Plutôt que de critiquer et démanteler le capitalisme/productivisme et son complice l’Etat, il est plus commode de s’en prendre à des dérivatifs, des boucs émissaires : le chômeur, le riche actionnaire, le financier international, l’immigré, le non-blanc, le corrompu, l’allocataire de minima sociaux..., qui sont désignés par l’extrême droite comme les parasistes d’en haut et les parasites d’en bas.
Certaines gauches aussi s’égarent en se focalisant sur la spéculation, les banquiers et la dette étatique, et trop souvent les « affreux parasites » Versus les « vertueux salariés » ne sont pas loin non plus.
On entend alors souvent des discours qui défendent la prétendue « saine économie capitaliste réelle » Versus la « méchante spéculation capitaliste mondialisée » qui verse dans la concurrence déloyale et les profits à tout prix.
Mais il n’y pas de « capital sain » et de « capital parasite », c’est le capital tout court, le modèle social capitaliste impersonnel dans son ensemble qui est un problème quelles que soit ses variantes et ses diverses fonctions complémentaires.
Dans le fonctionnement capitalisme, il n’y a aucune différence au fond entre un paysan qui vend ses légumes sur un marché local, et un gros spéculateur qui échange des achats/ventes de matières premières agricoles côtées en bourse sur le marché internationnal.
Les livres et articles qui suivent démontent les mythologies et dérivatifs pratiques pour qui veut pouvoir et influence sans rien changer, sans critiquer au fond le techno-capitalisme et l’étatisme et sans chercher à les démanteler.
Ces promesses foireuses n’apportent aucune amélioration réelle, mais au contraire plus de chaos, de confusion et de conflits, avec le risque de l’arrivée effective de extrême droite au pouvoir et qui fera tout pour y rester.
Refuser de s’attaquer aux fondements du capitalisme et de la tyrannie étatique, c’est prendre le risque de s’égarer dans des impasses et des idéologies possiblement criminelles.
Il est donc vital de sortir de la tendance à considérer le capitalisme comme un fait naturel, car ça pousse à chercher la résolution des problèmes dans de mauvaises directions.
La plupart des ultra-riches, technocrates et oligarques sont assez débectants et caricaturaux alors il peut être très tentant de juste vouloir les remplacer par de meilleures personnages jugés plus vertueux. Résistons à cette tentation, démolissons les fondements de la mégamachine.
La Grande dévalorisation. Pourquoi la spéculation et la dette de l’Etat ne sont pas les causes de la crise
Pourquoi la spéculation et la dette de l’Etat ne sont pas les causes de la crise" d’Ernst Lohoff et Norbert Trenkle (groupe Krisis) qui nous livre une vision sans concession du capitalisme contemporain. À travers le prisme aiguisé de la critique marxienne, ce livre éclaire les ténèbres d’une crise fondamentale que trop peu osent affronter. Pour cette réédition, Ernst Lohoff a rédigé une postface inédite décrivant la situation économique mondiale en 2024. Parution le 11 octobre chez les meilleurs libraires (France, Suisse et Belgique).
Ce livre est disponible sur : https://www.editions-crise-et-critique.fr/ouvrage/ernst-lohoff-norbert-trenkle-la-grande-devalorisation-pourquoi-la-speculation-et-la-dette-de-letat-ne-sont-pas-les-causes-de-la-crise/ (frais de port gratuits pour tous les continents) :
Qui porte la responsabilité de l’inflation galopante et de la crise économique depuis 2008 ? Les « banquiers cupides » ou les États criblés de dettes ? Pour Ernst Lohoff et Norbert Trenkle, rien n’est plus naïf et dangereux que de croire en la légende du coup de poignard dans le dos d’une « économie réelle » saine, sacrifiée à la cupidité de quelques banquiers et spéculateurs. Ces réponses superficielles masquent une vérité plus profonde. L’expansion vertigineuse des marchés financiers depuis quarante ans découle d’une crise structurelle du capitalisme, enracinée dans les années 1970. La Troisième Révolution industrielle a accéléré l’éviction de la force de travail, privant la production de profits et érodant les bases de la valorisation du capital au sein de l’« économie réelle ». Cette crise n’a été différée qu’en recourant massivement au crédit et à la spéculation, capturant par anticipation la valeur future. Après les crises de 2008 et du Covid-19, l’effondrement a été évité uniquement grâce à l’intervention massive des États et des banques centrales.
