Nous n’oublierons pas Gaza

PALESTINE : ateliers d’écriture - appel à contributions d’ici le 15 septembre !

dimanche 22 juin 2025, par Magda.

Un texte à plusieurs voix, écrits lors de deux ateliers d’écriture, le premier début décembre 2024 avant le cessez-le-feu, le second mi-mars, quand le cessez-le-feu laissait entrevoir un espoir de reconstruction prochain.
Depuis, les événements ont continué de plonger l’humanité face à sa terrible responsabilité, en assistant collectivement et passivement au génocide du peuple palestinien.
Pour tenter de ne pas sombrer dans le dénis et le désespoir, de ne pas rester seul.e.s avec la sensation d’impuissance, les mots sont ce qu’il nous reste, pour chercher à exprimer les émotions qui nous traversent et chercher à nous relier aux palestinien.e.s, et à notre humanité.


J’ai vu les images et entendu les sons des bombardements, l’effondrement des bâtiments et des gens, les linceuls alignés, petits et grands, les cris des femmes, des hommes et des enfants.

J’ai vu des hommes emmenés nus dans une remorque.

J’ai vu des hommes humiliés, dénudés, yeux bandés, les mains derrière le dos attachées, les visages des prisonniers relâchés, les supplices subis, les chiens complices, et les yeux écarquillés de celui devenu fou.

J’ai vu mon cœur prendre de la distance

J’ai vu ces papiers qui tombaient du ciel, sommant à la population de quitter le nord vers le sud, où pris au piège, elle a ensuite été bombardée.

J’ai vu les images des familles sur les routes, avec leurs affaires, parfois leurs chats aussi, chassées de leurs maisons.

J’ai vu une dame en fauteuil roulant pleurer de douleur pendant qu’on la déplaçait dans la hâte de la guerre. Je n’ai pas voulu regarder la fin de la vidéo.

Sur mon écran, j’ai entendu les gens s’agiter, les familles hésiter entre fuir ou rester. Parfois se diviser. Urgence de décider.

Pressées par la menace, j’en voyais déjà en marche.

Oppression, confusion, l’heure approchait.

Alors sur le papier comme un cri, c’est un appel à la paix qui s’est écrit. “Militaires, militaires, rentrez chez-vous !”. C’est un texte, une mélodie chanté en public le plus possible.

J’ai vu des gens s’empresser pour tenter de sauver des décombres quelques miraculé.e.s.

Et maintenant, retrouver les corps, reconnaître les disparus.
Lister, honorer, pleurer.

Je n’ai pas entendu le son des Drones qui trônent jour et nuit au dessus de nos têtes en soufflant le bruit de la mort.

Je n’ai pas entendu le cri de mes proches alertés cherchant à trouver refuge.

Je n’ai pas entendu le bruit d’une bombe exploser dans mon quartier.

Et maintenant déminer, déminer pour ne plus tuer.

J’étais assise sur le bord du lit. Une enfant s’endormait à côté de moi. J’étais sur insta. Je voulais savoir ce qu’il s’était passé durant la journée. J’ai vu une jeep de l’armée israélienne tourner dans une ville en ruine, avec des corps de personnes palestiniennes, mortes, accrochées sur le pare-choc. Je n’ai pas réussi à éteindre le téléphone. J’ai regardé la vidéo en boucle. Je me suis mise à pleurer.

J’ai lu que des soldats israéliens ont témoignés, choqués d’eux-mêmes, d’avoir tiré et tiré encore sur les civils comme dans un jeu vidéo

Et maintenant, la peur que ça recommence

J’ai su que des hôpitaux devenus refuges s’étaient fait assiégés puis bombardés avec des soignants, des malades et des blessé.es, restés dedans.

J’ai vu l’image de ces bébés prématurés abandonnés.

Et maintenant, rouvrir les écoles et les centres de soin

J’ai su les atroces conditions dans lesquelles les femmes accouchaient et que certains enfants à peine nés furent très vite tués.

