L’économie capitaliste mondialisée ne pèse pas négativement seulement sur la production de masques (délocalisations, concurrence entre pays, flux tendu avec zéro stock), elle bloque et complique aussi la circulation des aliments.
Avec la crise et les habitudes nationalistes de chacun pour soi, chaque pays risque de garder ses productions pour lui...
En France, risque-t-on des pénuries alimentaires ?
Suivi de quelques remarques sur la théorie économique des avantages comparatifs en contexte de libre échange.
🔻CORONAVIRUS - VERS UNE CRISE ALIMENTAIRE MONDIALE ?
Des rayons à moitié vides d’où ont disparu les paquets de pâtes, les bouteilles d’huile et les rouleaux de papier toilette. Les mesures de confinement liées à l’épidémie de Covid-19 ont donné lieu à une consommation frénétique dans les supermarchés. Pourtant, le gouvernement l’assure : il n’y a pas de risque de pénurie. Qu’en est-il vraiment ? L’OMC, l’ONU et la FAO alertent aujourd’hui sur un risque de crise alimentaire mondiale.
En cause, la frénésie de la consommation, provoquant ruptures de stocks et augmentation record des ventes de pâtes et de papier-toilettes. Par ailleurs, la sécurité des employés est mise en cause par l’ONU, et partout nous voyons les employés se mettre en grève, en Belgique ou aux Etats-Unis, contre les risques face au virus. S’ajoute à cela le confinement d’1/3 de la population mondiale, provoquant un manque de main d’œuvre dans l’agriculture. Avec la fermeture des frontières, certaines superpuissances se découvrent toutes en même temps dépendantes de main d’œuvre venue d’ailleurs : latino-américains aux Etats-Unis, Maghrébins pour récolter les fraises en Espagne, backpackers européens en Australie, travailleurs agricoles d’Europe de l’Est dans les champs d’asperges en Allemagne.
De ce fait, certains Etats optent pour une politique protectionniste et refusent de vendre leur stock disponible, ce qui empire encore le risque de crise alimentaire. C’est le cas du Kazakhstan, qui a mis fin aux exportations de farine de blé, dont il est l’un des plus grands exportateurs mondiaux. Même chose pour le Vietnam, troisième exportateur de riz, et la Russie, premier exportateur de blé. La Chine, elle, fait des stocks en achetant les marchandises disponibles aux Etats-Unis. Au temps d’une économie mondialisée, le blocage des flux alerte sérieusement l’ONU sur des risques de pénuries.
L’absence de prise en considération des plus démunis a aussi des conséquences sociales désastreuses en termes d’alimentation. Une crise sociale planétaire est déjà à l’œuvre. Déjà, des émeutes de la faim ont eu lieu au Liban. « Plutôt mourir du coronavirus que de la faim”, ont scandé dans la rue les Libanais des quartiers défavorisés, privés de travail et d’aides de l’État, violant ainsi le couvre-feu imposé pour lutter contre la pandémie. En Italie, des voitures de police sont déployées devant les supermarchés de Palerme. Des enquêteurs sont chargés de surveiller les réseaux sociaux pour repérer les groupes de discussion où pourraient s’organiser des opérations de pillages. Trois semaines après le début du confinement, les autorités italiennes commencent à redouter l’explosion d’une bombe sociale. Un supermarché Lidl de Palerme a été pris d’assaut par un groupe de personnes qui ont tenté de sortir sans payer en criant « nous n’avons pas d’argent, nous devons manger » et des tensions similaires se sont produites dans d’autres villes du Mezzogiorno auprès de commerces d’alimentation.
La fragilité de notre système économique actuel n’en est que plus évident et criant. Tout repose sur les flux de marchandises ; et quand ils s’interrompent se posent les vraies questions sur notre subsistance. En tout cas, une pénurie alimentaire pourrait rendre la situation encore plus incontrôlable.
(post de Rouen dans la Rue)
Source :
- https://www.lepoint.fr/monde/manger-a-l-ere-du-coronavirus-la-securite-alimentaire-mondiale-en-question-01-04-2020-2369771_24.php
- https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/economie-la-crise-du-coronavirus-va-t-elle-provoquer-une-penurie-alimentaire
- Coronavirus : vers des pénuries alimentaires mondiales ?
La doctrine capitaliste des avantages comparatifs popularisée par David Ricardo a assis le choix des pays et régions de se spécialiser dans tel ou tel type de production qui leur donne le plus d’avantages sur le marché concurrentiel mondial.
La théorie associée à l’avantage comparatif explique que, dans un contexte de libre-échange, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production pour laquelle il dispose de l’écart de productivité (ou du coût) le plus fort en sa faveur, ou le plus faible en sa défaveur, comparativement à ses partenaires. Cette production est celle pour laquelle il détient un « avantage comparatif ». Selon Paul Samuelson (prix Nobel d’économie en 1970), il s’agit du meilleur exemple d’un principe économique indéniable mais contraire à l’intuition de personnes intelligentes2.
La conclusion principale de cette théorie est, que pour un pays, l’ouverture au commerce international est toujours avantageuse, indépendamment de la compétitivité nationale ; ceci, par principe dans une situation de compétition idéale. Il s’agit d’un argument décisif des théoriciens du libre-échange contre ceux qui prônent le protectionnisme par peur de ne pas trouver de débouchés, car il rejette l’idée de « nations moins compétitives » qui ne trouveraient qu’à acheter, et rien à vendre, dans les échanges transfrontières. Bien sûr, la théorie ne réfute pas que le commerce international puisse se faire au détriment de certains pays, lorsque ses modalités ne sont pas celles du libre-échange (impérialisme, colonialisme, et autres formes de domination), ni le fait que l’accroissement des gains d’un pays ne signifie pas nécessairement un accroissement correspondant du bien-être de ses habitants.
