Dans cette société, nombreux sont « les gens qui ne sont rien »

Travaille et tais-toi, ou crève en silence

samedi 31 décembre 2022, par Camille Pierrette.

Dans un bref accès de franchise brutale et involontaire, Macron avait déclaré en 2017 : « Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ».
Effectivement, dans le système en place (Etat, société de masse, capitalisme, système anti-démocratique, machinisme, règne de l’argent et des lobbies....), la plupart des gens ne sont rien, dans le sens qu’ils n’ont aucun pouvoir sur les orientations collectives, et même sur une grande part de leur vie.

Dans un tel système, on est rien, on est juste des pions interchangeables, de la chair à patrons ou à canons, des rouages anonymes, des machines à travailler pour l’Etat et le Capital... Que ce soit au niveau communal ou national, on est condamné à subir les politiques décidées « d’en haut » et les exigences destructrices de la mégamachine impersonnelle et insatiable.
C’est d’ailleurs une des raisons qui explique le succès du consumérisme et du paraître. N’étant rien sur les plans des choix politiques et sociétaux (et le travail étant de plus en plus insensé et non reconnu, tandis que les chômeureuses sont décriées), il est important pour de nombreuses personnes d’avoir l’impression d’être quelque chose via la possession, l’acte d’achat et le train de vie.
Et même la pseudo réussite dont parlait Macron (la création d’activité économique, l’enrichissement..) ne fait pas devenir « quelqu’un » (sauf pour les plus riches et plus puissants qui eux ont un certain pouvoir), cette « réussite » tant célébrée par le techno-capitalisme et le libéralisme est en réalité un échec social dramatique au vu de ses épouvantables conséquences sociales, écologiques et climatiques.

Dans la continuité de la logique capitaliste, le régime macroniste veut continuer à taper sur les chômeurs et à creuser les inégalités sociales et la précarité :

Dans cette société, nombreux sont « les gens qui ne sont rien »

CHÔMAGE : LE GOUVERNEMENT DU TRUCAGE

– Explosion des radiations par Pole Emploi

« Le chômage en baisse », « le plein emploi est à portée de main ». Voilà ce que nous répètent les médias aux ordres et le gouvernement depuis plusieurs jours. Une énième opération d’intoxication dont le régime a le secret : imposer une vérité, un récit mensonger dans les esprits.

En réalité, derrière cette « baisse » apparente se trouve une explosion des radiations et la multiplication des jobs ultra-précaires. Médiapart explique que les radiations administratives de Pôle emploi battent tous les records. Il s’agit pourtant d’une sanction extrêmement grave par un service de l’État : « radier une personne, c’est lui couper les vivres durant un temps déterminé. La priver d’allocations chômage et la rayer de la liste des demandeurs d’emploi parce qu’elle n’a pas respecté une obligation. »
En novembre 2022, 58.100 personnes ont ainsi été radiées. Un chiffre jamais vu depuis que les statistiques du chômage existent. Sur un mois, la hausse atteint 19%, soit 9.400 radié·es supplémentaires par rapport à octobre avec un taux déjà très haut. Et Pole Emploi n’a donné aucune explication à Médiapart sur cette flambée des radiations.

Cela n’empêche pas un journal économique comme Les Échos d’écrire que « le chômage poursuit sa baisse », ni le Ministre du Travail de Macron de tweeter que la « baisse du nombre de demandeurs d’emploi qui s’appuie sur la création » de nouveaux emplois.

De fait, si ces « nouveaux emplois » existent, ce sont des jobs précaires, à temps partiel, sous payés. Les chômeurs et chômeuses sont obligées d’accepter des boulots pourris pour éviter d’être radiées par Pole Emploi, et donc d’être privées de toute ressources, en situation d’extrême précarité. Les gouvernements successifs ont cassé le code du travail et supprimé les protections des salarié·es.

<dameTravaille et tais-toi, ou crève en silence

Derrière la com’ gouvernementale, il y a la réalité : celle d’une exploitation grandissante et de radiation massives de chômeurs des statistiques. Et les réformes du chômage, qui assimilent l’abandon de poste à une démission et excluent les personnes concernées des droits au chômage, ou qui prévoient la réduction du temps d’indemnisation, vont accentuer cette dynamique.

