Convergence des luttes : Frapper le système où ça fait mal

Frapper au coeur au lieu des périphéries en caoutchouc - Ne pas attaquer le système sur le terrain de ses valeurs

mercredi 4 novembre 2020, par Les Indiens du Futur.

Un article de réflexion philosophique et politique sur l’action radicale.
Simple et de bon sens.

- Convergence des luttes : Frapper où ça fait mal (par Theodore Kaczynski)

- Extraits

Le propos de cet article est de signaler un principe très simple des conflits humains que les opposants au système techno-industriel paraissent négliger. Ce principe réside en ceci que, quelle que soit la nature du conflit, si vous voulez l’emporter vous devez frapper votre adversaire où ça fait mal.

Je m’explique. Lorsque je parle de « frapper où ça fait mal » je ne fais pas nécessairement allusion à des coups ou à une autre forme de violence physique. Dans un débat, par exemple, « frapper où ça fait mal » ce serait mettre en avant les arguments face auxquels la position de vos contradicteurs est la plus vulnérable. Dans une élection présidentielle « frapper où ça fait mal » reviendrait à l’emporter sur votre rival dans les États où il y a le plus de votants. Je n’utiliserai donc l’analogie avec un combat physique que parce qu’elle est claire et frappante.

Si quelqu’un vous frappe, vous ne pouvez vous défendre en frappant sur ses poings : vous ne lui ferez pas mal de cette façon. Pour l’emporter dans la bagarre, vous devez le frapper où ça fait mal. Ce qui veut dire atteindre, derrière ses poings, les parties sensibles et vulnérables du corps de l’adversaire.

Imaginez que le bulldozer d’une compagnie forestière arrache des arbres à côté de votre maison. C’est bien la lame du bulldozer qui pousse la terre et couche les arbres au sol. Mais ce serait une perte de temps que de frapper dessus à coups de masse. Consacreriez-vous une longue et pénible journée à vous acharner sur la lame à coups de masse que vous réussiriez sûrement à l’endommager assez pour la rendre inutilisable. Mais, par rapport au reste de l’engin, la lame est relativement bon marché et facile à remplacer. Elle n’est, en somme, que les poings au moyen desquels ce bulldozer frappe la terre. Pour vaincre la machine, il faut attaquer ses parties vitales en allant les chercher derrière les poings. Un tel engin, par exemple, peut fort bien être réduit à néant, de façon très expéditive, en fort peu de temps et sans efforts, par toutes sortes de moyens bien connus de nombreux radicaux.

A ce stade il me faut être clair sur le fait que je n’incite personne à démolir un bulldozer (à moins d’en être soi-même propriétaire). Pas davantage on ne trouvera dans cet article quoi que ce soit qui puisse s’interpréter comme une incitation à aucune sorte d’activité illégale.

Je suis en prison et si j’en étais à encourager des activités illégales cet article n’obtiendrait pas même l’autorisation de sortir de l’établissement. J’utilise l’image du bulldozer parce qu’elle est claire et frappante et qu’elle sera appréciée par les radicaux.

Convergence des luttes : Frapper le système où ça fait mal
Frapper au coeur au lieu des périphéries en caoutchouc - Ne pas attaquer le système sur le terrain de ses valeurs, mais être en rupture, aller à la source

Il est généralement admis que la variable fondamentale qui détermine le processus historique contemporain repose sur le développement technologique (Celso Furtado). Plus que tout, c’est la technologie qui est responsable de l’état actuel du monde et qui contrôlera son développement ultérieur. De sorte que le bulldozer qu’il nous faut détruire est la technologie moderne elle-même.

Beaucoup de radicaux en sont conscients et réalisent par conséquent que leur tâche est d’éliminer la totalité du système techno-industriel. Mais ils n’accordent malheureusement que peu d’attention à la nécessité de frapper le système où ça fait mal. Démolir des McDonald’s ou des Starbuck’s est absurde. Non que j’aie quoi que ce soit à faire de McDonald’s ou de Starbuck’s. Je me moque qu’on les détruise ou pas. Mais ce n’est pas une activité révolutionnaire. Même si toutes les chaînes d’alimentation rapide du monde étaient anéanties, ce ne serait qu’un mal bien minime pour le système techno-industriel qui peut évidemment se passer aisément de chaînes de fast-food pour survivre. S’en prendre à McDonald’s ou à Starbuck’s n’est vraiment pas « frapper où ça fait mal ».