Cette analyse novatrice, détaillant l’histoire et les transformations du capitalisme depuis le XIXe siècle, s’appuie sur une lecture de la théorie marxienne et de son concept de « capital fictif », défiant la récente « renaissance de Marx ». Ici, Marx n’est pas simplement le théoricien de la lutte des classes, mais celui qui a élaboré une critique radicale d’une société basée sur la production de marchandises, destinée à buter sur ses propres contradictions.
Les auteurs
Ernst Lohoff (1960) et Norbert Trenkle (1959) sont membres de la rédaction de Krisis-Beiträge zur Kritik der Warengesellschaft, une revue emblématique de la Critique de la valeur. Ce courant international élabore une critique radicale du capitalisme fondée sur une relecture novatrice de Marx, à contre-courant du marxisme traditionnel. Il ont fait paraître de nombreux essais théoriques dans la revue Jaggernaut et plusieurs ouvrages, tels que L’Exhumation des dieux. Avec Robert Kurz, ils ont également cosigné le Manifeste contre le travail.
Populistes et parasites : Sur la logique des populismes productifs
Pour resituer ces sujets historiquement, ce (long) article :
Populistes et parasites : Sur la logique des populismes productifs, par Mark Loeffler
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Ce que j’appellerai discours du « populisme productif » valorise les créateurs vertueux de biens matériels, qu’ils opposent de façon manichéenne, en termes d’amis/ennemis, à une élite non-productive, exploiteuse et souvent conspiratrice. Dans cet article, je me focaliserai sur un exemple plus spécifique mais tout aussi récurrent de cet antagonisme, consistant à voir les travailleurs s’unir au capital agraire et industriel au nom des « producteurs », pendant que les éléments parasites sont principalement identifiés parmi les agents des institutions monétaires – sous les figures du banquier, du financier, du « pouvoir de l’argent », etc.
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Un large éventail de discours a dénoncé la finance en tant que « parasite », dont la critique de la « spéculation », de « l’usure » rurale, et ainsi de suite. Sans tout développer ici, je vais me restreindre dans les exemples que je donne à une construction idéal-typique spécifique dont je vais donner quelques illustrations. Une forme commune de discours structuré par la dualité producteur/parasite associait fortement l’idée de parasite à l’étalon-or. D’après ce discours, les banquiers et financiers auraient établi l’institutionnalisation internationale de ce régime monétaire. Ils se seraient par ailleurs garanti un monopole virtuel sur l’or et en auraient artificiellement limité l’offre afin d’en augmenter le prix. Il était alors bien entendu qu’ils restreignaient l’offre monétaire afin de maintenir les taux d’intérêts élevés et d’exploiter ainsi les « producteurs ». Cette restriction de l’offre monétaire était alors tenue pour responsable des crises et des récessions.
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En ce sens, les théories conspirationnistes cherchent à expliquer des événements historiques capitaux et/ou des changements de grande envergure sur les bases du pouvoir de ces seuls conspirateurs. Si nous définissons le populisme comme un appel discursif du « peuple » contre les élites, alors la pensée complotiste contient généralement un raisonnement populiste. Cependant, le populisme tout comme la critique de la finance ne s’appuient pas nécessairement sur des théories du complot.
