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Le mouvement des Gilets jaunes s’essouffle… Mouarf
Le mouvement des Gilets jaunes dure depuis plus de six mois, et depuis le début, certain·e·s lâchent cette phrase comme une incantation : « le mouvement s’essouffle, le mouvement s’essouffle ». Je me permets de donner mon impression personnelle sur la suite, car j’en suis convaincu, ce mouvement est très loin d’être terminé.
- samedi 22 juin, Péage de Senlis
On peut entendre à droite à gauche (surtout à droite en fait) que le mouvement des Gilets jaunes serait terminé. Diantre, c’est vraiment ne pas le comprendre.
Il s’agit d’un mouvement de fond, pas d’une petite colère qu’on règle en refourguant trois haribo. Nous nous sommes levé·e·s il y a 6 mois et je pense sincèrement que nous ne sommes pas prêt·e·s de nous coucher. Oh que non mes ami·e·s.
Car nous avons expérimenté cette solidarité et ce pouvoir du nombre, approfondi notre sens politique, nous nous sommes mis·e·s d’accord sur une direction commune et sur certaines priorités ; avons établi une liste de revendications qui fait consensus ; avons quasiment évité toute récupération politique ; mis en échec la police ; mis en échec le gouvernement ; porté à l’avant de la scène des questions sociales gentiment étouffées depuis des années ; œuvré pour la convergence de ces questions avec celles du climat ; bien amorcé la convergence avec d’autres luttes ; imposé le concept de manifs non déclarées ; mis en évidence les mensonges et la violence des médias et du gouvernement ; rassemblé une diversité qui ne se rassemble habituellement pas ; organisé des lieux de rencontre, de solidarité et de partage, sortant ainsi des milliers de personnes de l’isolement ; offert le péage gratuit à des milliers de personnes ; mis en place des maraudes pour donner à manger aux SDF ; un système de comptage de manifestant·e·s ; des assemblées aux quatre coins du pays ; levé une vague d’espoir sans précédent, réveillant ainsi une conscience de masse ; nous avons fait flipper le MEDEF au point qu’ils·elles contactent Manu pour lui dire de tout lâcher ; et nous avons fait poser un genou au sol au fucking « champion de la terre ».
Non mais franchement, constatons le chemin parcouru en 6 mois.
Il y a de quoi être fier·e·s et ne pas poser les armes une seule seconde, même pour se gratter le coude (tout le monde se gratte le coude un jour ou l’autre).
Qu’importent les broutilles récentes, elles ont été montées en épingle dans le but de nous diviser. Toutes les machineries, policière, judiciaire et médiatique ont été mobilisées contre nous, depuis le début et sans relâche, et malgré cela, nous sommes toujours là, et majoritairement soutenus.
Est-ce qu’un pouvoir mettrait en œuvre autant de moyens pour nous réduire au silence si nous n’étions pas une menace pour leurs privilèges ?
Nous tapons juste, les amis, et c’est pourquoi il faut continuer à pilonner, et pilonner encore. Le type est allé jusqu’à dépenser des millions pour faire de faux débats monologuesques de 12h dans des gymnases qui se sentent le slip, en megamultiplex live sur plusieurs chaînes pour faire semblant d’établir un dialogue avec nous. C’est pour nous cette clownerie, rien que pour nous.
Bon, dommage que le concept de dialogue implique que plusieurs personnes échangent leur point de vue, car sinon on y aurait presque cru.
Alors certain·e·s avancent avec un ton définitif que ce mouvement ne serait pas viable, car il y aurait une bonne partie des GJ qui serait racistes, homophobes, misogynes, fan de Loire (ah, dur !), voire même carrément pédophiles, tant qu’on y est. C’est plus ou moins ce qui est, depuis des décennies, systématiquement reproché par le pouvoir politique et médiatique à tous les mouvements ou individus un tant soit peu subversifs ou révolutionnaires.
