Cruas vient d’exploser !

Retour à la normale

mercredi 20 mars 2019, par Etienne.

Cruas vient d’exploser. Nous sommes le jour d’après. Dans un rayon de vingt kilomètres, le population a été évacuée. Certains ont refusé de partir : que peut faire un paysan sans sa terre ? D’autres reviennent clandestinement récupérer contre rémunération quelques objets : un passeport, une poupée.

D’autres encore, recueillis aux loin par des foyers compatissants s’interrogent : abandonner ou non leur ancienne vie ? Revenir ou non ? Et l’enfant qui point ? Sortir en combinaison et masque, porter constamment un compteur d’exposition, tenir une comptabilité stricte des temps de sortie de la famille, toujours limitées à chaque fois à quelques dizaines de minutes. Vivre derrière des vitres ?

L’humus ne se forme plus

En contrepoint de cette fiction inquiétante, Retour à la normale, de Christina Firmino, des témoignages informés de scientifiques (Criirad), physicien, journaliste, travailleur du nucléaire. Il ne faut pas croire que les la réaction nucléaire est arrêtée à Fukushima. Tchernobyl, non plus n’est pas une histoire finie : des enfants nés après et loin de la catastrophe contractent d’étranges cancers. Il semble que les atteintes aux génomes des géniteurs se transmettent. Dans les forêts contaminés l’humus ne se forme plus. Le végétal mort et contaminé s’accumule : que se passera-t-il en cas d’incendie attisé par le mistral ?

Sur l’écran une large tâche radioactive orangée s’étale depuis l’Espagne vers un bon tiers de la France. Dans le détail, dit un expert, on trouve des zones fortement contaminées très loin du lieu de la catastrophe. Une peau de léopard, en somme. Dès lors pourquoi n’évacuer que la population dans un rayon de vingt kilomètres ? Parce que même si cela ne reflète pas la réalité sanitaire, on ferait autrement prendre peur à la population …qui rejetterait alors massivement le nucléaire.
Le grand carénage ? La reconduite pour quarante ans du nucléaire. Il s’agit de rendre impossible l’alternative. La voiture électrique ? Il a été calculé qu’il faudrait sept centrales si tout le parc existant était converti.

L’exploitant, un financier, ne connait plus le métier

« Lorsqu’on déclenche un portique [1], le sous-traitant est pénalisé, qui nous pénalise », expliquera un des témoins du film, ouvrier du nucléaire, présent ce 21 mars pour la première publique en présence de la réalisatrice, dans la salle devant la stèle à Barnave sur la place près l’église à Saillans (Drôme).
« Les camarades ont peur en passant sous les portiques. Du coup, ils cachent leurs fautes. Le stress est permanent. [2]

Pour avoir les marchés, ils font faire à un homme des tâches qui en demandent deux ou trois. Depuis qu’EDF est devenue société commerciale, la logique est purement financière. Les sous-traitants font 80% du travail. L’exploitant, à force de faire faire plutôt que de faire lui-même ne connait plus le métier. »

Avoir comparu devant la commission Pompili sur la sécurité des installations nucléaires – à ne pas se présenter, un citoyen commet un délit – lui vaudra cinq jours de mise à pied.

Dans la salle, il se dira :

  • Les Allemands ont abandonné le nucléaire notamment pour une question de prix. Aujourd’hui, ils exportent de l’électricité d’origine renouvelable
  • Le nucléaire n’est pas profitable. Ce n’est plus une question économique : c’est une question de pouvoir par un clan, le corps des Mines, qui veut se maintenir et imposer ses choix.
  • Il n’y a pas de M. Système contre lequel se retourner. Nous n’avons jamais utilisé tant d’appareils électriques. Nous sommes tous une partie du problème. Il faut changer notre façon de vivre ».

P.-S.

Retour à la normale, documentaire-fiction de Christina Firmino, coproduction La Société des Apaches XXX et France Télévision, 2018, 52’. Diffusé sur France 3 Rhône-Alpes le lundi 11 mars, rejoué sur le même site le vendredi 15 mars.

Notes

[1détectant une radioactivité indésirable sortant du périmètre de travail

[2L’industrie aérienne a compris qu’il était préférable pour améliorer la sécurité de ne pas pénaliser les fautes, mais d’encourager à ce qu’elles soient déclarées dès qu’il en est pris conscience pour faire en sorte que les meilleurs remèdes soient apportés au plus vite. Pour cela le « fautif » doit savoir ne rien encourir. Non seulement la sécurité objective est-elle améliorée mais au surplus renforcé le sentiment de responsabilité d’équipe envers la sécurité - Note de l’auteur.


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