Extrait : La situation actuelle en France ne peut que nous évoquer le Chili. Des milliardaires de plus en plus riches possèdent les médias, monopolisent les capitaux et utilisent tous leurs moyens pour installer l’extrême droite au pouvoir. Même quand la gauche modérée arrive en tête aux élections, le bloc bourgeois préfère s’allier avec les néofascistes plutôt que de risquer l’application de mesures sociales.
Les riches ont toujours préféré la dictature plutôt que de sacrifier leurs privilèges. Et il ne fait absolument aucun doute que si, demain, une victoire hautement improbable d’un gouvernement de gauche arrivait, les forces policières, militaires et l’extrême droite alliées aux riches tenteraient de le renverser. Comme au Chili en 1973, comme en Espagne en 1936, comme dans de nombreux pays du Sud global.
- 11 septembre : 1973, le coup d’état de Pinochet & co au Chili
UN AUTRE 11 SEPTEMBRE : 1973, LE COUP D’ÉTAT AU CHILI
Aujourd’hui, alors que le monde est focalisé sur le sinistre anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, souvenons-nous d’un autre 11 septembre : celui du coup d’État militaire d’extrême droite au Chili, et ce qu’il dit de la férocité capitaliste.
Santiago, 11 septembre 1973. Des milliers d’opposant-es de gauche, étudiant-es, syndicalistes, journalistes, ouvrier-es, sont enfermé-es dans un grand stade de la capitale du Chili. D’autres ont été abattu-es sommairement dans la rue. La terreur s’installe dans le pays. Un général d’extrême droite, Augusto Pinochet, vient de faire un coup d’État. L’armée a renversé le gouvernement de gauche de Salvador Allende et a fait bombarder le palais présidentiel à Santiago. Les chars d’assaut sont dans les rues.
Dans un contexte de guerre froide, ce coup d’État est soutenu par les États-Unis, qui veulent faire tomber un gouvernement proposant un programme socialiste, notamment en reprenant les richesses minières, alors aux mains de multinationales privées, ou en supprimant les grands domaines fonciers qui affamaient les paysans. Les USA vont faire du Chili un exemple pour toute l’Amérique Latine.
L’ancien président s’est suicidé. Le pouvoir est désormais aux mains des militaires. Leur priorité est d’éliminer au plus vite les militant-es de gauche et de liquider toute contestation. Des milliers de personnes de gauche sont enfermées dans le Stade National de Santiago, gardé par des soldats. La presse, aux mains de grands capitalistes, justifie le coup d’État, estimant que le gouvernement de gauche ne sait pas gérer le pays et crée du désordre. Le nouveau régime, dans une communication aussi habile que perverse, fait croire qu’il était « obligé » de renverser la gauche et de suspendre la démocratie pour « sauver » le pays du chaos.
En ce terrible mois de septembre, un chanteur très connu, adoré par les chiliens, Victor Jara, est enlevé dans la rue alors qu’il se rend à l’université où il donne des cours. Il est emmené jusqu’au Stade National de Santiago du Chili, avec les autres prisonnier-es. Il est guitariste. La légende raconte qu’un militaire aurait mutilé la main de l’artiste devant les milliers de prisonniers, épouvantés, face au chanteur tordu de douleur. « Chante maintenant » lui aurait lancé le tortionnaire.
Victor Jara se serait relevé pour entonner l’hymne de « l’unité populaire », l’hymne de la gauche chilienne. Le chant est repris par les milliers de prisonniers, comme un défi face aux militaires qui les tiennent en joue. Victor Jara n’aura pas le temps de finir. Une rafale de mitraillette le crible de balles. Une chose est sure, il sera enterré secrètement le 18 septembre.
Le régime de Pinochet va torturer, tuer et faire disparaître des milliers d’opposant-es, et ira jusqu’à jeter certains prisonniers depuis des hélicoptères au-dessus de l’océan. Aujourd’hui, beaucoup sont encore portés disparus. La police politique chilienne est formée à la « guerre anti-subversive » par des experts français, aguerris par les opérations coloniales sanguinaires en Indochine et en Algérie. La technique du “vol” sans parachute avait déjà été expérimentée contre des algériens. Pendant près de 20 ans, le Chili subira la dictature des militaires.
Alors que le gouvernement déchu voulait partager les richesses et collectiviser les entreprises, le Général Pinochet va profiter du choc politique pour mener une politique ultra-libérale. Appuyé par des économistes formés aux États-Unis, les « Chicago Boys », il applique un capitalisme débridé : privatisations généralisées, dérégulation des marchés, baisse des salaires.
Presque 50 ans après, le Chili a traversé une période de soulèvements. Le mouvement social Chilien se bat pour en finir avec la Constitution de Pinochet, alors que la droite tente de maintenir l’héritage de la dictature. La tension est énorme. Personne n’a oublié.
Le libéralisme économique n’est pas synonyme de liberté : il a besoin d’un État autoritaire pour imposer les reculs sociaux. Les inégalités sociales, le pillage des richesses par une minorité ne sont possibles que par la répression et une intense propagande. Dans le sillage de Pinochet, de nombreux autres dirigeants vont appliquer les recettes néo-libérales. Le degré de violence utilisé par les régimes dits démocratique sera bien moindre qu’au Chili, mais restera brutal. Parmi eux, le président américain Reagan qui mettra un terme à des années d’agitations sociales aux USA, ou encore l’amie de Pinochet Margaret Thatcher, qui va faire preuve d’une dureté inouïe en Angleterre pour casser les droits sociaux.
La situation actuelle en France ne peut que nous évoquer le Chili. Des milliardaires de plus en plus riches possèdent les médias, monopolisent les capitaux et utilisent tous leurs moyens pour installer l’extrême droite au pouvoir. Même quand la gauche modérée arrive en tête aux élections, le bloc bourgeois préfère s’allier avec les néofascistes plutôt que de risquer l’application de mesures sociales.
Les riches ont toujours préféré la dictature plutôt que de sacrifier leurs privilèges. Et il ne fait absolument aucun doute que si, demain, une victoire hautement improbable d’un gouvernement de gauche arrivait, les forces policières, militaires et l’extrême droite alliées aux riches tenteraient de le renverser. Comme au Chili en 1973, comme en Espagne en 1936, comme dans de nombreux pays du Sud global.
Emmanuel Macron n’est pas l’homme de la nouveauté. Il applique à la lettre les mêmes vieilles recettes impopulaires. État policier d’un côté, capitalisme sauvage de l’autre.
(article de Contre attaque)
Suivant les époques et les situations, les moyens utilisés par les grands capitalistes et les tyrans servants les possédants peuvent diffèrer, mais au fond il s’agit toujours d’imposer le pouvoir, le totalitarisme étatiste et capitaliste.
Evidemment, ce n’est pas avec des protestations molles, des courbettes, des programmes qui ne sortent pas du cadre oppressif de l’Etat-capitalisme, des espérances dans les institutions verrouillées et non-démocratiques du système en place... qu’on peut espérer conjurer les sombres perspectives et s’engager dans une vraie rupture avec la trajectoire funeste inhérente à ce modèle de société.