J’ai vu l’image d’un grand-père qui tenait sa petite fille dans ses bras. Il refusait de poser le corps car il n’acceptait pas qu’elle soit morte. L’étreinte était douce et pleine d’amour.

Et maintenant les orphelins à adopter pour grandir en sécurité.

Nous n’oublierons pas les membres amputés des enfants devenus handicapés, ni leurs corps creusés par la faim, ni leurs efforts quotidiens pour trouver et amener l’eau et la nourriture à leurs familles.

Nous n’oublierons pas toute l’application des adultes à les faire chanter, jouer, ni les petits cadeaux pour leur faire plaisir. Nous n’oublierons pas leurs sourires.

Et maintenant les enfants vont continuer de naître, de jouer, de faire beaucoup de cauchemars et de poser des questions. Comment leur répondre ?

Nous n’oublierons pas l’appel de Hind, cette petite fille bloquée dans une voiture entre les corps morts de sa famille puis tuée elle aussi, ainsi que les secouristes partis à sa recherche.

Nous n’oublierons pas le visage des dizaines de journalistes massacrés par Tsahal
Et maintenant, donner la parole aux morts.

Nous n’oublierons pas les mots du poète Reefat Alareer qui savait qu’il allait mourir, et qui s’adressa au monde avec ce poème... « si je dois mourir ».

Nous n’oublierons pas les mosquées, les églises, les écoles et les universités anéanties.

Nous n’oublierons pas la prière de l’Aïd sous la pluie.

Et maintenant, nous continuerons à lire et à célébrer la poésie et la culture palestiniennes bien vivantes.

Nous n’oublierons pas notre colère en découvrant les réserves d’eau potable souillées, la mort lente, programmée.

Et maintenant l’eau, la retrouver, la laisser couler.

Et puis la mer, s’y baigner à nouveau.

Nous n’oublierons pas les convois humanitaires bloqués à la frontière, les médicaments empêchés d’arriver, l’humiliation d’une aide alimentaire balancée à la mer, les meurtres commis lors des distributions et le sang sur les paquets de farine.

Et maintenant pourtant sur l’étal de la souffrance, organiser la survie, faire face au manque de tout, pour manger et nourrir les enfants, pour se soigner et soigner les anciens, pour laver le quotidien.

Nous n’oublierons jamais d’avoir vécu un génocide quasiment en direct et bien au chaud.

Nous n’oublierons pas que c’était insupportable.

Et maintenant raconter ce que l’on sait, ce que l’on a vu et entendu, ne pas laisser les colons raconter leur histoire.

J’ai vu un drapeau très grand dans le vent.

J’ai voulu le faire flotter moi aussi, qu’importe si la police était sûrement à côté, et me sentir en paix avec ma vie.

J’ai vu mon père s’intéresser à une affiche de soutien. J’ai eu l’impression qu’il était fier de moi. ça m’a rendu fier.e de lui.

J’ai vu des personnes juives se mobiliser contre la politique d’Israël.
Et maintenant écrire ce texte pour témoigner, ne pas laisser la distance ou l’oubli s’installer.

Nous n’oublierons pas les déclarations alarmistes de l’ONU ni les témoignages horrifiés d’humanitaires volontaires, comme celui de Imane Maarifi, cette infirmière invitée à l’Assemblée, ensuite mise en garde à vue pour apologie du terrorisme.
Nous n’oublierons pas que l’Afrique du Sud a été le premier pays à se positionner et à agir en portant plainte contre Israël pour Génocide auprès de la Cour Internationale de Justice.

Et maintenant, lutter contre notre propre xénophobie, notre impérialisme, contre l’islamophobie, l’antisémitisme, contre tous les racismes, et toutes les formes de colonialisme.
Et maintenant, continuer à revendiquer aussi le droit au retour de tous et toutes les exilées.

