Ouf ! Aucun gilet jaune n’a dégradé l’outil de travail ou attenté au droit au travail des salariés d’Intermarché !
Voilà respecté le souhait de « toute l’équipe », s’affichant à la porte du bâtiment sur une potence publicitaire fière et hiératique en lettres capitales noir et blanc. Comment ne pas respecter une décision collective, signé de l’équipe d’Intermarché ?
Enthousiasmé par cet élan collectif et consensuel, je m’en vais aussitôt congratuler l’équipe d’Intermarché. Au hasard, je félicite les premiers salariés rencontrés, reconnaissables à leur livrée : « Ah, mais non : équipe, c’est l’équipe de direction. A nous on ne nous a rien demandé ». Me voilà bien dépité !
J’avais oublié. Dans une équipe de salariés, seule la direction compte. Seule, elle parle : le salariat ne connaît que des valets, à la parole contrainte, sous peine de perdre leurs gages. Point de femme ou d’homme libres, aux voix aliénées à celle du maître.
Il fallait donc lire : « Respectez ma propriété. Je tiens en main l’emploi de plein de gens ». Il ne s’agissait donc pas de protéger un quelconque outil de travail, mais le bien exclusif du propriétaire. Un discours étonnamment parallèle à celui du patriarche Mulliez qui, interrogé par un journaliste TV à la porte de sa propriété belge (pas trop loin de la frontière française pour des raisons pratiques), déclarait : « On ne peut pas toucher à l’outil de travail des gens. C’est leur gagne-pain ». La famille Mulliez (propriétaire d’Auchan) est grande et compte nombre d’héritiers. Notamment cette jeune fille qui a vingt-cinq ans acheta comptant un appartement énorme sur une grande avenue parisienne. La dame, de toute sa vie, n’avait jamais travaillé. On aurait d’ailleurs croire que les sinécures ne se rencontrent qu’à la capitale. On en trouve aussi même dans nos petites provinces. Faut-il compter l’appartement de la donzelle parmi les outils de travail ? Car au fond cet outil de travail, comme cet appartement de luxe, ont bien été payés par les salariés, sans que pourtant ils deviennent leur propriété.
Plusieurs erreurs factuelles donc dans cette sucette de propagande à la porte d’Intermarché. « Acteur de la vie locale ? » Si être acteur de la vie locale, c’est écraser le petit commerce sous le poids de la violence financière, alors oui. Si c’est détruire les emplois qui font tourner ces petits commerces, alors oui. Si c’est, via une centrale d’achats, acheter à moins cher en Asie et étrangler les petits producteurs, alors oui !
Le statut juridique du salarié fait de lui un homme ou une femme privée de liberté dès franchies les portes du boulot : la démocratie s’arrête aux portes du salariat. Cela n’autorise pas le propriétaire (hier le seigneur) de prétendre fallacieusement parler au nom d’autrui : de s’accaparer son libre arbitre, de monopoliser son opinion, de détourner son expression politique.
C’est accessoirement mentir à sa propre clientèle.
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