Les premières personnes arrivées au rond point de la statue de l’insurgé à Crest ce mardi n’en croyaient pas leurs yeux et leurs oreilles.
Des gendarmes étaient là en nombre pour faire appliquer un arrêté préfectoral qui interdisait ce rassemblement (idem à Nyons) intitulé « rassemblement pour la paix au moyen-orient ».
- Crest : 20 flics et un drone pour interdire un rassemblement pour la paix au moyen-orient
- L’insurgé mal entouré
Ces rassemblements à Crest et Nyons sont d’emblé traités comme « pro-palestinien », alors que les présent.e.s étaient divers, beaucoup étaient horrifiés par les massacres de civils par le Hamas et par l’assassinat d’un enseignant à Arras. Ils ne comptaient pas seulement évoquer l’horreur des bombardements de civils à Gaza.
Il s’agissait surtout d’appeler à en finir avec toutes les guerres et les massacres de civils, à en terminer avec les oppressions et colonialismes étatiques.
Serait-ce que l’Etat français considère que la paix n’est ni possible ni souhaitable au moyen-orient ? Ou que le colonialisme et l’apartheid sont une bonne chose ? Ou que tous les palestiniens sont des assassins ?
- Crest : 20 flics et un drone pour interdire un rassemblement pour la paix au moyen-orient
- Une pancarte, interdite avec le rassemblement
D’autre part, l’arrêté préfectoral d’interdiction des rassemblements et d’autorisation d’une surveillance par drone à Crest affirme arbitrairement que « (...)la tenue d’une manifestation de soutien au peuple palestinien, organisée de surcroit par un collectif connu pour revendiquer et prôner des idées et des discours soutenant des organisations terroristes et légitimant le recours à la violence constitue, en elle-même, une atteinte à la dignité humaine et un trouble à l’ordre public ; que par suite, il apartient à l’autorité administrative de prévenir un tel trouble en l’interdisant »
De quel collectif s’agit-il ? De quel « recours à la violence » s’agit-il ? Qui a décrété ce jugement péremptoire ? Cnews et Darmanin ?
Les autorités se permettent de juger sans vergogne des propos politiques qui, selon toute vraissemblance, ne font qu’alimenter le nécessaire débat pluraliste d’habitude si cher aux « démocrates ».
C’est une sorte de « précrime », la préfecture présuppose et imagine dans son arrêté des actes délictueux sans éléments probants, et se permet de tout interdire par précaution.
Rappelons aussi que le simple fait qu’une manifestation ne soit pas déclarée ne peut pas justifier son interdiction.
Seule Crest a eu droit à la dystopique surveillance par drone (légalisée cette année). Les gendarmes de Nyons n’en disposaient pas encore ?
A peine arrivé, le nouveau préfet de la Drôme Thierry Devimeux s’illustre déjà de bien mauvaise manière.
- Le drone des gendarmes, qui volaient tranqillement au dessus du pont Mistral à Crest
- Crest : 20 flics et un drone pour interdire un rassemblement pour la paix au moyen-orient
Depuis quand des rassemblements pour la paix entre les peuples sont susceptibles de troubler le très fumeux « ordre public » (à géométrie variable) au point d’interdire un rassemblement ?
En réalité, on voit bien que les prétendus risques d’éventuels troubles ne sont qu’un prétexte vide pour censurer et interdire des possibles paroles publiques qui pourrait gêner ou critiquer le pouvoir en place et ses choix politiques.
C’est une censure politique délibérée, des méthodes autoritaires qu’on peut qualifier de dictatoriales.
Bizarrement, les préfets ne considèrent pas que les expressions et décisions du gouvernement français et de ses alliés politiques de soutien sans réserve au gouvernement israélien qui pratique des crimes de guerre (sans parler de tout le reste) pourraient créer de graves troubles à l’ordre public. Les autorités judiciaires n’interdisent pas au gouvernement de se réunir et de s’exprimer en public.
Par ailleurs, les préfets et le gouvernement ne s’empressent pas de condamner et de menacer de procès Enrico Macias quand il appelle sur Cnews à « dégommer physiquement » des membres de la France Insoumise. Vont-ils lui coller un drone au cul ? Sera-t-il fiché S et mis sur écoute ?
Pourtant ces propos à une heure de grande écoute à la tv paraissent nettement plus dangereux pour « l’ordre public » qu’un rassemblement pour la paix au moyen-orient dans une bourgade de campagne connue pour ses marchés paisibles.
