Les grèves joyeuses de 1936
Les grèves de 1936 sont, pour beaucoup, un évènement fondateur, à l’origine d’une amélioration notable des conditions de travail de la classe ouvrière. Cette mobilisation est toujours présente dans la mémoire collective d’une part par son ampleur (plus de 2 millions de participants) mais aussi par la forme, inconnue jusqu’alors, avec ses occupations d’usine et son ambiance festive.
Ces grèves sont nées juste après la victoire du Front Populaire ; les ouvriers savaient qu’ils ne pouvaient pas compter sur cette victoire électorale de la gauche. La France a connu, au cours du premier tiers du 20e siècle, une succession de crises. Après l’échec de la grève de 1920, la crise de 1929 et les revers des politiques de gauche, le Front Populaire va naître de la réaction unitaire de la gauche et de la naissance du rassemblement populaire. Il va faire figure de sauveur avec un programme visant une politique de relance par la consommation avec la reprise de la production et le retour de la croissance. Il va proposer pour cela, un plan de grands travaux d’intérêt public, la création d’un fond national de chômage et la mise en place d’un régime de retraite pour les vieux travailleurs. La victoire aux législatives des 26 avril et 3 mai est très nette, pour la première fois dans l’histoire de la France un gouvernement socialiste s’installe au pouvoir.
Des grèves sporadiques éclatent dès l’entre-deux tours de scrutin. Par la suite, le 11 mai, et avant même que le nouveau gouvernement soit en place, les premières grandes grèves débutent. Le Havre est la première ville touchée, plus précisément dans les usines Bréguet, à la suite du licenciement d’ouvriers qui ont refusé de travailler le 1er mai. Le mouvement va ensuite se propager dans les entreprises aéronautiques de Toulouse et rapidement la
métallurgie parisienne est touchée. Très vite, le territoire français voit se répandre des soulèvements et de nouveaux secteurs professionnels vont prendre part à la mobilisation : mines, chimie, textile, bâtiment. En quelques semaines, le mouvement atteint son apogée et on dénombre par la suite 9000 occupations d’usines pour un total d’environ 2,5 millions de grévistes.
Original par son ampleur, avant tout car il paralyse le pays à tel point que de nombreux magasins sont obligés de fermer leur porte du fait de l’absence de ravitaillement. Mais c’est aussi par sa forme que ce mouvement est original, avec ses occupations d’usines, méthode encore jamais vu à ce jour, qui permet aux ouvriers de bloquer les machines et éviter l’utilisation de main d’oeuvre de remplacement. Léon BLUM, premier ministre de l’époque la condamne, la considérant commev révolutionnaire.
La révolte est joyeuse. Ces grèves se déroulent dans un climat de fête et de joie, on parle d’ailleurs de « grèves de joie ». Des bals et pièces de théâtre sont organisés dans les usines occupées, les commerçants de quartier approvisionnant les salariés retranchés dans les usines. D’autre part, ces grèves vont toucher des catégories professionnelles nouvelles telles que les employés de grands magasins, les coiffeurs, les agents d’assurance et bien d’autres encore. Enfin, c’est le caractère spontané de la grève qu’il faut souligner, car les organisations syndicales, si elles soutiennent le mouvement, ne l’avaient pas prévu et sont très vite débordées.
Le patronat, impuissant devant l’ampleur de la grève et qui hésitait à utiliser la force pour libérer les usines, appelle le gouvernement à son secours et lui demande d’arbitrer. Délégués syndicaux et patronaux vont ainsi se rassembler à l’hôtel Matignon afin de signer les accords du même nom, prévoyant le respect de l’action syndicale ainsi que des augmentations de salaires. Ces accords sont ensuite complétés par le gouvernement avec une série de lois sociales mettant en place les conventions collectives, la semaine de 40 heures et les congés payés pour les plus symboliques. D’autres textes sont ensuite votés. La reprise du travail, prévue dans ces accords n’est pourtant pas immédiate, certains délégués des usines en grèves préférant continuer le mouvement. A compter du 11 juin, devant l’insistance du Parti
Communiste Français, le mouvement commence à décroître.
Participer à une grève, c’est une expérience joyeuse et créative. C’est un moment suspendu où on fait un pas de côté et où on ose penser qu’on a raison de se révolter.
Je ne parle pas bien sûr des sempiternelles grèves d’une journée appelées par des syndicats traîne savates avec des manifestations bien sages où la sono des syndicats couvre toute possibilité de se regrouper et discuter de ce que l’on voudrait véritablement faire ensemble.