Et cependant Howard Zinn lors d’un débat sur la désobéissance civile en 1970 aux Etats-Unis prétend que « la désobéissance civile n’est pas notre problème ». Il poursuit :
« Notre problème c’est l’obéissance civile, ce sont les gens qui obéissent aux diktats imposés par leurs gouvernants et ont donc soutenu les guerres. Des millions de personnes ont été tuées à cause de cette obéissance.
Notre problème, c’est l’obéissance des gens quand la pauvreté, la famine, la stupidité, la guerre et la cruauté ravagent le monde ».
Notre système éducatif est en effet basé sur l’obéissance, mais pour que nos enfants deviennent des hommes et des femmes responsables il est important en parallèle de développer leur esprit critique ; car la seule obéissance absolue prépare l’enfant à accepter des lois avec lesquelles il ne serait pas d’accord et le conduit à la résignation politique.
Nous avons les exemples tristement célèbres de Eichmann qui a obéi aux ordres et de ce fait ne se sent pas responsable ou de Duch dirigeant du centre S21 à Phnom Penh où des milliers de Cambodgiens furent torturés puis éliminés.
Dans son dernier livre « Désobéir » le philosophe Frédéric Gros définit la désobéissance civile comme "le mouvement structuré d’un groupe plutôt qu’une contestation personnelle. Mais pour être efficace, la dénonciation des carences de l’état et des injustices doit faire l’objet d’une publicité qui frappe l’opinion publique sans avoir à recourir à la violence. Ceci devrait être, entre autres, la mission de la presse, malheureusement de moins en moins indépendante ; il reste heureusement Elise Lucet et quelques titres indépendants (Médiapart, le nouvel hebdomadaire Ebdo…)
Quelques désobéissants connus ont pu cependant infléchir le cours des choses :
Olympe de Gouges, féministe, anti esclavagiste, rédigea en 1792 la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne ; elle mourut sur l’échafaud à 45 ans.
En 1930 Gandhi entreprend la « marche du sel » et invite ses compatriotes à violer le monopole d’état sur la distribution du sel.
Martin Luther King aux Etats-Unis milite contre la ségrégation des Noirs.
Rosa Parks se rend célèbre en 1955 en refusant de céder sa place à un blanc dans un bus. Elle milita au coté de ML.King.
Grace à Nelson Mendela l’apartheid est supprimé en Afrique du Sud.
Plus près de nous le général Jacques Pâris de Bollardière dénonce la torture en Algérie (ce n’est malheureusement pas à lui que sera attribué le nom d’une voie publique à Crest !)
Désobéir a bien sûr un coût : perdre son emploi, avoir une amende, aller en prison, voire perdre la vie, donc on obéit parce qu’on n’a pas le choix. Et notre éducation judéo-chrétienne nous enseigne que désobéir c’est le mal ; Adam en croquant la pomme a désobéi et a été banni de l’Eden, donc puni.
Un autre intéressant désobéissant est l’Américain Henry David Thoreau ; instituteur, il refuse d’appliquer des châtiments corporels et ….perd son poste. C’est lui aussi qui refusa de payer une taxe destinée à financer la guerre contre le Mexique. Il aide des esclaves à fuir au Canada et utilise la résistance passive ; il écrit en 1849 : « La seule obligation qui m’incombe est de faire en tout temps ce que j’estime juste ». C’était un peu le Pierre Rabhi de l’époque qui prônait non pas la « sobriété heureuse » mais la « simplicité volontaire ».
Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que la finalité d’une loi est d’œuvrer à l’utilité de tous ; donc, si tel n’est pas le cas, nous avons le droit et le devoir de résister à sa mise en œuvre. A l’extrême si un très grand nombre de citoyens refuse d’obéir, l’Etat n’a plus de pouvoir.
Quelques exemples de désobéissances pacifiques qui ont permis une avancée :
Libéralisation de l’avortement
Lutte du Larzac et plus près de nous de Notre Dame des Landes
Les faucheurs volontaires
Démontage d’un fast food McDonald’s
Soutien aux sans papiers et aide aux migrants, simple geste d’humanité, qualifié par l’oxymore « délit de solidarité » !
Squats de Droit au Logement
Parapluies de Hong Kong
Nuit Debout…
Un bon outil de résistance et de désobéissance à la portée de tous est le boycott :
Boycott de certaines marques
Boycott des grandes surfaces
Boycott des produits en provenance d’Israël ; sachant que la France est un des rares pays à interdire les actions du mouvement BDS (Boycott Désinvestissement, Sanctions), alors qu’en février 2018 le parlementaire norvégien Bjornar Moxnes a fait une demande pour que le BDS soit proposé pour le prix Nobel de la Paix !
Pour survivre désobéissons ! Sachons inverser les valeurs car dans certains cas : Obéir c’est trahir, désobéir c’est servir
Jean-Louis Cuzin, 26 février 2018