L’année 2017 fut fastueuse pour l’immobilier. Dans le même temps, jamais les mal-logés n’ont été si nombreux, les Restos du cœur si actifs. En plein centre de Crest, un propriétaire vend un immeuble en annonçant une rentabilité prouvée supérieure à 10 % !
Pendant, ce temps, on ne compte plus les jeunes ménages, les jeunes femmes avec enfants, les jeunes agriculteurs trop endettés pour s’acheter un domicile, les travailleurs pauvres, ou les pauvres tout courts cherchant désespérément un morceau d’abri : teepee, yourtes, algéco, gourbis, "taille-nid à housse" (tiny-houses), squatt, qu’importe : l’essentiel est l’abri, fût-il non standard.
Toutefois, « les refus de la Direction départementale du territoire sont systématiques. Les administrations ne se rendent pas compte des conséquences de leurs décisions. A force de protections, de règlements, de normes, on barre l’accès au logement aux plus vulnérables.... Les personnes qui prennent les décisions ne connaissent pas la situation. On préfère avoir des logements vides et des gens à la rue », s’indigne Anne Darmedru, responsable crétoise de l’Association Halem (voir encadré). « En refusant de comprendre la question du logement là où elle est d’urgence, les autorités créent de la délinquance. »
Habiter à l’année au camping serait-il une solution ? « On voit des dérives, des gérants qui abusent de la situation, des droits de cuissage… ». Est-ce mieux en ville ? « Les propriétaires se désengagent. Pour eux, des logements, c’est juste un placement. Ils n’habitent plus sur place avec leurs locataires. Ils ne comprennent pas les problèmes. »
« Ravaler une façade, ce n’est pas refaire des logements. Si on ne rénove pas, qu’est-ce qu’on fait ? Un immeuble vide ? Ce sont directement des logements en moins, mais au-delà, c’est toute la vie sociale qui périclite. Sans parler du patrimoine qui se délite. On laisse tomber en ruine ? On laisse les centres ville s’écrouler ? Plus de fréquentation, plus de commerces, plus de vie. Qu’est-ce qu’on résout ? », s’interroge Anne Darmedru.
Au-delà des conflits d’occupation, se joue un quasi racisme, recroquevillé et peureux, du sédentaire envers le nomade : « “Les gens du voyage” est une dénomination qui ne supporte pas le singulier. On peut être un tsigane, un menuisier, un homo, un blond ou un cycliste, mais jamais un “gens du voyage” !!! » constate Jean-François Aupetitgendre, dans les colonnes du Collectif la Cène.
Pourtant, les moyens de remédier au problème existent. Ainsi les Pays-Bas taxent-ils fortement les résidences inoccupées ou secondaires. Faisons donc notre la recette batave : taxons lourdement l’inoccupation. On pourrait ainsi débarrasser Crest de ses bubons locatifs et commerciaux : lèpre Cordeil, furoncles de logements et de boutiques vides place de l’église, à côté de l’office de tourisme. Bienvenue à Crest, ville fantôme !