Témoignages de GJ du rond-point de Crest

dimanche 17 novembre 2019, par Etienne.

Pour la plupart des Gilets jaunes, leur mouvement fut, en dépit du flot de calomnies bien-pensantes déversées, d’abord et de tous bords, sur un mouvement réellement populaire, une véritable régénération, un retour à la dignité et à la confiance. Ces quelques propos recueillis sur le rond-point de la Croix de Romans à Crest, tenu continuellement depuis le 17 novembre 2018 par les Gilets jaunes, en témoignent. (Les prénoms ont été changés).

- Ancien maçon, pour qui les affaires tournaient bien, Gérard, 60 ans, est en invalidité - maladie cardiaque. Par deux fois, sa retraite a été « sucrée pour une histoire de papiers parait-il manquants ». Il a dû faire appel « pour manger » au Secours populaire. 860 Euros de revenus dont plus de quatre cents partent pour le loyer. « La roue tourne : maladie, divorce, vente de la maison. Quand tout allait bien, je ne me rendais pas compte. Il faut avoir traversé ça pour savoir… Si les gens ne se bougent pas, demain, on sera tous dans cette situation…Mes parents ont eu la retraite mais ils n’ont rien payé pour ça. Pour mes enfants, ce sera la contraire ; ils auront payé, mais ils n’auront rien ». (La première génération, explique ici Gérard, jouit de la retraite par répartition sans y avoir contribué)… Que le riche soit riche OK. Mais les riches ne sont pas honnêtes ». Le Front national ? « Ok, en gros, mais je ne suis pas d’accord sur tout. Dans l’idéal, je suis pour une répartition sociale honnête, pas pour qu’on dépouille les petits ».

Sylvie, 66 ans a été employée de bureau puis femme au foyer. Elle a voté une fois Front national, à gauche sinon. Devant l’absence de résultat des scrutins, « J’ai rejoint les Gilets jaunes. On a tous le même besoin de pouvoir d’achat ; c’est pour ça qu’on est venu. » Sylvie touche une retraite de mille Euros, la moitié presque consacrée au loyer, maigrement soulagée de 34 euros d’aide personnalisée au logement (APL). Elle s’engueule gentiment avec Gérard le maçon quant à leurs orientations politiques : « On a appris à mettre ça de côté, à apprécier l’autre pour d’autres raisons ».

« Toute ma famille appartenait au parti communiste », confie Maryse, 73 ans, « pas dans le besoin, mais solidaire. Je ne supporte pas les injustices. On a fait 89 quand même ! ». Elle est institutrice à la retraite et Insoumise. « Je suis rentrée au Parti à un jeune âge. Il fallait lui jurer fidélité. Du coup, les choses étaient simples, la ligne politique toute tracée. Avec les Gilets jaunes, c’est très différent. Les gens viennent d’un peu tous les bords. Les situations sociales sont et les niveaux d’expérience politique très divers : des militants et des novices… diversité intéressante, mais aussi difficulté pour s’organiser, pour s’unir… Pour autant, nous avons appris à nous connaître, à nous apprécier, à passer au-dessus de ce qui nous sépare pour considérer ce qui nous rassemble … je pense à mes petits-enfants : la société qu’on leur prépare ne me plait pas du tout. J’ai l’impression qu’on attend qu’on meure, qu’on disparaisse. On va virer Macron. Pas pour un autre, mais pour une constituante, une 6e république. Il faut remettre les choses à plat ! »

« Pour moi », continue Serge, entrepreneur au RSA, dit autrement travailleur pauvre , « le mouvement des Gilets jaunes a surtout permis aux pauvres de devenir visibles. Visibles à l’extérieur, mais aussi visibles depuis l’intérieur : on découvrait combien nous étions nombreux. Je veux dire que la honte nous abandonnait. Nous n’étions pas des nuls, des minables incapables de trouver du travail, responsables de notre situation. Non : nous découvrions que la situation était générale. Nous nous découvrions victimes. Ça a libéré la parole. Ça nous a redonné de la dignité. Ça nous a redonné confiance ». Quel avenir pour ce mouvement ? « Ce n’est pas fini. Il n’y a pas eu de réponse ; le mouvement vient de loin : pour moi, il commence avec la trahison démocratique qu’a été le vote du Traité européen. Il s’inscrit dans ce prolongement. Il continuera souterrainement, car rien n’a été résolu »

Alain était l’homme à tout faire d’une riche propriété crestoise. Il s’occupe désormais de sa maman âgée, lourdement malade. Charge harassante. Pour Alain, les Gilets jaunes ont été une véritable thérapie : « Après l’isolement, j’ai ressenti un immense sentiment de fraternité…la société capitaliste méprise ceux qui n’ont pas les moyens ». L’avenir ? « J’attends une métamorphose ». Le mouvement ? « C’est comme des billes apparemment disparates, qui attendent un dénominateur commun. A la fin : avoir de quoi manger. »

Séverine, 42 ans, est venu à Crest depuis Saint Jean en Royans, accompagnée d’un bébé en barboteuse jaune. Longtemps sans travail, puis en contrat aidé à Romans dans le péri-scolaire, elle est maintenant 20 heures par semaine agent d’entretien dans la fonction publique : « Ma situation s’est améliorée : Je peux finir le mois. Ça n’a pas été toujours le cas. Du coup, je suis avec les Gilets jaunes depuis le début. » Séverine a connu des moments difficiles. « Les déplacements mangent une bonne partie des revenus. Parfois même, je n’avais pas d’argent pour mettre l’essence pour aller travailler. Ce n’est pas vraiment intéressant de travailler : mais Pôle emploi nous persécute…On ne nous laisse pas le choix d’être pacifistes »


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