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J’ai présenté des discours anti-financiers qui partagèrent un certain nombre de traits communs, y compris les dichotomies binaires qui opposaient les producteurs aux parasites de la finance, les critiques de l’étalon-or et le raisonnement des théories conspirationnistes. En commençant à développer un cadre pour comprendre comment ces discours pouvaient devenir crédibles pour les acteurs historiques, je me concentrerai principalement sur le premier de ces traits. Dans les imaginaires sociaux exprimés dans ces oppositions, les producteurs étaient engagés dans des processus de travail qui généraient des biens concrets et matériels. Cette production était considérée comme prolifique et saine, et perçue comme satisfaisant les besoins de la communauté. La communauté des producteurs pour sa part était souvent considérée comme homogène et organiquement enracinée dans la communauté nationale. Elle constituait en ce sens une forme de Gemeinschaft. En revanche, le capital financier était identifié comme un capital « mobile », indiffèrent à la communauté ou à la géographie, et ne recherchant que les plus importants retours sur investissements. Ses agents étaient souvent jugés sans racines et cosmopolites. On estimait qu’ils ne produisaient aucun bien matériel, concret ni utile, et qu’ils se concentraient de façon exclusive sur les gains quantitatifs. Leur accumulation de profit était perçue, dans certains discours, non seulement comme dédouanée de travail mais également sans limite. Afin de profiter sans travailler, ils trompaient, escroquaient et exploitaient ceux qui étaient engagés dans des formes concrètes et matérielles de travail. Par opposition à la bonne santé des activités productives et aux communautés à qui elles servaient, la finance était quant à elle jugée insalubre et parasitaire. De plus, dans certains cas, les caractéristiques perçues comme négatives des entreprises productives, tels que les mauvais traitements ou l’exploitation des travailleurs industriels, étaient imputées aux types de pressions exercées sur les employeurs industriels par les relations d’emprunt et la domination des parasites financiers.
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Ces formes d’interdépendance opéraient dans le dos des acteurs sociaux qui les constituaient, ne dépendant ni de leur conscience ni de leurs intentions. Elles étaient également coercitives : la constitution de la valeur par un temps de travail moyen posait une norme à laquelle les producteurs étaient contraints de se conformer et conduisait à la nécessité d’économiser du temps par la division du travail.
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Les expériences quotidiennes de pratiques sociales capitalistes duales rendent vraisemblable un univers social binaire dans lequel l’abstrait s’oppose au concret, et où les formes financières du capital pourraient être distinguées et critiquées comme les principaux exemples et même les causes de ces phénomènes sociaux d’abstraction, tandis qu’à l’inverse, le travail industriel et agraire peut être considéré comme entièrement externe à ces phénomènes - en tant qu’actes de travail concrets, qualitativement spécifiques, produisant des biens pour une communauté immédiate de co-producteurs - une Gemeinschaft.
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Quand seules la monnaie et la finance sont associées aux processus d’abstraction, de contraintes, de crises, etc., elles sont alors opposées de façon binaire aux productions industrielle et agraire. Ces dernières sont perçues comme leur « autre » concret, et comme exogènes à ces processus plutôt qu’intrinsèquement liées à eux. Tout cela a également un impact sur les conceptions du travail. Quand les dimensions médiatisante, abstraite et constitutive de la valeur du travail sont obscurcies, le « travail » au sein du capitalisme ne peut apparaître que comme une pratique concrète et qualitativement spécifique dirigée vers la production de biens matériels socialement utiles, bénéficiant immédiatement à une communauté concrète de producteurs, implantés géographiquement. C’est pour cette raison que Marx décrivait parfois l’effet combiné de ces apparences en termes « d’externalisation » de la forme marchandise. Au-delà de sa résonance hégélienne, l’intérêt de cette catégorie est de montrer que la valeur et la valeur d’usage sont des dimensions intrinsèquement liées entre elles et que comprendre leur interaction est primordial pour saisir les dynamiques historiques du capitalisme. Mais lorsque ces dimensions sont mal interprétées et perçues de façon binaire comme des oppositions indépendantes entre argent/finance et travail/production, l’origine de ces dynamiques devient alors opaque.
Je soutiens que ces analyses pourraient aider à comprendre l’adhésion à des discours du populisme productif, au sein desquels « le travail » et avec lui « les producteurs » de valeurs d’usage sont posés comme opposition à l’argent et la finance. Par ailleurs, la façon dont ces conceptions obscurcissent les dynamiques centrales du capitalisme permet de comprendre comment la perception de contraintes impersonnelles amenant à d’importantes transformations de la vie sociale est identifiée et assignée à la finance. Les financiers peuvent alors être tenus comme responsables de certains bouleversements sociaux négatifs associés au processus du développement capitaliste.