Certain·e·s savent bien le déceler quand ils·elles en sont la cible, mais lorsque cela tape juste à leur côté, ils·elles ont soudainement des œillères et hurlent avec les loups. L’idée c’est de ne pas hurler avec ces loups, car avancer cet argument, c’est être à côté de la plaque et répéter bêtement la vieille soupe froide des médias mainstream.
Penser comme cela, c’est passer à côté du potentiel de ce mouvement. Être Gilet·te jaune, c’est simplement reprendre le pouvoir politique pour enfin mettre en place un vrai débat citoyen. Et ne serait-ce pas dans ce débat, dépouillé de tout parti politique, que l’on pourrait… débattre ? Du racisme, du féminisme, du manque de tolérance latent de cette société individualiste, de l’écologie, etc.
Jusqu’à présent, ces thèmes ne sont utilisés que pour diviser et/ou attirer les électeur·rice·s, c’est à dire qu’ils ne sont pas débattus, juste survolés, caricaturés par des vautours avec une visée électoraliste ou favoriser leur classe de vampires bourgeois au détriment de l’écrasante majorité de la société. Je suis peut-être naïf ou élitiste, mais je suis convaincu que l’ignorance est le terreau de l’intolérance. Les zones où le FN fait les plus gros scores sont les zones où vivent le moins de descendant·e·s d’immigré·e·s. C’est le débat qui permet de désamorcer l’intolérance. Ce que l’on veut, c’est simplement dégager ceux qui ont le cynisme d’utiliser ces questions pour semer la zizanie et s’attirer des voix. Le RIC, c’est quoi sinon se refuser à pencher vers un parti précis pour confronter plus sainement nos idées, sans visée politicienne ?
Voilà ce qu’est le mouvement des Gilets jaunes selon moi : un mouvement qui s’élève au-dessus de cette foire à la saucisse qu’est notre zoo politico-médiatique. C’est marrant de les regarder se bouffer les uns les autres, de faire des débats creux, lamentables. Alors on se prend au jeu, on leur jette deux ou trois votes en guise de cacahuètes parce qu’ils·elles sont distrayant·e·s. Mais la récré des européennes est terminée et il est temps de retourner au constat évident qu’aucun changement ne viendra de ces guignols.
Voilà ce qu’a compris ce mouvement dès le début, et peu importe qu’on vote à droite ou à gauche, quand on a compris cela on ne se couche pas. On reste uni·e·s et solides parce qu’il reste un travail énorme à accomplir.
Personnellement, je vois l’avenir du mouvement comme le ciment de toutes les luttes, car ce mouvement est composé des éléments de toutes ces luttes.
Tou·te·s Gilets jaunes, en voilà un mot d’ordre.
Lors des différentes manifs à venir, le jaune doit être fortement présent, hautement visible pour affirmer notre vision d’ensemble. Nous devons faire front commun avec les autres luttes parce qu’elles font partie de la nôtre. Nous devons former un bloc solide, car en face de nous se dresse un mastodonte qu’il faut mettre à terre et nous n’y arriverons pas seul·e·s. Le travail ne s’arrêtera pas à le mettre à terre puisqu’il faudra ensuite mettre en place la structure pour, enfin, nous engueuler entre citoyen·ne·s (ouuuaaaaiiis, enfin de vraies embrouilles qui valent le coup). Ce n’est qu’à ce moment-là que nos différentes visions politiques devront s’opposer, ce n’est que dans ce contexte qu’elles auront du sens. C’est cela le mouvement des Gilets jaunes. C’est avancer ensemble contre ce système qui nous a privé·e·s du politique, pour mettre en place notre débat, et certainement pas entrer dans les débats en carton des politicien·ne·s et des médias.
Les manifs se tassent, il faut bien l’admettre. Mais où est né ce mouvement ? Est-il resté là où il est né ? Il évolue, voilà tout, et va reéclore, peut-être là où on l’attend le moins. J’ai lu dans des commentaires que Macron, par sa répression policière, judiciaire et médiatique, n’a fait que mettre un couvercle sur la cocotte.