Plutôt que de faire baisser la fièvre, le gouvernement préfère casser le thermomètre. En 2019, Macron avait supprimé l’observatoire de la pauvreté. C’est pratique, s’il n’y a plus de données, on ne peut plus les commenter. Il fait la même chose avec le chômage. Travaille et tais-toi, ou crève en silence.

(post Contre Attaque)

- Pour exercer efficacement cette politique planifiée de l’exclusion et de la précarisation, le gouvernement et ses officines s’appuient de plus en plus sur des dispositifs numériques pour surveiller et punir :

Un jour prochain, un grand nombre de personnes vont-elles se révolter et agir pour prendre leurs vies en main, et ainsi sortir du rien pour exister ?

Dans cette société, nombreux sont « les gens qui ne sont rien »

🌍2023, le soulèvement général ou l’asservissement durable en France 🛑


Enfin, l’année 2022 touche à sa fin. Une année qui aura été marquée en France par l’écrasement des plus pauvres et fragiles, et ce dans une apathie assez étonnante et inédite.

Depuis 2018 et l’éclosion des Gilets Jaunes, nous n’avions jamais passé autant de temps sans que le pouvoir libéral ne soit bousculé et défié par le peuple.
Malgré le choc du covid et des restrictions, il y avait eu des luttes très fortes : GJ encore, mais aussi marches pour le climat, le mouvement BLM, contre la négrophobie et les violences policières, la mobilisation contre la loi sécurité globale ou encore contre le sexisme et le patriarcat.
En 2022, les crises ne se sont pas calmées, elles ont même prospéré : guerre en Ukraine, crise énergétique, crise climatique, inflation, violences d’état, sécheresse et canicule…

Pourtant rien sur l’écologie à part la mobilisation exemplaire menée contre le projet des megabassines, aucun mouvement anti-guerre et contre les états de guerre et donc contre l’impérialisme, ni même contre la hausse des prix.
On aurait pu croire que ces événements allaient provoquer des mouvements sociaux importants.
Le pouvoir économique et politique craignait une révolte face au coût de la vie. Il n’en fut rien. Alors oui, 2022 fut l’année des élections en France, historiquement un moment où les luttes sociales se figent pendant plusieurs mois avant et après les deux scrutins.

Ce fut aussi l’année d’une coupe du monde de football qui finalement a été l’une des plus politisées depuis longtemps.
Quand même ! Une telle apathie interroge.
Pourtant le Royaume-Uni a connu sa plus grosse grève depuis les années 20 et l’Allemagne a fait des concessions importantes concernant la mobilité et le transport, de même que le gouvernement espagnol a débloqué un fond d’aide en urgence pour les plus précaires. Rien en France pour le moment.
La population semble sonnée par l’accumulation des coups du pouvoir et du coût de la vie mais probablement aussi face aux impasses sur lesquelles se sont soldés tous les mouvements sociaux précédents confondus.
Une sorte de résilience semble s’être installée, une résilience à la misère, à se contenter des miettes de peur de ne plus rien avoir.
Et ce, en ayant pourtant conscience que les plus riches continuent de s’enrichir et que la planète se meurt. C’est assez stupéfiant.
Un exemple : L’Unedic a publié un rapport indiquant que la dernière réforme de l’assurance chômage, entrée en vigueur fin 2021, avait baissé en moyenne de 16% les allocations des chômeurs.

Dans le même temps, l’inflation sur un an se situe entre 6 et 10%, en moyenne.
Mais elle est bien plus forte si l’on prend les dépenses des personnes les plus pauvres.
Résultat, on peut estimer que certains chômeurs ont vu leur niveau de vie baisser de près de 20 à 25% en un an, c’est-à-dire un quart de moins de pouvoir d’achat, du jamais vu dans l’histoire récente de la France.
Et pourtant, rien ne se passe, aucune réaction populaire en réponse à cette « crise » inédite.
2023 ne sera pourtant pas plus radieuse pour les pauvres.
Les remises provisoires sur le carburant vont prendre fin au 1er janvier, remplacées par des « chèques énergie » dérisoires et concernant une minorité selon des critères inégalitaires.
Les prix des trains et métro vont encore augmenter (coucou le Navigo à 80 euros), hausses entièrement à charge des usagers, il ne faudrait pas toucher aux dividendes des actionnaires.