Il y a quelques mois j’ai reçu une lettre d’un jeune danois qui était persuadé que le système techno-industriel devait être éliminé parce que, disait-il, « qu’arrivera-t-il si nous continuons dans cette voie ? » Il semble pourtant que son genre d’activité « révolutionnaire » consiste à organiser des attaques contre des élevages d’animaux à fourrure. En tant que moyen d’affaiblir le système techno-industriel, voilà une activité proprement inutile. Même si les mouvements de libération animale réussissaient à éliminer totalement l’industrie de la fourrure, ils ne nuiraient nullement au système parce que le système peut parfaitement se perpétuer sans fourrures.

C’est dire à quel point on ne frappe pas le système où ça fait mal lorsqu’on combat l’industrie forestière. On ne s’en prend qu’aux poings (ou à l’un des poings) que le système utilise pour détruire la nature ; et, comme dans une bagarre, ce n’est pas comme ça qu’on gagne. Il faut, derrière les poings, viser les organes vitaux les plus sensibles. Par des moyens légaux, bien sûr, comme des manifestations pacifiques.

Le système techno-industriel est extraordinairement coriace du fait de sa structure prétendument « démocratique » et de la souplesse qu’elle lui autorise. Parce que les systèmes dictatoriaux tendent à la rigidité, les tensions et la résistance sociales peuvent s’y développer jusqu’à porter atteinte au système, à l’affaiblir, à s’achever en révolution. Mais dans un système « démocratique », lorsque la tension et la résistance sociales s’accroissent dangereusement, le système recule et transige suffisamment pour ramener les tensions au seuil de sécurité.
(...)
Car s’en prendre au système c’est comme frapper sur un morceau de caoutchouc. Un coup de marteau peut briser de la fonte, qui est rigide et cassante. Mais on peut frapper à loisir sur un morceau de caoutchouc sans l’abîmer parce que le caoutchouc est souple. Le système se dérobe juste assez devant les protestations pour qu’elles perdent leur force et leur élan ; juste assez pour rebondir à nouveau.

C’est pourquoi, pour frapper le système où ça fait mal, il faut choisir les angles d’attaque qui l’empêcheront de rebondir, qui le porteront à se battre jusqu’au bout. Parce que c’est une lutte à mort et non des accommodements avec le système qu’il nous faut.

Il est absolument essentiel d’attaquer le système non sur le terrain de ses valeurs, technologiquement orientées, mais sur celui de valeurs incompatibles avec les siennes. Tant qu’on l’attaque sur le terrain de ses propres valeurs on ne le frappe pas où ça fait mal, et on lui permet de battre en retraite, de se dérober pour faire s’évanouir la contestation. Si on attaque, par exemple, l’industrie forestière surtout parce qu’on a besoin des forêts pour ménager les ressources en eau ou le potentiel d’activités récréatives, le système peut céder du terrain afin de désamorcer la protestation sans remettre en cause ses propres valeurs : les ressources en eau et les activités de loisirs sont pleinement en phase avec les valeurs du système, et s’il recule, s’il restreint l’activité forestière au nom des ressources en eau et des activités de loisirs, il n’opère en vérité rien d’autre qu’une retraite tactique et n’endure nullement une défaite stratégique selon sa propre échelle de valeurs.

De nombreux radicaux succombent à la tentation de se focaliser sur des questions inessentielles comme le racisme, le sexisme et les « sweatshops » parce que c’est facile. Ils se saisissent d’une question sur laquelle le système pourra s’offrir un compromis et sur laquelle ils obtiendront le soutien de gens comme Ralf Nader, Winona La Duke, des syndicats et de tous les autres pédés (pink) réformateurs (voir NOTES en commentaires pour l’expression ici employée de "pédés"). Peut-être le système reculera-t-il un peu sous la pression, de sorte que les activistes décèlent quelques résultats visibles de leurs efforts et ressentent l’illusion gratifiante d’avoir fait quelque chose. Mais en réalité ils n’ont rien fait du tout en vue d’éliminer le système techno-industriel.

Pour travailler efficacement à l’élimination du système techno-industriel, les révolutionnaires doivent attaquer le système sur les points où il ne peut s’autoriser à céder de terrain. Ils doivent attaquer ses organes vitaux. Bien entendu lorsque je parle d’attaque je ne songe nullement à une attaque matérielle, mais exclusivement à des formes légales de contestation et de résistance.