Nous n’oublierons pas les keffiehs portés partout ni l’éveil des étudiant.e.s occupant leurs campus.

Nous n’oublierons pas le projet fou d’une nouvelle flottille pour Gaza.

Nous n’oublierons pas ces centaines de personnes debout à Brigthon porter un ruban rouge de plusieurs kilomètres pour signifier le génocide.

Nous n’oublierons pas le chant des supporters du Rajah de Casablanca, ni le chant suédois Leve Palestina ni le refrain de Saint Levant "Continuez à parler on vous entend pas"

Et maintenant, continuer à chercher comment passer de la sidération à l’action. Projeter des films sur la réalité de la colonisation. Boycotter plus que jamais les produits des colons. BDS ! BDS !

Nous n’oublierons pas toutes les mobilisations, les drapeaux palestiniens qui ont fleuri, qui se sont élevés en signe de protestation, à travers le monde, même si en peu grand nombre.

Et maintenant, prendre des risques pour ne pas sombrer dans l’impuissance.

“Je suis arrivée devant la gare. Il y avait du monde et un grand drapeau palestinien de plusieurs mètres au sol. Et quand on a crié "Palestine vivra, Palestine vaincra" j’ai senti les pavés, là, sous nos pieds, trembler. Ça m’a fait une force dingue dans le corps.”

J’ai vu des personnes tenaces se réunir sur un pont à Crest tous les jeudis de 18h à 19h, Je suis soulagée qu’iels existent. Grâce à elles des bougies ont été allumées. J’allumerai des bougies pour elles.

Nous n’oublierons pas ces innombrables lueurs comme autant de promesses d’exister.

Nous n’oublierons pas la chaleur de partager notre effroi, nos larmes, notre besoin d’être ensemble et d’agir.

A Die, début de nuit, fin d’hiver.

Nous formons un cercle. Nous ne nous connaissons pas ou peu mais nous formons un cercle.
Nous ne nous connaissons pas ou peu mais nous avons voulu former un cercle, pour soutenir là bas.
Pour ne pas laisser l’indifférence gagner le pas.

Un homme revient de mission humanitaire. Nous écoutons. Nous restons.

Nous sommes tristes et le vent est féroce mais nous écoutons et nous restons. Et avec nous, ils et elles ... resteront.

Et maintenant continuer à nous rassembler dans les villes, les villages, les hameaux, à sortir les drapeaux et à klaxonner. marquer l’espace public de nos présences, dire et faire entendre les voix palestiniennes.
Nous n’oublierons pas ce rassemblement à Aouste, le 15 mai 2024, en commémoration de la Nakba, comme une mise en mouvement.

Ce jour-là à Aouste, avec toi, avec vous, essai de vert, de rouge, apparaissent des pastèques, des dessins de colombes, du bleu, du jaune, du rose, du orange, du marron, du violet, un peuple d’oiseaux aux couleurs d’amertume, sur un fil à linge, fragiles vies à défendre.
les enfants, nos mains se mélangent, naissances de cerf-volants !

Les voix. J’ai entendu leurs voix. Enregistrées et diffusées. Les nôtres dans le micro. Ensemble dans la sono. Plus tard à la radio.
Se faire écho d’un mouvement.
Délit de lien, proches du lointain désastre, humain avec l’inhumain.
Et si l’onde se propageait ?

Et maintenant entretenir le feu, ne pas perdre l’élan, garder espoir.

Et maintenant.
La fin de la guerre est déclarée, paraît-il.
Pourtant le cœur reste triste.

Les frappes martèlent encore la trêve, soubresauts du monstre encore lancé dans sa course infectée.

Et maintenant reconstruire, aider comme nous pouvons.

Incarner les voix intérieures de notre humanité.
Prier pour les mort.e.s, les mutilé.e.s, les endeuillé.e.s, les terrifié.e.s.