C’est exactement cela. De plus, avec ses nouvelles mesures en préparation, sa ligne qu’il ne veut pas changer, et son absence totale d’écoute, il augmente simplement la pression et l’étend plus largement à d’autres couches de la société, à d’autres luttes, qui pour certaines sont déjà bien loin dans le ras-le-bol.
D’autres vont se lever ou sont déjà debout.
Les hospitalier·ère·s et urgentistes, qui sont à bout à cause des coupes budgétaires, des fermetures, de la pressurisation dont ils·elles sont victimes, sans pouvoir réagir par la grève, le pouvoir jouant bassement sur leur investissement pour passer tout et n’importe quoi.
Les cheminot·e·s dont l’outil de travail est en train d’être privatisé, et bradé au privé pour leur faire subir les tactiques infâmes du management de la starteupe naicheune.
Les habitant·e·s de certaines banlieues, exclu·e·s du grand rêve capitaliste, sacrifié·e·s comme des citoyens de seconde zone, et qui, s’ils·elles osent ouvrir la bouche, subissent la répression que nous subissons actuellement, mais ce depuis des décennies, avec en prime, des meurtres commis par la police, maquillés en crise d’asthme ou faiblesse cardiaque, et ci cela ne suffisait pas, voient les membres de leur famille harcelé·e·s, mis en prison s’ils·elles osent réclamer justice.
Les enseignant·e·s dont les moyens baissent alors que le nombre d’élèves augmente dont les classes ferment et voient leurs conditions de travail empirer d’année en année.
Les étudiant·e·s qui voient le projet d’une éducation à deux vitesses, profondément inégalitaire et encore une fois au bénéfice exclusif d’une petite bourgeoisie.
Les jeunes, qui comprennent bien quel avenir catastrophique leur est réservé, tant du point de vue social qu’écologique.
Les militant·e·s écologistes quand ils·elles découvriront que leur vote EELV sera détourné pour verdir, toujours en surface, LREM et que les médias vont réagir à ce vote en matraquant une culpabilisation individuelle (triez, économisez, mangez bio !) au lieu de remettre en cause les multinationales et leur système capitaliste.
Les sans-papiers, premières victimes de cette société de l’exclusion, à qui est refusé le simple droit de vivre.
Les postier·ère·s, dont certain·e·s sont en grève depuis plus d’un an et ne lâchent pas face aux attaques au bulldozer contre ce service anciennement public.
Les retraité·e·s qui après avoir cotisé durant toute leur vie voient le fruit de leur travail vampirisé, précipitant nombre d’entre eux·elles dans la précarité.
Les chômeur·euse·s, stigmatisé·e·s et culpabilisé·e·s par cette bourgeoisie qui leur intime l’ordre d’aller bosser tout en supprimant leurs emplois et en les rayant des listes pour obtenir de belles stats de baisse du chômage.
Cette liste, déjà conséquente, n’est malheureusement pas exhaustive… Elle est bien longue et indigeste tout comme l’étendue du ras-le-bol et l’indigestion que nous ressentons tous vis-à-vis de ce système, vis-à-vis de cette bourgeoisie minoritaire qui elle, ne craint pas l’indigestion, se nourrissant au quotidien de notre sang à tou·te·s. Et par-dessus le marché, elle n’hésite pas à nier les citoyen·ne·s qui sont dans la merde, ceux·elles qui souffrent, ceux·elles « qui ne sont rien ». Leur vision de la société est un cancer en phase terminale et nous savons où se trouve la tumeur. Alors il s’agira de montrer que non, nous ne sommes pas rien, il s’agira de répondre présent lorsque chacun des éléments de cette liste se mettra en marche. Oui, parce que c’est notre projet (pardon). Nous ne pourrons pas rester dans notre canapé à ressasser ce qui, sinon, ne restera à tout jamais que de la théorie révolutionnaire.
D’ailleurs, ce n’est pas très clair, rappelez-moi (à tout hasard, hein) parce que je ne suis pas certain d’avoir bien saisi, quel est votre métier ?
Sourions, Gilets jaunes, car ce n’est que le début de l’aventure.