Cette idéologie des avantages comparatifs dans un monde capitaliste a accru de manière dramatique et criminelle la monoculture écocidaire et la circulation mondialisée des marchandises, génératrices de pollutions et d’émissions de CO2, avec les conséquences désastreuses que l’on sait, et la pandémie au coronavirus est l’une d’elle.
Cette idéologie est peut-être satisfaisante pour les intérêts capitalistes et le fonctionnement du libre Marché mondial, mais d’un point de vue écologique et social, elle est désastreuse et criminelle.
En temps de crise, les échanges ralentissent et chaque pays risque de vouloir garder sa production spécialisée, ce qui affecte les ressources alimentaires des autres pays par effet domino.
Ainsi, tel pays, telle région, aura pléthore de blé, tel autre pléthore d’huile de palme, de piment, de thé, de café, de cacao, etc.
Or chacun sait que l’alimentation humaine doit être diversifiée, et ne pas se limiter à quelques produits...
Heureusement, en France on a encore une production assez diversifiée, mais cette agriculture largement industrielle dépend du commerce mondial des intrants (engrais, pesticides) et du pétrole.
Dans la Vallée de la Drôme, on se nourrira de Clairette et d’huiles essentielles ? ;-)
Les risques alimentaires d’un confinement trop stricte ?
Les jardins familiaux ou ouvriers représentent une petit part de la production alimentaire. Néanmoins, dans un contexte de crise économique et de possibles pénuries alimentaires, il semble déraisonnable d’interdire cette pratique de manière systématique.
En effet, si pénurie alimentaire il y avait, on serait bien content d’avoir cette production d’appoint... D’autre part, vu que ce sont souvent les plus pauvres qui s’y adonnent, ces jardins vivriers leur permettraient de supporter moins difficilement les effets de la crise économique à venir. Car on sait bien qu’ils sont et seront les plus précarisés et que l’Etat capitaliste ne les aidera pas beaucoup.
Le gouvernement a aussi interdit la plupart des marchés ouverts (75%) (alors que ces marchés sont moins dangereux que les supermarchés), avec le risque de fragiliser les petits producteurs locaux, qui là aussi s’avèreraient très utiles si la crise économique s’avère vraiment grave (ce qui est fort probable), avec des marchés internationaux et des importations d’aliments et de matières premières perturbés, donc avec des pénuries alimentaires à la clé.
On se rendra alors compte que les supermarchés et les Amazon ne produisent rien.
En juillet, trop tard, en plein canicule, le gouvernement nous ordonnera-t-il d’aller cultiver partout des potagers (comme le gouvernement britannique durant la 2e guerre mondiale), après avoir sabré les cultures potagères de printemps par des interdictions trop fortes ?
Extraits de plusieurs articles :
Les conditions, décrites sur le site du gouvernement, sont claires : vous pouvez jardiner si et seulement si « votre jardin est attenant à votre domicile et que vous n’avez pas besoin de sortir dans l’espace public pour vous y rendre ».
« La réponse (obtenue des services gouvernementaux au téléphone) est claire et sans appel : il est interdit d’aller dans les jardins ouvriers pendant la période de confinement », indiquait-il. Depuis, des barrières ont été posées à l’entrée des quelque deux cents parcelles. L’interdiction vaut pour tous les jardins de type communautaire, même publics
« Certes, nous sommes dans la meilleure période pour travailler la terre. Mais le jardinage n’est pas une activité essentielle, rappelle-t-il. Certains continuent pourtant d’aller sur leurs terrains. Parfois en famille. Pensant qu’il est simple d’éviter les autres puisque les parcelles individuelles sont à plusieurs mètres d’écart. Mais la question n’est pas là. Ça ne vaut pas un déplacement, même bref. Ça reste risqué et dangereux. Pour soi comme pour les autres. » Et d’ajouter : « Il n’y a aucune urgence. On peut très bien différer le travail au jardin. L’important est de rester en bonne santé. » Tant pis si les fruits et légumes cultivés sont perdus.
« Franchement, on prend plus de risques à faire ses courses au supermarché, où on côtoie des gens à moins d’un mètre, qu’à se rendre dans sa parcelle aux jardins familiaux. Elles font toutes plus de 100 m2. » Comme Michèle, 68 ans, beaucoup de locataires de jardin rongent leur râteau, en voyant le soleil rayonner sur une végétation qui s’éveille.
- D’autres communes autorisent les jardins, moyennant des précautions :
Accès aux jardins familiaux autorisé - L’accès aux jardins familiaux ou ouvriers reste possible pour les seules nécessités liées aux cultures potagères et dans le strict respect des mesures barrières (article 4 de l’arrêté préfectoral du 20 mars 2020) - Dans de nombreux pays où la survie est précaire (Inde, pays d’Afrique...), des millions de personnes préfèreront le risque du virus à celui de mourir de faim :
Covid-19 : l’impossible confinement de la moitié de l’humanité - De plus en plus de pays assignent leurs habitants à résidence pour tenter de freiner la propagation du coronavirus. Des mesures drastiques, qui ont montré leur efficacité en Chine et en Europe, mais difficilement applicables dans les pays où la majorité de la population vit au jour le jour
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