Sur Mr Mondialisation, voici un article qui met les pieds dans le plat : Si notre marge d’action se limite à la consommation, le Capital a déjà gagné !
Extraits :
L’idée selon laquelle le consommateur pourrait infléchir le système en redirigeant ses achats s’est rapidement répandue sur les réseaux sociaux ces dernières années et trouve son point d’orgue dans les appels au « boycott ». Sans nier que ces actions peuvent être le fruit d’une mobilisation collective et un outil de sensibilisation du public tous deux utiles, considérer que notre seul levier serait l’acte de consommer, c’est non seulement nier le caractère systémique de la crise que nous traversons, c’est aussi jouer le jeu du modèle économique que l’on entend critiquer. Édito et mise au point.
Aussi vital soit-il éthiquement parlant, le choix individuel jeté en pâture aux marchés est insuffisant pour changer un système dont les racines sont infiniment profondes. Au mieux, et c’est là qu’elle joue un rôle important, une consommation responsable et locale réoriente parfois les potentielles dépenses vers des acteurs de la transition. Il faut oser aller plus loin.
les tenants du boycott pourraient répondre que « si suffisamment de personnes s’y mettaient, alors leurs objectifs seraient atteints ». C’est pourtant oublier un peu vite l’aspect systémique du problème, une dimension dont le boycotteur est d’ailleurs lui même victime : il est facile d’acheter un miel produit localement ou du riz équitable ou même de ne pas les acheter du tout, il est bien plus compliqué de dire non à un ordinateur ou un téléphone portable lorsque notre travail en dépend. Que pouvons-nous en déduire : que le citoyen est impuissant face à ses paradoxes individuels et qui sont la conséquence du modèle économique dans lequel il évolue. Il n’a pas de moyen d’action fort contre ces paradoxes. Seule solution pour « sauver » le monde : changer de modèle. Et comment changer de modèle sans puissance collective avec un peuple victime de dépolitisation ? On ne parle évidemment pas de politique politicienne à l’image du spectacle médiatique autour de chaque élection, mais du sens antique de « la politique dans la cité », oubliée de nos démocraties représentatives.
Il est donc nécessaire de considérer l’acte de consommation pour ce qu’il est : un moyen de soutenir des artisans et des producteurs desquels on se sent proche et un outil qui peut servir de moyen de sensibilisation. À ce titre, les prises de conscience individuelles sont particulièrement louables. Attendre plus de cette démarche bienveillante, c’est non seulement s’aveugler à propos de son incidence réelle sur l’économie mondialisée, c’est aussi prendre le risque d’une écologie individualiste et dépolitisée dont les industriels se délectent et peuvent même se servir pour se développer. C’est enfin oublier qu’il ne peut plus s’agir aujourd’hui de simplement rediriger nos consommations, mais surtout de remettre en question un modèle dans lequel la consommation est au cœur, qu’importe les conditions de production.
En effet, nos vies, nos achats sont prisonniers du modèle capitaliste, on est enchaînés partout par le prix des loyers, les impératifs de l’emploi, la dictature de la concurrence et de la Croissance, et donc les actions liées à la consommation ont un impact très limité. On ne peut pas lutter contre un système totalitaire avec ses propres armes, sur le terrain qu’il domine, délimite, défini et possède, d’autant que ce terrain miné est protégé par l’état et ses polices, gardé par des lois iniques pondues par un système « politique » non-démocratique hors sol inféodé aux partis, aux puissants, aux castes de haut fonctionnaires, aux lobbies et à l’argent. Un système qui méprise le monde vivant, les pauvres, les démuni.e.s, les exilé.e.s et les rebelles.
On doit donc quitter ce terrain marécageux et pollué qui absorbe tout, en créer un autre très différent, attaquer et bloquer le modèle capitalise pour créer des brèches où un tout autre terrain puisse grandir.
Il ne s’agit donc pas de modifier les structures du capitalisme, de le rendre meilleur, plus « vert », mais de le faire disparaître.
Nous n’avons pas le choix : si on veut survivre, nous devons passer à l’action politique collective déterminée, bien sûr sans tomber dans les grands partis centralisés et hiérarchisés.
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