- Crest : 20 flics et un drone pour interdire un rassemblement pour la paix au moyen-orient
Une vingtaine de flics, dont des membres du PSIG, avec le soutien d’un drone de surveillance !, ont donc empêché le rassemblement, ils ont poussé à la dispersion, pour finalement repousser un groupe vers le Champ de Mars, tandis que d’autres personnes circulaient autour du rond point ou discutaient ici ou là.
Une banderole « leurs guerres, nos morts » a été brièvement sortie, avec écrit « free Palestine » dans un coin. Ouh là là c’est grave. Terrrrrorrrisme !
On n’ose imaginer ce qui serait arrivé si quelqu’un avait brandi un drapeau palestinien, vu que, comme le ministre israélien d’extrême droite de la défense, le gouvernement français semble considérer que TOUS les palestiniens (enfants compris) sont des terroristes à éliminer.
Environ une cinquantaine de personnes ont voulu venir à ce rassemblement. C’est difficile à évaluer tant les gens étaient éparpillés, avec les flics aux ordres qui pouvaient dissuader ou carrément empêcher d’approcher.
- Crest : 20 flics et un drone pour interdire un rassemblement pour la paix au moyen-orient
Se rassembler en secret dans des caves ?
En ces temps de guerres, les gens sont donc interdits de se rassembler pour partager ressenties, indignations, interrogations, colères. Ils sont donc condamnés à rester seuls avec tout ça, sidérés devant les médias, ou à se réunir en catimini dans des caves ou des bois nocturnes ?
C’est justement dans des périodes troublées, dificiles, dures, sidérantes, qu’on a encore plus besoin de manifester et de se retrouver, et pas seulement quand tout va bien.
Une véritable démocratie s’attacherait au contraire à faciliter les expressions, surtout les plus contestataires.
Dans des tas d’autres pays, d’énormes manifestations, par exemple pour l’arrêt des bombardements et pour le droit des palestiniens à exister, ont pourtant eu lieu sans encombre.
Mais en France à présent, c’est la répression qui prime.
Au lieu de déployer 20 flics et un drone pour interdire un rassemblement, il aurait été plus logique d’employer ces agents à protéger le rassemblement d’éventuels agresseurs, ou à sévir si des propos réellement d’apologie d’assassinat de civils étaient tenus.
C’est une nouvelle atteinte forte à l’expression : seules les idées conformes à la politique gouvernementale sont autorisées dans l’espace public.
Et pendant ce temps, civils israéliens et palestiniens (surtout) crèvent.
Voici un extrait d’un texte publié sur le site de l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix) :
La Palestine criminalisée en France.
Cela fait bien longtemps que le pouvoir en France piétine les libertés, nasse les manifestations, utilise une violence policière extrême contre les Gilets Jaunes ou à Sainte Soline et dissout des associations.
La France est le seul pays occidental où les manifestations pour la Palestine, même déclarées, sont interdites. Des militant.es, dont des membres de l’UJFP, sont arrêté.es ou mis en garde à vue. Des officines diverses demandent la dissolution des associations qui défendent la Palestine. L’antisionisme, comme l’anticapitalisme deviennent des crimes dans un pays qui laisse les migrant.es se noyer.
L’extrême droite en embuscade, soutient sans réserve Israël.
Les médias déversent un discours à sens unique, criminalisant la France Insoumise parce qu’elle ne hurle pas avec les loups.
Darmanin qui prétend « défendre les Juifs de l’antisémitisme » est l’auteur d’un livre bourré de stéréotypes antisémites.
C’est sans doute la preuve que le soutien au peuple palestinien, menacé et abandonné, est essentiel dans notre combat sur le thème : « un autre monde est possible ». (...)
et aussi : Guerre Israël-Palestine : tout autant qu’Israël, l’Occident a le sang de Gaza sur les mains
Deux poids deux mesures
Hier 16 octobre à Valence (et ailleurs), des rassemblements pour Dominique Bernard et Samuel Paty ont pourtant été autorisés, et se sont déroulés sans encombres.
Des rassemblements pour la guerre, pour soutenir Dassault et Thalès, seraient sans aucun doute autorisés sans problème. Pas de risques de "troubles à l’ordre public" dans ce cas là puisque les ventes d’armes à des dictatures et autres régimes autoritaires ça va dans le sens du business de la mort industrielle légale.
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