Une nouvelle invitation au Carnaval Populaire de Crest : qui joue au Monopoly dans la vallée ?

samedi 25 mars 2023, par carnavalcrest.

Cette année encore, le carnaval déferle dans les rues de Crest. Ce sera le samedi 1er avril 2023. L’heure de départ est annoncée à 14h00 depuis la place de l’Église.
En 2023, la déambulation est vue en grand, en très grand même. On a déjà envie de vous annoncer les choses gigantesques et les Caramantrans qui défileront. Mais pourquoi spoiler la surprise ?

Cette année, les choses sont imaginées à grande échelle, car le thème de l’année est de cette envergure. Il est presque insaisissable, mais marque nos vies à tou·te·s : le rapport mercantile au monde et la difficulté que cela pose pour habiter un territoire. Localement, en vallée de la Drôme, cela prend de multiples visages. Les raconter rapidement permet de saisir l’écho qu’ils ont avec nos expériences intimes.

Cela se manifeste déjà et avant tout sur les questions du logement. Chacun·e constate que les propriétaires exigent des loyers toujours plus hauts et de plus en plus de justificatifs pour faire foi d’une situation économique et personnelle difficile à atteindre. Définitivement, tout·e le monde n’est pas cadres à potentiels créatifs, capables de se payer des bureaux dans un tiers-lieu en plus d’un logement, tout en ayant la possibilité de régler des notes à trois chiffres à l’épicerie bio. Quand un logement réussi par être loué, certains propriétaires imposent de le libérer de juin à septembre, le prix du loyer mensuel devenant alors celui d’une semaine de location pour des touristes en vacance. Il faut déménager, se démerder et se démener pour laisser place à des personnes qui rapportent plus (et qui ne paient visiblement jamais avec du retard). Ces deux situations bien connues révèlent comment le marché immobilier local est concurrentiel et gangrené par le tourisme. Il y a peu d’offres, un afflux de personnes prêtes à louer, et surtout, une volonté malsaine de tirer profit du moindre mètre carré. Quand ce ne sont pas des particuliers-propriétaires, ce sont des entreprises immobilières qui compliquent la possibilité d’habiter le territoire. Qui sait qu’il existe dans le centre-ville de Crest des immeubles entiers loués en Airbnb et gérés par des « conciergeries de luxe » ? Pour dormir une nuit dans un de ces studios de 50m2, le coût s’élève à 120 euros la nuit. Il manque définitivement des logements à Crest pour vivre décemment, et malheureusement, il y a plus d’annonces sur Airbnb que Leboncoin.

Cette situation ubuesque est en partie due à la touristification de la vallée de la Drôme. Le territoire doit être vendu à tout prix, qu’il s’agisse de ses écologies et ses logements. Les paysages de Roche Colombe dominant des champs de lavande et parcourus par une famille en vélo sont exposés dans les métros des différentes métropoles. Il faut attirer le touriste et il a fallu user de Photoshop sur ces publicités pour rendre l’eau de la Drôme aussi limpide et bleu turquoise. C’est une forme de mensonge, car en général, à partir de juin, l’eau est plutôt rare et très vaseuse.

L’image d’une mascotte de Monopoly au-dessus de la ville de Crest remplie les affiches du carnaval visibles dans les rues. Elle nous paraît parlante pour résumer la situation. Confortablement installées dans des palaces, des personnes jouent à ce jeu, mais pour de vrai. Un appartement de plus acheté, bientôt l’immeuble entier. Un appartement loué à des CSP+, un autre à une personne précaire (mais sans concession sur le prix, jamais), et ces trois derniers logements mis en location sur Airbnb. Parce que l’appât du gain ne s’arrête pas, la partie se poursuit. Un espace en bord de Drôme privatisé, histoire d’être confort, puis une résidence secondaire magnifique au fond d’une petite vallée. À quand l’achat de la gare pour se l’approprier à côté de la compagnie des eaux ?

À cause de ce jeu – appelons-le « réalité » – le départ de la vallée se présente de plus en plus comme l’unique horizon pour beaucoup de monde. Jusqu’ici, pour réussir à vivre ici, beaucoup composent avec la situation, filoutent, trouvent des compromis et cèdent sur certains aspects. Les conséquences de cette gentrification rurale sur nos vies sont indéniables. Évidemment, personne n’est complètement extérieur. Ce processus reste diffus. Nous pouvons aussi l’alimenter par différents aspects. Mais c’est sans commune mesure avec les conséquences des choix opérés par les propriétaires, Airbnb et consort qui jouent au Monopoly avec nos vies et impriment leurs lois. Les séquelles sur la vie des personnes ici sont bien visibles.

La tradition des carnavals critiques de la touristification et de la gentrification est longue : Rennes, Bruxelles, Gênes, Florence et cette année le carnaval de la Plaine à Marseille... C’est pour nous inscrire dans cette tradition, rassembler nos expériences intimes face à cette situation, gueuler contre ce contexte morbide et lui exposer l’exubérance de notre joie que nous invitons chacun·e au Carnaval Populaire de Crest.


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