Tourisme automobile sur le Vercors : pas si sublime..

samedi 4 mars 2023

Chose promise, chose due. On avait à coeur, après avoir partagé de façon régulière les nouvelles et avancées du projet des sublimes routes du Vercors, de revenir sur les multiples raisons qui nous poussent à nous opposer à ce projet de valorisation touristique du territoire. Voici donc un inventaire, non exhaustif, de nos points de vue et positions sur le sujet.

Tourisme automobile sur le Vercors : pas si sublime..

Trois axes nous paressent intéressants à développer dans cette analyse : le concept de mise en valeur du territoire, les considérations et problèmatiques écologiques actuelles et le processus de développement de projet institutionnel « hors-sol ».

Le processus de valorisation territoriale est intéressant à analyser aujourd’hui, car il croise plusieurs enjeux issus de la société capitaliste dans laquelle nous vivons et des effets qui en découlent.
Tout d’abord, le capitalisme appréhende les territoires comme des viviers de ressources à exploiter, que ce soit dans les secteurs énergétiques (éolien, solaire, bois énergie, minerais...), agricoles (spécialisation dans certaines productions notamment via des appelations, comme la Clairette de Die, la noix de Grenoble, l’olive de Nyons..) ou forestiers (appelations bois de chartreuse, bois des alpes, sapin de noël du Morvan..). Le domaine touristique n’échappe pas non plus à cette logique, en considérant la qualité paysagère, la typicité culturelle (folklore) et le développement d’une offre d’activité de loisirs et sportives.

Au delà de ces enjeux, les territoires ayant de moins en moins de budgets alloués systématiquement par l’Etat et l’Europe, sont poussés à rentrer en concurrence en proposant des projets répondant à des critères précis, nécessaires pour l’obtention de subventions. Cette démarche participe à la mise à distance des besoins et envies issus du territoire lui-même, en adaptant le projet aux attentes des institutions étatiques. Elle force aussi les collectivités locales à se spécialiser au maximum en valorisant les potentiels possibles de leurs ressources territoriales.

Tourisme automobile sur le Vercors : pas si sublime..

Les difficultés de ces dernières à trouver des financements pour se développer les poussent aussi à mettre en oeuvre des projets rentables. Il est plus facile de les concevoir avec l’extractivisme de matières premières citées précédèment, mais on retrouve aussi cette orientation marchande dans le domaine du tourisme, avec la privatisation des espaces et la monétarisation de certains de leurs accès.
Aussi, le dynamisme territorial et l’accroissement d’activité sont vus comme bénéfiques, pour la population, par les institutions (baisse du chômage, attractivité entreprenariale, hausse de la qualité de vie...). Cela a pour effet de faire tendre systématiquement tous les territoires vers un progrès identique et idéalisé, mais non questionné dans le fond, sans imaginer qu’il pourrait aussi déservir les habitants. Si le développement territorial est vu comme un projet social émancipateur, il faut faire des choix de développements correspondants. Malheureusement la dynamique territoriale n’est pas toujours à l’avantage de la population, l’exemple du tourisme est particulièrement marquant à ce propos : l’augmentation du coût de la vie et la difficulté de vivre sur ces territoires (accession au logement et à l’alimentation, privatisation ou monétarisation des espaces publics/naturels et des services, orientation des budgets vers l’activité touristique plutôt que pour le développement de services nécessaires aux habitants..), l’entrave dans les déplacements et usages du territoire, l’instabilité économique et écologique des territoires dûe à une forte saisonnalité (infrasctures sous-dimensionnées ou sur-dimensionnées selon la saison, gestion de l’eau et de ses pollutions, gestion des déchets...).

Le processus de développement territorial, par le système d’appels à projets souvent complexes, est porté par les institutions et non pas par les habitants. Cela produit une mise à distance de ces derniers, avec la création de projets « hors-sol » ne correspondant pas aux besoins des populations locales.
Sur le Vercors, la mise en tourisme est assez ancienne avec comme point de départ le développement de stations de ski, puis plus récemment la valorisation d’un tourisme « 4 saisons » basé sur des paysages de falaises et de hauts-plateaux singuliers. Le projet actuel des sublimes routes entend valoriser encore plus ce territoire, en facilitant l’accès à des points de vue et et des cols « carte-postalisables » : une mise en spectacle de la « nature » accessible en restant assis dans sa voiture et en s’arrêtant un court moment sur un parking dédié le temps d’une photo, avant de poursuivre le parcours...