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Comme Marx le précise : « Le Capital lui-même est la contradiction en mouvement, - en ce sens - qu’il pousse à réduire le temps de travail au minimum, tandis qu’il pose d’un autre côté le temps de travail comme seule mesure et source de la richesse ».
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En partant de cette perspective, le problème principal que pose un imaginaire social reposant sur l’approche binaire des populismes productifs est que le travail est affirmé comme sain et vertueux ; en tant que point de départ de la critique du parasitisme financier, ce travail est posé en perspective pour le futur. Il semblerait qu’une politique visant à l’abolition du travail restera toujours au-delà de l’horizon des populismes productifs.
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D’autres articles autour de ces sujets sur :
Critique de l’anticapitalisme tronqué de la gauche
par exemple : Citoyennisme, protectionnisme, nationalisme -Les vrais virages populistes d’une certaine « gauche » contemporaine, extrait :
il faudra rappeler que seule l’abolition, au niveau global de la propriété privée des moyens de production, des catégories de base du capitalisme (marchandise, argent, travail abstrait, valeur), de ses fonctionnalités « politiques » (Etat-nation bourgeois), et des rapports matériels de production découlant de ces logiques, constitue l’horizon révolutionnaire conséquent. Car l’ampleur des ambitions révolutionnaires doit aussi se situer au niveau de l’ampleur du désastre.
« Avec le RN, les gens s’entendent dire que les choses vont s’améliorer sans qu’ils n’aient rien à changer »
« Avec le RN, les gens s’entendent dire que les choses vont s’améliorer sans qu’ils n’aient rien à changer »
Le philosophe Michel Feher publie « Producteurs et parasites ». Il y décrit la façon dont l’extrême droite propose une version morale et racialisée de la lutte des classes, selon une vision du monde qualifiée de « producériste ». Il éclaire ainsi les difficultés stratégiques de la gauche.
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Une des clés de l’attractivité du RN pour vous, c’est le « producérisme » au cœur de son imaginaire. En France, le mot est totalement inconnu. Comment le définissez-vous ?
C’est une autre forme de lutte des classes, qui n’est pas fondée sur l’opposition structurelle du capital et du travail comme chez Marx. Elle est conçue d’un point de vue essentiellement moral et oppose deux catégories.
D’un côté, vous trouvez les producteurs, qui peuvent être des salariés, des indépendants ou des patrons, mais qui se caractérisent par leur vertu, c’est-à-dire par le fait que ce sont des gens qui bossent dur et qui n’aspirent pas à autre chose que vivre du fruit de leur labeur. De l’autre, vous trouvez des parasites qui pompent indûment les fruits de ce travail. Ils sont représentés comme des fainéants, des oisifs, des gens qui ne produisent rien ou en tout cas rien d’utile.
L’autre dimension importante du producérisme, c’est qu’il suppose l’existence de parasites d’en haut et de parasites d’en bas. Les premiers ne produisent pas, mais ils vivent de la circulation des capitaux. Lorsqu’il s’agit du capital économique, ce sont des usuriers et des spéculateurs. Lorsqu’il s’agit du capital culturel, il s’agit de fabricants de théories spécieuses, accusés de faire main basse sur les médias et l’enseignement. Les parasites d’en bas, eux, sont dans la redistribution des revenus et des droits. Il s’agit des assistés, qui vivent de la charité publique ou privée.
La dernière caractéristique cruciale du producérisme, c’est l’idée, plus ou moins explicite, qu’au fond les producteurs sont « les gars de chez nous ». Leur vertu, leur volonté de ne vivre que du produit de leur labeur, viendrait de la culture native nationale. Alors que les parasites seraient toujours, sinon étrangers de fait, du moins toujours étrangers à la culture du pays. Ceux qui sont dans la spéculation financière ou intellectuelle évoluent dans le monde cosmopolite des intellectuels ou bien dans le monde occulte de la finance internationale ; quant aux assistés, ce sont souvent des immigrés, des étrangers ou des gens étiquetés d’origine allogène.