Les organes vitaux du système sont, entre autres :

  • L’industrie électrique. Le système est totalement dépendant de son réseau d’approvisionnement en électricité.
  • L’industrie des communications. Le système est incapable de survivre sans moyens de communication rapide tels que le téléphone, la radio, la télévision, le courrier électronique et ce qui s’en suit.
  • L’industrie informatique. Nous savons tous que le système s’effondrerait rapidement sans ses ordinateurs.
  • L’industrie de la propagande. Elle comprend l’industrie des loisirs, le système éducatif, le journalisme, la publicité, les relations publiques et l’essentiel de la politique et l’industrie de la santé mentale. Le système ne peut fonctionner sans que les gens se montrent suffisamment dociles et se conforment aux comportements dont il a besoin. C’est la fonction de l’industrie de la propagande que d’enseigner aux populations ce type de pensées et de comportements.
  • L’industrie des biotechnologies. Pour autant que je sache, le système n’est pas encore matériellement dépendant de la biotechnologie. C’est toutefois un sujet sur lequel il ne peut se permettre de céder car il revêt pour lui une importance critique, comme je vais essayer de le prouver à l’instant.

Encore une fois : si on s’en prend aux organes vitaux du système, il est essentiel de ne pas le faire en respectant ses valeurs mais en se fondant sur des valeurs incompatibles avec lui.

On peut discuter pour savoir si j’ai raison de penser que les biotechnologies sont le meilleur sujet sur lequel on puisse attaquer politiquement le système. Mais que les radicaux gâchent aujourd’hui le plus clair de leur énergie sur des sujets qui ont peu ou pas d’importance pour la survie du système technologique ne mérite pas discussion. Même lorsqu’ils retiennent de bons sujets, les radicaux ne frappent pas où ça fait mal.

Aussi, au lieu de trottiner vers le prochain sommet mondial du commerce pour s’y étrangler de rage contre la globalisation, les radicaux feraient mieux de consacrer un peu de temps à réfléchir où frapper le système pour ça lui fasse vraiment mal. Par des moyens légaux, bien sûr.


Forum de l’article

  • Convergence des luttes : Frapper le système où ça fait mal Le 5 novembre 2020 à 19:29, par simon1

    Mal traduit ? Mais traduit hélas ... exemple typique de la déplorable logomachie américaine = hâbleur , répétitif, confondant comparaison et démonstration ...tout ça pour en arriver à des truismes proférés sur un ton docte.
    S’attaquer ( dans le cadre légal ) à l’industrie électrique, ben voyons.
    heureusement , que par un heureux hasard, dans l’article sur l’amnésie sociale, la citation de l’article , fin , intelligent lucide et prémonitoire de Simone Veil vient contrebalancer cette foutaise.
    « Tout à déjà été dit, tout est toujours à redire, il semblerait que l’humanité soit sourde, elle l’est pour l’essentiel ». C. CASTORIADIS

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  • Convergence des luttes : Frapper le système où ça fait mal Le 5 novembre 2020 à 11:38, par Heska

    Je ne peux pas encourager la censure. Si cet auteur que l’on met en avant dans Ricochets, et dont nous nous invite à découvrir ou partager les idées, a dit « pédés », alors il faut laisser ce terme et joindre une note de désapprobation. Heureusement pour la crédibilité de l’auteur, il n’en est rien et c’est la traduction sur le site « Le Partage », d’où vient l’article qui est foireuse. Pink en argot (slang) c’est une manière de parler des « socialistes » ou « sociaux-démocrates ». Cela correspond au « rose bonbon » pour nommer les socialistes qui ont oublié ce qu’était le socialisme. Voir ici : https://www.wordreference.com/enfr/pink

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  • Convergence des luttes : Frapper le système où ça fait mal Le 5 novembre 2020 à 09:14, par rutabaga

    Bonjour

    Cela veut dire quoi cette utilisation du mot « pédé » dans « Ricochets » ?

    « Ils se saisissent d’une question sur laquelle le système pourra s’offrir un compromis et sur laquelle ils obtiendront le soutien de gens comme Ralf Nader, Winona La Duke, des syndicats et de tous les autres pédés (pink) réformateurs ».

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