Le tourisme basé sur les déplacements à la journée ne facilite pas les retombées économiques au profit des habitants, mais presque exclusivement des impacts écologiques négatifs : nuisances sonores, défiguration des paysages, pollution de l’air et des milieux. De plus, le tourisme voiturier existant déjà sur le massif, le développement de ce projet ne fait qu’accroitre les nuisances sur le territoire, causées par une fréquentation plus importante. Ces pollutions subies par les habitants impactent également la faune et la flore par les travaux d’aménagement (destruction de milieux, bétonisation) et par une forte présence humaine quotidienne pouvant nuire à la tranquilité nécessaire à certaines espèces.

Tourisme automobile sur le Vercors : pas si sublime..

Aussi, le fait de miser sur le développement d’un tourisme automobile rentre clairement en contradiction avec l’imaginaire de la « nature sauvage » invoqué. C’est une abbération aujourd’hui, si l’on considère les pollutions générées par les véhicules, de vouloir favoriser cette présence dans nos espaces de vie. Enfin, ce projet ne correspond pas aux voeux des habitants qui font le choix de vivre ici entre autre pour le cadre de vie.

Ce projet, porté principalement par le département de la Drôme, est problématique dans son processus, de mise en oeuvre, notamment par l’absence de participation des habitants. Ces derniers, ainsi que certaines collectivités locales sont très peu informés ni conviés à être partie-prenante du projet. Cela accentue d’autant plus l’effet « hors-sol » de celui-ci, car ne correspondant pas à des besoins locaux mais à des projections et imaginaires de techniciens, développeurs et bureaux d’études ne vivant pas sur le territoire.
Aussi, les subventions importantes obtenues par les porteurs de projet vont directement soutenir les acteurs de celui-ci, tels que les entreprises de BTP, les bureaux d’étude divers (naturaliste, paysagiste, de communication), et des entreprises de transport saisissant l’opportunité de développer une offre adaptée ; les retombées économiques et sociales sont encore une fois moindre pour les habitants, au regard du budget total alloué.
De plus, le processus d’aménagement en lui-même ne respecte pas réellement le cadre de protection de l’environnement (via les études d’impact), en réalisant notamment des études sur des durées et saisons limitées, produisant un biais d’inventaire floristique et faunistique important. Le contournement de ces lois se fait également par l’individualisation des projets d’aménagement (au départ, 17 sites concernés) plutôt qu’au regard d’un projet global sur le massif, ne nécessitant pas légalement une étude approfondie.

Aujourd’hui, la plupart des sites initialement visés ont été abandonnés pour diverses raisons* (refus de vente de certains propriétaires, département de l’Isère et communutés de communes côté isérois pas intéressées par le projet), ce qui n’empêche pas le département de communiquer largement sur ces sublimes routes (panneau sur l’autoroute, promotion dans le journal du département et du parc) et in fine les touristes de venir, toujours de plus en plus nombreux.

P.-S.

*Selon les dernières informations que nous avons, les projets sûrs de voir le jour sont le col de la Bataille (où les travaux pour la création d’un belvédère au-dessus de Bouvante ont déjà commencé), le col du Rousset, le vallon de la Jarjatte, le site du Claps. D’autres projets sont encore envisagés, notamment au col de la Machine, mais sont prévus dans un second temps dans la programmation des travaux.

(paru auparavant dans le journal papier de Ricochets)


Forum de l’article

  • Tourisme automobile sur le Vercors : pas si sublime.. Le 5 mars 2023 à 23:22, par Manon Dessources

    Le projet du Claps contrairement à ce qui est dit dans votre texte est attendu par la population locale dont vous vous croyez les représentants. Il s’agit de sécuriser un site, en empêchant le stationnement anarchique, et de mieux gérer les circulations piétonnes pour éviter la dégradation du site. Merci de publier mon message.
    Manon Dessources

    Répondre à ce message

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