Il y avait eu déjà une première alerte : dans le village, les mères adoraient carnaval . Imaginer, couper, tailler, coudre papiers et tissus, c’était à celle qui réaliserait le plus bel enfant costumé . Honneur, gloire et fierté d’être ainsi reconnue. La mienne avait décidé d’habiller mon frère en Pierrot . Il lui fallait donc, pour la symétrie, une Colombine . Mes sœurs étaient trop petites pour le défilé . Elle eu le génie de penser à moi pour ce beau rôle . Je ne vous dis pas la tête de Colombine hermaphrodite exhibée en compagnie joyeuse dans les rues et sur la place !
Et puis l’année d’après. Cette fois là, tous les participants avaient rendez-vous à la salle des fêtes du Casino. Une merveille, où il y avait même, suspendue, une boule à facettes qui faisait danser des étincelles dans l’obscurité, quand on la faisait tourner. En plus on avait trouvé un, joyeux luron bénévole , qui était chargé d’enchanter la réunion. Donc , l’animateur animait, (jusque là c’était pas pire que ce qu’on voit maintenant à la télé) , il convia les mamans à encourager leurs petits à se rassembler au centre de la salle et annonça : « maintenant je vais éteindre et vous , les enfants, vous allez ramasser, ,au sol, un maximum d’étoiles ; celui qui en aura le plus gagnera des bombons ». ET IL L’ A FAIT !
Aussitôt la lumière éteinte , TOUS se sont accroupis ; PAS MOI.
Vendus ! lâches ! hypocrites et idiots ! bêtes à tenter d’attraper des taches de lumières !
Vous vendez votre honneur pour une sucrerie !
Quand on a rallumé, le gentil organisateur a décrété que finalement tous le monde aurait droit au bombons. Manipulateur ! C’était bien la peine ! J’ai quand même pris mes gâteries sans scrupule.
Les mères étaient ravies au spectacle de tant candeur enfantine et d’innocence.
Sauf la mienne , qui m’avait repéré debout dans la pénombre, et qui me l’a reproché ! A huit ans ma vocation anarchiste venait de se révéler …..
Depuis j’adore Carnaval.