Les allocations (chômage, RSA, maladie) vont, elles, se restreindre en montant et en durée. La réforme des retraites devrait passer à priori avec un nouveau 49.3.
On sent que le pays est au bord de la rupture. Pourtant, il ne cesse de s’enfoncer et d’augmenter le fossé entre les ultras-riches et le reste de la population.
Finalement, ce qui se joue dépasse largement le cas de la France.

Les crises du Covid et de la guerre en Ukraine ont offert au système ultra libéral une occasion en or : celle de pouvoir précariser encore plus les travailleurs partout dans le monde, comme cela n’avait plus été le cas depuis des décennies.
Non pas pour le plaisir de rendre les gens plus pauvres. Mais « simplement » pour maximiser leurs profits. Et c’est ce qu’il se passe de façon évidente depuis plusieurs mois, en France comme ailleurs en Europe, et dans le monde.
Il y a encore quelques décennies, certains pensaient que le système dans lequel nous vivions était voué à améliorer sans cesse le niveau de vie du plus grand nombre, et notamment des plus pauvres.
On voit aujourd’hui qu’il n’en est rien, et qu’il peut tout à fait se développer en précarisant encore et encore sa propre population.
Concrètement, ces décisions ont des conséquences dramatiques. On ne parle pas « seulement » de personnes qui devront « un peu se serrer la ceinture ».
On parle littéralement de centaines de milliers (de millions) de personnes qui sont en train de tomber dans la pauvreté, voir l’extrême pauvreté. Des personnes qui ne peuvent déjà plus se nourrir et/ou nourrir leurs enfants. Qui ne peuvent et ne pourront plus se soigner.
On parle de personnes qui vont mourir de ce système, de toutes ces décisions qui précarisent les plus fragiles sous prétexte « qu’on n’a pas le choix ». Et ce, pendant que les milliardaires français battent record sur record de « plus grosses fortunes ».

On se demande alors si 2023 va être l’année du basculement en France.

2 options :
- Ou l’on continue dans la lignée de 2022 avec un système qui arrive à asservir totalement la population, qui, totalement précarisée et dans la peur permanente, deviendra encore plus docile et acceptera son funeste sort.
- Ou survient un réel sursaut de dignité d’une partie de la population qui décidera de ne plus accepter l’inacceptable.

La lueur, et l’inspiration, se trouvent peut-être aussi en dehors de l’Occident, du côté du Sud Global où l’année sociale 2022 a été extrêmement riche, à travers les combats menés dans la rue au Panama, en Équateur ou ple au Pérou ainsi que les résultats électoraux encourageants émanant des luttes sociales au Chili, au Brésil ou en Colombie.

Le Soudan continue sa révolution inachevée, le Tchad et le Burkina Faso se soulèvent contre la Françafrique. Nous pouvons aussi citer le Kazakhstan et la Mongolie, le Sri-Lanka et sa destitution du président, la Chine face à l’autoritarisme ambiant, l’Inde et ses grèves massives rassemblant plus de 270 millions de personnes ou encore la révolte en Iran, face à une répression pourtant inouïe.

Impérialisme, pauvreté, libertés individuelles et collectives, racisme, parfois aussi l’écologie, ou encore le patriarcat, autant de facteurs qui ont poussé aux soulèvements de ces peuples, nous donnant de l’espoir de faire mieux.

C’est à l’échelle mondiale que se produiront les changements prodonds et durables. Mais c’est localement que les initiatives doivent émergers, même si cela paraît parfois vain. Il n’est jamais vain de resister et de se soulever pour préserver notre dignité.

(post Cerveaux non disponibles)


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