Et maintenant donner la parole aux morts.
Les dernières volontés des morts, quelles sont-elles ?
Quels enfants de la guerre sommes-nous ?
Quels enfants de la Résistance et de l’horreur sommes-nous ?
Quels enfants de Dieu sommes-nous ?
Si l’humanité devait finir, quelles traces voudrions-nous laisser ?
Un autel, un arbre pour se recueillir, seul.e ou à plusieurs, en mémoire, en enfantage.
Un jardin de fleurs, de bons fruits, de couleurs, de senteurs, une douce heure pour celleux qui en ont besoin.

Et maintenant, Carême et Ramadan.
Bricoler de la convivialité, chercher la flamme de la vie là où les braises l’ont laissée.
Et demain, refaire peuple.

P.-S.

Appel à contributions : textes et dessins pour la Palestine

Après un an d’horreurs à Gaza et d’indignation partout dans le monde, nous avons senti le besoin de nous réunir et d’écrire ensemble, pour témoigner et exprimer notre soutien au peuple palestinien, colonisé et persécuté.

De ces temps d’écriture est né un texte collectif portant nos émotions et nos espoirs face au génocide.

Le génocide est toujours en cours à Gaza. La violence toujours insoutenable. A certains moments nous avons espéré un cessez le feu, à d’autres espéré que le blocus prenne fin et que l’aide humanitaire puisse rentrer enfin.

Aujourd’hui, nous souhaitons poursuivre dans cet élan, rassembler d’autres témoignages pour créer une nouvelle forme collective et la publier sur papier.

Pour conjurer notre propre impuissance. Pour ouvrir un espace d’expression et permettre à nos émotions d’exister. Pour déjouer le désespoir.
Nous relier aussi.
Une prière contre l’injustice, un hommage aux martyrs, un cri du coeur.

Paroles d’enfants ou d’adultes, nous lançons aujourd’hui un appel à contributions en vue de ce recueil, pour donner une suite aux textes déjà écrits, et faire exister de nouvelles voix.
Ces contributions peuvent être sous forme de texte ou sous une forme visuelle (dessin, peinture, collage, photo…)
Ce ne sont pas des tracts, ni des analyses politiques que nous proposons ici de publier, mais des expressions qui partent de soi, de ressentis propres, et que chacun.e a la légitimité de partager, quel que soit son degré de connaissance sur la situation et l’histoire en Palestine. Parce que chacun.e de nous est concerné.e en tant que personne humaine.

Si vous êtes intéressé.e, envoyez-nous votre contribution avant le 15 septembre 2025 à l’adresse mail suivante : paroles.palestine chez protonmail.com

Attention, les pièces jointes trop volumineuses (plus de 25 mo) ne passeront pas, n’hésitez pas à utiliser proton drive ou we transfert ou autre.

Nous avons constitué un comité de rédaction pour collecter, choisir et assembler les contributions. Nous vous répondrons, au courant de l’automne.


Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
[Se connecter]
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Retrouvez Ricochets sur :
- MASTODON (en .onion)
- SEENTHIS

Partagez la page

- L'article en PDF : Enregistrer au format PDF
Site réalisé avec SPIP | | Plan du site | Drôme infos locales | Articles | Thèmes | Présentation | Contact | Rechercher | Mentions légales | Suivre la vie du site RSS 2.0
Médial local d'information et d'expression libre pour la Drôme et ses vallées, journal local de contre-pouvoir à but non-lucratif, média participatif indépendant :
Valence, Romans-sur-Isère, Montélimar, Crest, Saillans, Die, Dieulefit, Vercheny, Grane, Eurre, Loriol, Livron, Aouste sur Sye, Mirabel et Blacons, Piegros la Clastre, Beaufort sur Gervanne, Allex, Divajeu, Saou, Suze, Upie, Pontaix, Barsac, St Benois en Diois, Aurel...
Vous avez le droit de reproduire les contenus de ce site à condition de citer la source et qu'il s'agisse d'utilisations non-commerciales
Copyleft