Présent à Sainte-Soline ce we, mon devoir, notre devoir, est aujourd’hui de témoigner. De raconter ce qu’il s’est passé, de dire, transmettre, diffuser largement pour rétablir un bout de vérité, pour tordre le cou à la désinformation malsaine de ceux qui imposent leur modèle de mort.
Pour le contexte, tout d’abord, insistons sur le côté hors norme de l’événement : la qualité de l’organisation et de l’accueil, le nombre de bénévoles, des participants venus de toute l’Europe et du monde, les infrastructures déployées, l’attention portée à chaque chose (briefs multiples, documentations, fil info, soins, écoute, garderie, cantines, boulangerie, etc...), le convoi des agriculteurs de la conf’, l’énergie déployée, l’intensité de la manifestation.
J’ai vu. Rien ne peut venir altérer mon jugement. Surtout pas les mensonges ahurissants des autorités politiques, judiciaires et médiatiques. Et pour ceux qui n’étaient pas là, si l’analyse des organisateurs est – fatalement - subjective, les preuves factuelles, images et témoignages sont suffisamment nombreux pour savoir de quel côté penche la vérité.
Même si je n’ai pas tout vu, chose impossible, j’ai vu assez. En effet, impossible de tout voir étant donné l’ampleur de chaque chose : le nombre de participants, la taille du site, le niveau de violences subies…
J’ai vu, donc, un cortège, immense, déferler sur les chemins qui nous menaient à la fameuse bassine. Puis l’arrivée, quelques dizaines de mètres plus loin, d’un tout aussi long cortège. Des milliers de personnes ! Pas 6000, comme le dit le gouvernement, mais entre 25.000 et 30.000. Après les plusieurs manifestations auxquelles j’ai participé contre la réforme des retraites, je peux affirmer sans aucun doute possible que le chiffre de 25.000 personnes est conforme à la réalité. D’ailleurs, quiconque regarde les innombrables images des cortèges de Sainte Soline ne peut être dupe sauf à être dans le déni par complaisance.
J’ai vu ces milliers d’opposantes et d’opposants, dont je faisais partie, qui composaient ces cortèges : de 7 à 77 ans, tout ce qui a de plus banal dans sa diversité. Je cherche encore la masse de dangereux casseurs ultra violent. Des groupes affinitaires militants de personnes déterminées à rentrer sur le chantier, oui. Et il est évident qu’ils et elles étaient organisés et préparés pour faire face. D’ailleurs je dois bien dire ici toute mon admiration et mon respect pour elles et eux, tant pour leur niveau d’organisation que de détermination. Et merci. Car oui, toutes et tous, dans nos différences, nos diverses sensibilités militantes et/ou stratégiques, nous étions là pour investir la bassine et hurler au monde entier que l’eau est un bien commun, qu’il y a urgence à la protéger et que notre devoir d’être humain est de la partager. Nous étions toutes et tous là pour dénoncer l’accaparement de l’eau pour le profit d’une poignée de voleurs protégés par une armada de plus de 3000 policiers surarmés.
Face à cela, j’ai vu pleuvoir les grenades et les lacrymos, le déchaînement hystérique de soldats équipés et organisés pour faire mal, pour blesser voir tuer. La stratégie de défense de la bassine, qui n’est qu’un grand trou dans le sol, était clairement une stratégie de terreur et de chaos. Plus de 200 blessés en à peine une heure, du plus pacifique au plus déterminé, des dizaines dans un état grave dont un entre la vie et la mort. Voilà le bilan de la stratégie militaire déployée contre 30.000 manifestantes et manifestants qui se battent pour la vie, la solidarité, le partage des ressources, quand les membres du gouvernement parlent, eux, de 6000 personnes et de 7 blessés chez les manifestantes et manifestants… Insupportable mépris ! Insupportable honte ! Le dégoût me noue la gorge face à tant d’inepties.
J’ai vu la démesure de la violence policière, particulièrement folle face aux militantes et militants préparés et organisés pour l’affrontement. Rappelons à quel point le combat est inégal. Malgré les cailloux, les feux d’artifices et une poignée de cocktails Molotov, ce sont quelques dizaines de militantes et militants sans armure qui se battent contre une armée de soldats équipés jusqu’aux dents disposant d’un stock intarissable de munitions dévastatrices. David contre Goliath. Combat inégal avec issue fatale. On pourrait discuter de savoir s’il fallait se lancer dans une telle boucherie, perdue d’avance. Laissons cela à celles et ceux qui ont mis leur vie en péril.
- L’agro-industrie et l’Etat prêts à tuer pour défendre le business du maïs
Ne cessons pas, en revanche, de dénoncer les mensonges qui salissent celles et ceux qui se battent pour la vie, quel que soit leur moyen d’action, car nous avons ce we toutes et tous, à des degrés divers, subit la violence insoutenable de ceux qui disent nous protéger.
J’ai vu et je dis, je crie, que les terroristes sont en bleu marine. Que les criminels sont en cravates, planqués dans leurs bureaux dorés des préfectures ou de l’Elysée.
Je pleure quand j’entends les mensonges relayés par leurs chiens de garde galeux, quand je pense aux familles des blessés dont la mémoire est souillée par les semeurs de mort que sont l’État et les voleurs d’eau potable.
Silence ou complaisance sont impardonnables.
De Sivens à Sainte-Soline, des Minguettes aux quartiers Nord de Marseille, en passant par les mouvements sociaux contre les lois travail, la réforme des retraites, la loi sécurité globale ou les gilets jaunes ; que la lutte soit environnementale, sociale ou sociétale, les préfets et les gouvernants, les Macron et les Darmanin, ont du sang plein les mains. Quiconque refuse de le voir est complice.
NO BASSARAN !
Nicolas