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À chaque fois, on retrouve l’idée d’une défense des bons producteurs nationaux, qui peuvent être des patrons ou des ouvriers, mais qui ont en commun de bosser et de vouloir bénéficier du fruit de leur travail. Il s’agit de renforcer leur cohésion, par-delà le clivage de classe, en les dressant tous deux contre les supposés parasites d’en haut, essentiellement les juifs à cette époque, et les supposés parasites d’en bas, essentiellement les travailleurs immigrés.
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Petit à petit, le programme du FN/RN a basculé. Il ne s’est plus agi de pester contre le socialisme et le totalitarisme rampant, mais au contraire contre l’ultralibéralisme débridé dont les dégâts sont apparus de manière éclatante à partir de la crise de 2008. Le grand avantage pour le RN, c’est que ce basculement a été accompli sans frais. Le diagnostic a beau avoir été changé, les remèdes sont restés identiques. C’est une épuration des parasites qui était censée permettre de lutter contre le socialisme dans les années 1980 et 1990, comme de lutter contre l’ultralibéralisme par la suite.
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Comme d’autres, j’emploie le terme d’extrême droite pour qualifier le RN. Mais son cercle dirigeant et bon nombre de ses soutiens ne se voient sincèrement pas comme ça, ils considèrent qu’ils occupent un juste milieu entre le cynisme individualiste des libéraux et le collectivisme confiscatoire de la gauche. En termes de politique économique, en particulier, le parti prétend échapper au tout-marché comme au tout-État en appelant à « rendre l’argent aux Français ».
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Il reste que le producérisme du RN fonctionne bien sur deux volets, ce qui lui procure un avantage adaptatif non négligeable. Tant que Macron est la cible principale, il peut jouer la dénonciation de l’influence des cabinets de conseil et de la finance internationale. Lorsque la cible est plutôt la gauche, le RN joue alors davantage la corde de l’islamo-gauchisme.
Voir aussi :
Aux sources du vote FN/RN (4) : quel est cet imaginaire qui rend l’extrême droite désirable ? [Podcast] - Dans ce nouvel épisode du podcast « Minuit dans le siècle » (disponible sur la plateforme Spectre), Ugo Palheta reçoit le philosophe Michel Feher pour parler de son dernier ouvrage : Producteurs et parasites, qui vient de paraître aux éditions La Découverte. Ensemble, ils tentent de cerner l’imaginaire de l’extrême droite et ce qui peut le rendre désirable auprès d’une frange croissante de la population.
On a longtemps présumé, notamment à gauche, que le vote pour le FN/RN ne constituait qu’un vote par dépit, faute de mieux. Dès lors que l’électorat de l’extrême droite s’est solidifié, jusqu’à devenir le plus stable dans l’ensemble du champ politique, il paraît difficile de maintenir cette hypothèse d’un vote par défaut. Si ces électeurs·rices n’adhèrent sans doute pas à un programme, souvent méconnu, ils se reconnaissent dans un certain imaginaire qui imprègne ce programme mais surtout les discours et les postures des porte-parole du FN/RN.
Pour penser cet imaginaire, Michel Feher avance le concept de « producérisme » : une vision morale du monde (et de ses divisions) dans laquelle s’opposent non pas des exploiteurs et des exploités, non pas des possédants et des dépossédés, mais des producteurs méritants et des parasites nuisibles. En précisant d’emblée qu’il s’agit dans le cas des extrêmes droites d’un producérisme racialisé, puisque les parasites sont considérés comme tels car on leur attribue une essence malfaisante liée à leur statut irréductible d’étranger (à la nation française, à la civilisation européenne, à la culture occidentale, etc.).
Ainsi l’extrême droite parvient-elle, selon l’auteur, à se rendre désirable en promettant d’améliorer la vie des producteurs (blancs) sans rien changer de fondamental dans l’organisation sociale et économique, par la simple soustraction des parasites d’en haut (financiers, technocrates, intellectuels, etc.) et des parasites d’en bas (immigrés, minorités, musulmans, etc.).
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