’avis des spécialistes. Ces chauffe-eaux ont l’avantage de ne fonctionner qu’à la demande. L’imagination est la limite : détruire, ou, au contraire revendiquer, l’imagination : c’est le principal combat. L’inertie des idées est notre pire ennemie.

Les seules personnes qui peut-être n’auront pas senti, ou bien moins, les aléas électriques sont celles qui s’en seront rendues autonomes. Autonomie qui va, et c’est heureux, avec la sobriété. Avantage corollaire : vous n’êtes pas concernés par le Linky. On ne viendra pas espionner votre vie privée.

Dormir à l’hôtel parce qu’il fait froid à la maison. On n’a donc à ce point pas assez de couettes, de couvertures chaudes ? On est donc à ce point dépendant du chauffage ?
Dans une telle dépendance, l’humanité ne serait pas parvenue jusqu’à nous. Pour être morts avant d’être nés, nous n’en parlerions pas..Comment pouvons-nous être à ce point aveuglément dépendants envers la technologie ?

Ne voit-on pas à quel point l’interconnexion de tous les systèmes technologiques les rend vulnérables, et nous rend vulnérables, nous rend vulnérables ?

L’herbe, c’est sale

Des petits enfants refusent de marcher pieds nus dans l’herbe, parce que « c’est sale ». Déménager à l’hôtel quand il fait 8°C dans les chambres, c’est faire une confiance insensée à un système dépendant du feu nucléaire qui brûle à deux pas, et qui, tôt ou tard, explosera.

Qui fait une telle confiance à ce système est-il encore un bon citoyen quand il met sa vie, celle de ses proches, quand il dépend tant de l’extérieur pour , quand cette dépendance met la sécurité collective en danger ?

Nous vivons à flux tendus. Paris n’a que trois jours d’approvisionnement dans ses murs. La planète vit à flux tendus. Nous en crevons. Un citoyen, une citoyenne, s’il en a la capacité, a le devoir d’au moins quelques jours de résilience.

Oui, il y a une relation directe entre le feu infernal qui brûle à Montélimar, l’explosion d’internet, la globalisation économique, la casse des arbres, les coupures d’électricité et de communication. Nous nous dirigeons vers toujours moins de soutenabilité, toujours plus de fragilité.

A des maux systémiques doivent répondre des solutions systémiques. L’une d’entre elles est le réinvestissement du citoyen dans sa responsabilité personnelle : s’informer, se préparer. La démocratie commence par la construction de sa propre autonomie. Or, tout est fait au contraire pour garder le citoyen dépendant, ignorant et inconscient des conséquences de ses propres actes.

Les dépenses de promotion de l’automobile constituent les premières de France : en tête parmi elles, celles consacrées au "segment dynamique " des SUV. [1].

Quand auront-nous des élites responsables, en haut comme en bas ?

Notes

[1Sport utility vehicles, dans 99 % des cas surdimensionnés quant à leur puissance et poids, mais jouant sur l’argument marketing asocial de l’égo de leur propriétaire


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